…Et comme vous avez raison, Sépia !
Je déposerai plus tard mon grain de sel !
L'éléphant est irréfutable ! disait le regretté Alexandre Vialatte ; de la même façon pourrait-on écrire que Michel Simon est irrécusable.
Quelle pitié de ne pouvoir imaginer, dans le morne paysage du cinéma français d'aujourd'hui (ou de demain, après-demain) un talent capable de cerner une apparence (toujours aussi peu gâtée par la nature, certes) de sale type revêche et grognon et immédiatement ensuite de fantaisiste amène et rigolard !
A dire le vrai, cette joyeuse pochade, qui repose sur un jeu de rôles théâtral assez classique (jumeaux qui s'intervertissent, illusions d'être aimé par ses proches) ne tient guère que par le génie des mots de Guitry et par la qualité somptueuse des têtes d'affiche : Michel Simon,
donc, exceptionnel, mais aussi la grande Marguerite Pierry,
une des actrices favorites du Maître (Ils étaient neuf célibataires,
Le comédien)
, à la gouaille prodigieuse et aux rires de gorge inimitables. Même Louis de Funès
qui, à l'époque dans les mille rôles où il courrait le cachet pouvait être exaspérant (comme d'ailleurs, il put l'être quand il devint grande vedette), même Funès, donc, est bon.
Sans doute pas un Guitry de première cuvée, mais un de ces films plein de charme et d'esprit qui étaient alors proposés aux spectateurs avec élégance et humour, sans campagne promotionnelle idiote, sans lourdeur ni insistance, mais en donnant la certitude qu'on allait passer une heure et demie délicieuse…
Il y a quelque chose qui semblerait dire qu'il n'y a pas de fil conducteur… Serait-ce que certains messages ont été supprimés et qu'une critique particulièrement virulente entamait le propos ?
Je ne crois pas qu'il y ait eu de suppression, mais il est vrai que, comme pour un feuilleton très compliqué, il ne faut pas avoir été absent de l'écran de DVD Toile pour bien suivre : en fait, sur le fil de La vie à deux, du même Sacha Guitry,
Sépia se moquait gentiment de moi pour n'avoir pas encore regardé La vie d'un honnête homme.
Puis j'ai mis un mot très déçu sur une inutilité de Chabrol où j'écrivais mon dépit de m'être laissé consumer une heure et demie de vie pour pareille bêtise.
Et Sépia, avec son Hum, hum a triomphé en me rappelant que j'avais mieux à voir que les funambulesques et piètres aventures des Godelureaux…
Comme on le voit, c'est d'une simplicité biblique !
Oui mais,les Godelureaux avec Bernadette Lafont
et Jean-Claude Brialy
devraient entraîner de notre amie de faire montre d'une certaine indulgence à votre encontre !
Danielle, voyons !
Deux ou trois petites choses, Pierre, sur cette perle….
Je suppose que vous avez remarqué la beauté sculpturale de la future madame Cruchot…Image fugitive, certes, mais qui a surement interpellé le petit cochon endormi. Etonnant et cruel rappel de la fuite du temps…Marguerite Pierry : Dé-li-cieu-se actrice ! La garde rapprochée de Guitry, bien sur, mais indispensable à la saveur des oeuvres du maitre. Je ne connais pas trop sa carrière théâtrale, mais j'ai un immense regret : Qu'elle n'ait pas -la faute au destin- endossé la robe de Maude, dans la sublime pièce "Harold et Maude" de Colin Hilling. Elle aurait sublimé ce rôle, comme Madeleine Renaud a magnifié Beckett.
Et puis, une question : Le dernier plan du film, ou l'on voit Michel Simon s'enfoncer dans la nuit, sous la mélopée par trop réaliste de l'immense Mouloudji, il vous inspire quoi ? Pensez vous que, dégouté de tout, il aille se "foutre à l'eau" ou bien refaire une vie plus humaine dans un ailleurs incertain ? Je vous avoue que je ne me décide pas à répondre à cette question….Et vous, cher Ami ?
Le nez de Claude Gensac – la future Mme Cruchot – est trop pointu pour parvenir – ou être jamais parvenu – à faire frémir en moi ce que peuvent susciter les pommettes hautes d'une Elsa Martinelli
ou d'une Stéphane Audran
qui sont, à mes yeux, le comble du charme…
Mais qu'importe ceci ! En revanche, la question que vous me posez sur le sort d'Albert Ménard-Lacoste après la fin du film est des plus intéressantes : un peu sottement, j'aurais tendance à écrire que Guitry, sceptique s'il en est, n'est pas pour autant jamais désespéré ; donc, une nouvelle vie peut commencer. Mais dans un soir de cafard, il peut bien m'arriver de songer le contraire…
Vous savez bien que le muret qui sépare tragédie et comédie est ridiculement facile à franchir…
Quelle merveille ! Quelle leçon de cinéma, de talents, de morale ! Quel régal que de (re-re-re-re) voir ce monument Michel Simon dans ce double rôle qu'il maitrise avec l' éblouissant jeu qu'on lui connait. Rien ne cloche dans cette oeuvre de Guitry.
C'est de l'or ! Oû que l'on se tourne, ce n'est que virtuosité, aisance, génie. De la cuisse de poulet cédée à Alain au prix de l'aile, par sympathie, à la roublardise de Marguerite Pierry,
absolument parfaite, via les employés de maison, futurs Mr et Mme Cruchot
et les admirables face à face entre Albert et Alain Ménard-Lacoste, c'est un dessert savoureux, délectable qui n'en finit pas. Je fais fi de la prestation de Lana Marconi qui n'est pas là dans son meilleur rôle comme j'oublie que ce film est inclassable. Noir, certes, mais drame ou comédie dramatique ? En tout cas d'un réalisme féroce. Et cette façon de faire chanter Mouloudji
en fond sonore à peine audible est une trouvaille magnifique. J'ai du voir ce film des dizaines de fois. Et le miracle a lieu à chaque projection. La scène oû Albert prend l'identité d'Alain me bouleverse. Quand il le peigne avec délicatesse est un grand moment qui peut passer inaperçu aux yeux de ceux qui ne s'immergeraient pas complètement dans l'âme de cette oeuvre. Je suis d'avis que Alain Ménard-Lacoste ne part pas se foutre à l'eau à la fin du film. Il vient de comprendre trop de choses pour aller les noyer…
Je place ce film parmi les meilleurs de Guitry . Avec des dialogues étincellants.
"-Je ne te retiens pas !-"
"- Et bien moi, je te retiens…-"
"- Je ne te raccompagne pas…-"
"- Tu es trop Honnête pour être poli…-"
Pourtant, le maître ne prête à ce film que sa voix irremplacable. Il n'apparait que dans le générique. Ses génériques fameux dont il a le secret. C'est un Guitry intimiste comme l'était La poison
ou bonne chance,
loin de la magnificence des Perles de la couronne
ou autre Si Versailles m'était conté.
Un Guitry
désabusé comme il le fut très souvent au cinéma et dans sa vie. Mais tellement lucide.
La vie d'un honnête homme doit être projeté dans nos écoles. Il est question de remettre en selle les anciens cours de morale, en vogue dans les années 60/70. Alors pourquoi, tant qu'on y est, ne pas passer par le talent, le sublime ? Et donner aux bambins l'envie de revoir, plus tard, ce drôle de Monsieur si laid à qui il arrive toutes ces choses terribles qui les attendent…
Page générée en 0.0059 s. - 5 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter