C'est curieux, la mémoire. Claude Brasseur a tenu le rôle plusieurs fois, il est ensuite devenu célèbre, et son Vidocq a été souvent rediffusé… Et pourtant, je ne me souviens que des quelques épisodes avec le créateur du rôle, le très oublié Bernard Noël, prématurément décédé.
Bernard Noël est mort en 1970, à 44 ans, au moment précis où, j'en suis convaincu, il allait s'affirmer comme un des plus grands acteurs français et, la maturité atteinte, s'imposer aux côtés des Noiret, Rochefort,
Marielle,
dont il était à peine l'aîné, et qui ont tous véritablement éclaté à la quarantaine.
Remarquable dans Le feu follet, aux côtés de Maurice Ronet,
lui aussi disparu trop tôt, il a beaucoup tourné pour la télévision, aux temps heureux où la petite lucarne pouvait concurrencer en qualité le grand écran. Qui n'a pas vu La mégère apprivoisée,
adaptée de Shakespeare
par Pierre Badel avec Rosy Varte
a manqué quelque chose de superbe…
L'expression d'alors pour désigner la télévision n'était-elle point plutôt les étranges lucarnes, popularisée par une célèbre chronique du Canard enchaîné signée André Ribaud et intitulée La Cour ?
L'une et l'autre expression faisait florès, celle du Canard enchaîné étant donnée dans un tour plus critique et sarcastique.
Tout cela pour dire que Bernard Noël aurait mérité de vivre sur tous les écrans !
5,4/6. La série des treize épisodes de Vidocq avec Claude Brasseur et Danièle Lebrun
vient d'être éditée par Ina éditions (au total 12 heures de programmes au sein d'un coffret). Son parfait, image de bonne qualité -sans plus-. Cette série datée de 1971, réalisée de main de maître par Marcel Bluwal,
est à mon avis une très belle réussite… Dialogues ciselés et plein d'esprit, humour, rythme, impertinence, mais aussi une belle analyse de toute une époque, et une radiographie de la société française éternelle, de ses ressorts psychologiques et politiques…
Ce n'est pas une série parfaite -certains éléments du scénario passent parfois moyennement, tel le guet-apens du premier épisode- mais elle côtoie l'excellence. Parmi ses nombreux points forts, la reconstitution historique poussée (décors, costumes), le descriptif psychologique de ses personnages, ses nombreux comédiens et comédiennes français de grand talent : outre les acteurs cités plus haut, Robert Party, Marc Dudicourt,… Et surtout, cette série de Les nouvelles aventures de Vidocq conserve aujourd'hui un caractère très moderne.
Je repasse actuellement chacun des épisodes de cette série, et suis très subjectivement émerveillé par le résultat. Les dialogues, le descriptif des psychologies et des classes sociales, l'évocation du contexte historique, les rapports de pouvoir, le poids de l'argent. Quelques faiblesses par moments, ce n'est pas une série parfaite. Mais globalement une marque, à mon humble avis, ce que le génie créatif français peut produire quand il rassemble des compétences complémentaires et s'en donne un peu les moyens… Félicitations sincères à Marcel Bluwal, 89 ans en 2014, le metteur en scène, et Georges Neveux (1900-1982), le scénariste dialoguiste. Robert Party (1924-2011) dans le rôle de Fouché est fantastique (le rôle de sa vie ?). Mais il y a aussi tous les autres acteurs, premiers et seconds rôles, et toute une équipe technique.
http://www.hdvision-mag.fr/2012/01/les-nouvelles-aventures-de-vidocq.html
un avis passionnant car si bien des séries de l'ORTF m'ont marqué en tant que spectateur, ainsi l'île mystêrieuse, Arsène Lupin
ou la dame de Monsoreau,
je ne suis pas persuadé qu'elles aient toutes bien vieilli.
J'ai essayé il y a peu de revoir Les secrets de la mer rouge et j'ai été plutôt déçu.
si ce Vidocq tient encore bien la route, tant mieux !
Après tout il date du temps où la télé avait une autre ambition de vendre à coca-cola du temps de cerveau disponible.
J'ai mis un lien vers une interview de Marcel Bluwal, dans mon précédent avis. L'avis de Bluwal est très pertinent. On ressent effectivement une impression de liberté de création quand on regarde ce Vidocq. Parmi les qualités de la série, le descriptif démystifié et amusé des arcanes du pouvoir politique, avec ses complots et ses batailles rangées pour le pouvoir. Un casting parfait, y compris dans les seconds rôles : Alain McCoy est par exemple effectivement excellent dans le rôle du marquis de Modène. Par ce biais, à l'écran, il y a toujours quelque chose intéressant à découvrir.
Sur la forme, relevons un rythme soutenu, l'emploi de plans séquence et peu de champs contre-champs : l'écriture cinématographique est moderne. Les dialogues sont élaborés, et s'inscrivent dans la tradition française des oeuvres bien dialoguées donnant vie à des pans d'histoire (Sacha Guitry,…). La musique est réussie également. La qualité de l'image du dvd est cependant tout juste acceptable (on est aujourd'hui exigeant sur ce point). Globalement, cette série peut encore aujourd'hui constituer un étalon-référence dans le domaine du feuilleton populaire de qualité.
Nb : ce qui frappe aussi, c'est le ton de la série très, très critique vis à vis de l'aristocratie (très détectable avec l'épisode "les bijoux du roi"). Notre collègue Azurlys, qui défend Les perles de la couronne doit s'en offusquer. Un esprit soixante-huitard flotte sur ce Vidocq.
Marcel Bluwal, réalisateur de très grand talent, était – et reste, puisqu'il n'est pas encore mort – un homme d'extrême-gauche, ce qui peut expliquer le ton remarqué par Vincentp. Ce qui est drôle, c'est que Robert Party, qui jouait Fouché, était lui plutôt engagé à droite…
Ah, voilà l'explication… L'aristocratie et la monarchie en prennent pour leur grade, ridiculisés à chaque occasion, montrés comme déconnectés de la société civile, et même conspirant contre les intérêts de la France. Bonaparte passe plutôt pour un rassembleur sympathique et un peu allumé, face à la monarchie. Vidocq et ses amis les forçats sont montrés comme les vrais héros de leur époque, portant des valeurs humanistes.
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