Un director's cut de "Straw dogs" ? Est-ce à dire que c'est le montage que nous avons toujours vu en Europe ou une version inédite à ce jour ? Le monteur Roger Spottiswoode étant toujours de ce monde et ayant déjà accompli un travail de restauration sur "Pat Garrett et Billy le kid
", on peut espérer une nouvelle mouture du chef-d'oeuvre nihiliste de Peckinpah.
Il semblerait que ce soit la version européenne en effet, qui correspond pour les US à une version director's cut. Je viens de corriger la fiche.
Il est certain que au lieu de se disputer les rééditions d'un même film, les éditeurs devraient plutôt se pencher sur les Peckinpah encore inédits comme "Coups de feu dans la sierra", "Major Dundee
", "La horde sauvage
" (dans une édition digne de ce nom), "Un nommé Cable Hogue
" ou "Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia
".
Peckinpah est proportionnellement (il a fait peu de films) le réalisateur populaire le moins représenté en DVD.
Pour combattre les loups il faut être soi-même un loup.
" Les chiens de paille" est un brûlot abject. Un retour aux sources très violent vers une perversité de terroir oubliée le temps d'une délocalisation.
Seule la verdure de ce site campagnard est apaisante. Le reste n'est qu'une débauche ancestrale décadente d'esprits réactivée par le comportement aguichant et immature d'une autochtone de retour sur les terres d'un site animalier.
Le besoin d''être traitée virilement est flagrant de la part d'une jeune fille s'estimant délaissée par un mari un peu trop puritain préférant les attraits de la formule mathématique.
Un homme simple, naif et inoffensif quitte une violence quotidienne pour la récupérer de manière encore plus brutale sur un site analphabète et avinée dont il devra s'inspirer pour survivre.
Au début des années soixante dix l'apparition de cet opus nauséabond est une véritable bombe. Une férocité méconnue sur grand écran apparaît soutenue par des images insoutenables.
« Les chiens de paille » dénonce le désœuvrement d'une faune locale dont les uniques perceptions sont la violence, la bière et la fesse.
Un regard effaré devant des comportements de chimpanzés passe du statut de victime à celui de séquestré combatif en s'inspirant des concepts de l'auto-défense.
La très éprouvante scène du « viol » est une montée chromatique partant de la répugnance en passant par la révolte, la soumission et le consentement.
En ces lieux désertés par la douceur tout passe par la force et cette force apporte du plaisir.
Pour info : le numéro de janvier 2007 de la revue Positif contient un très intéressant dossier d'analyse concernant l'oeuvre de Peckinpah : complet, pertinent, intelligible !
Quelle n'était pas ma surprise, hier soir, en voulant venir déposer mon p'tit message sur le fil de ce film et d'y trouver, au même instant (!!!) notre ami à tous JFK33 ce qui a quelque peu agrémenté ma soirée mais a modifié mes intentions…
J'ai découvert Les chiens de paille dont j'avais entendu parler à sa sortie. Ce qui représente un bail. Je me souvenais de l'affiche de ce film. Et, il faut l'avouer, c'était la grande époque de notre ami Dustin Hoffmann.
1971, ce sont "Les chiens de paille" – 1972, c'est "Orange Mécanique" – on semble nager dans une ultra-violence où les choses s'expriment en giclées d'hémoglobine et de ralentis savants – D'office, on se trouve plongé dans un cadre inquiétant dont on ne sait quelle va être la forme à la sortie mais que l'on est amené à attendre impatiemment ! -
D'office, on est mal à l'aise au sein de la société que nous décrit Peckinpah et c'est vrai que pour ma part ayant cotoyé ce monde de gens incultes qui n'évoluent pas malgré le temps et que l'on continue de retrouver à foison dans des coins perdus où la seule distraction est de boire un coup pour passer le temps à moins d'être comme un con à contempler la bêtise diffusée par la petite lucarne, on se pose la question de ce que l'on peut foutre sur cette bonne vieille terre.
Des grandes gueules. Des gens douteux y compris ceux qui sont supposés représenter l'ordre. Des vicieux comme le pasteur. Des malades mentaux comme David Warner semblera vouloir recomposer avec C'était demain. Une gamine qui a envie de satisfaire sa libido. Une bonne femme qui n'apparaît pas très claire par rapport à un passé relativement proche où elle a connu certain jeune gen du village. Un mathématicien qui nous prépare Rain man
et qui semble poursuivre sa prestation de Little big man.
Tout cela nous fournit de drôles d'ingrédients dans une situation douteuse.
A aucun moment, je n'ai eu un sentiment de sympathie pour l'un ou pour l'autre. Et les derniers instants du film nous plongeraient, après l'éclatement de la violence, dans un cadre où on peut se poser la question du rôle de la justice.
La fin d' Orange mécanique s'inscrit dans une logique implacable quand Les chiens de paille
nous entraînent dans le vide : Dustin Hoffmann laisse sa femme dans la maison dévastée et se dirige vers on ne sait où avec un assassin qu'il ignore (???) après avoir goûté au bain de sang et à la violence…
Très déprimant !
Je relis les commentaires de notre ami Jipi à propos de la scène de viol : est-ce vraiment un viol ? Une situation que la femme recherchait et qui évolue avec l'apparition d'un comparse du p'tit copain dont elle goûtait le plaisir qu'il lui distillait ?… Etant spectateurs, cette scène n'est pas très claire si ses actes, eux, sont clairement identifiés !
Je n'ai pas revu Straw dogs depuis un moment, mais la scène du viol est une des plus ambiguës qui soient. Si effectivement les "retrouvailles" avec l'ex-boy friend sont plus ou moins consentantes, l'arrivée de l'acolyte l'est bien moins. Et la sensualité brutale du début, se mue en souffrance et en humiliation pour Susan George.
Après les faits, elle quitte ses tenues d'allumeuse puérile, pour des lunettes de première de la classe, et un tout autre comportement.
C'est de toute façon, un film dérangeant, commençant par un gros-plan des seins de Susan George sous son pull, et finissant en carnage libérateur. Hoffman
se veut "civilisé", mais tout le monde le voit comme un lâche (Peckinpah
compris ?), et c'est en cédant à ses instincts primitifs (tuer ses ennemis, soumettre sa "femelle", dominer la brute épaisse), qu'il s'épanouit enfin, et trouve le sourire.
Le discours de Peckinpah par rapport à la violence, a toujours été complexe et ardu à décrypter, et dans Straw dogs,
il l'est d'autant plus qu'il y a un fort degré d'identification avec le protagoniste. Que ferions-nous à sa place ? That is the question.
Je rebondis sur vos intéressants commentaires, et notamment sur le mot de PMJarriq, Que ferions-nous à sa place ?
Il serait intéressant de recenser les films où des individus ordinaires – en tout cas peu préparés à la violence homicide – (comme vous et moi, je pense… enfin, comme moi, en tout cas) sont conduits, par la logique interne des situations à briser les codes (culturels, moraux, intellectuels, je ne sais quoi…) qui leur interdisent d'utiliser cette violence au même niveau que leurs agresseurs, voire à un niveau supérieur…
Sans y réfléchir trop, spontanément, je vois le Ed (Jon Voight) de Délivrance
… mais il doit y avoir plein d'autres exemples…
Paul Kersey dans Death wish, l'avocat dans L'homme qui tua Liberty Valance,
Grace Kelly
dans Le train sifflera trois fois,
Al Pacino
dans le premier Parrain,
Jodie Foster
dans A vif,
Harrison Ford
dans Frantic
… Ce sont les premiers qui me viennent en tête.
Tous les cas cités sont des situations extrêmes ! Il y aurait des analyses à réunir sur un fil pour pouvoir en débattre à l'aise… Mais c'est vrai que les situations évoquées par chacun des films ne sont pas particulièrement réjouissantes. Il y a néanmoins, chez Peckimpah, comme un plaisir pervers à enfermer "l'homme" dans une situation très noire !
Le fils de Viggo Mortensen dans A history of violence,
Carrie à la fin de Carrie au bal du diable,
Noiret
dans Le vieux fusil,
les héroïnes de The descent.
N'ayant pas vu les films cités par PM Jarriq, je comprends nettement plus la violence de Noiret dans Le vieux fusil qui répond réellement à quelque chose par rapport à celle de Dustin Hoffman dans Les chiens de paille.
D'un coup, je réalise une chose : "pourquoi ce titre "Les chiens de paille" ?"
Plaisanterie mise à part, lorsque vous écrivez Il y a néanmoins, chez Peckinpah comme un plaisir pervers à enfermer "l'homme" dans une situation très noire !, je vous fais amicalement remarquer que c'est bien la nature humaine qui est ainsi, et que la vie ressemble beaucoup plus aux Chiens de paille
qu'aux Demoiselles de Rochefort
!
Et merci à PMJarriq et à AlHolgpour leur érudition !
Oui mais Balsam il est flic, lui. Les flics sont censés avoir recours à la violence, parfois.
A Droudrou : il s'agit d'une citation (au début du film ? Je ne me souviens pas…) disant grosso-modo qu'il est facile de mettre le feu à un chien de paille. Autrement dit, qu'il n'est pas difficile de réveiller la violence chez l'homme ?
« Les flics sont censés avoir recours à la violence, parfois. » Certainement pas comme ça !
Bien sûr ! Mais là, je crois qu'on tentait de répertorier les "citoyens-comme-vous-et-moi" confrontés à la violence. Un flic, malgré tout, ne sera jamais tout à fait "comme vous et moi" par rapport à ce sujet.
Chose étrange à la fin d'un Justicier dans la ville les dernières images ou Bronson
regarde des jeunes voyous avec un sourire ambigu n'est pas sans rappelé les dernières expressions de Hoffman
à la fin des Chiens de paille.
Merci, Alexandre ! C'est bien pour cela que j'ai cité "Orange Mécanique" ! Je suis allergique à Bronson…
"Je suis allergique à Bronson…"
On ne va pas défendre l'indéfendable, même si l'acteur, avant sa dégringolade des années 80 a quand même un joli palmarès. J'ai toujours pensé que l'avoir distribué dans Death wish fausse complètement le propos. Il faut savoir que le projet au départ, devait être interprété par Henry Fonda
ou Burt Lancaster.
Donc plus intellos, plus âgés, moins "cowboys" (en tout cas dans cette partie de leur carrière). Malgré l'imperfection des quasi remakes de Death wish
(A vif
et Death sentence)
, il est clair que Kevin Bacon
et Jodie Foster
donnent une tout autre dimension au propos.
Quant à Bronson, même les meilleurs acteurs ne peuvent pas tout jouer. En l'occurence, l'interprète de Il était une fois dans l'Ouest,
a du mal à faire croire qu'il est un architecte pacifiste, bourgeois et légèrement à gauche.
J'y pense tout à coup, incontournable dans la série des hommes-de-la-rue qui franchissent la ligne pour se faire justice : Alberto Sordi dans Un Bourgeois tout petit, petit
bien sûr ! Où donc avais-je la tête ? Cette terrifiante comédie à l'italienne peut être vue comme la réponse de Cinecittà aux films de vigilantes – et quelle réponse, en particulier à la fin, quand Sordi… Mais je n'en dis pas plus.
Je l'ai revu hier et je l'ai trouvé aussi passionnant qu'au premier visionnage. Dans sa description de la violence et du lynchage Peckinpah a réussi là ou Arthur Penn
avait plus ou moins échoué dans l'interminable Poursuite impitoyable.
Les personnages sans être caricaturés sont plein de haine et la violence leur est naturelle. A première vue, le film peut paraitre fort simple, l'intrigue l'est d'ailleurs, si l'on ne réfléchit pas, si l'on ne porte pas un peu d'attention aux personnages en particulier à celui de Dustin Hoffman on n'a aucune chance de porter un quelconque intérêt à un tel carnage.
Une des évolutions les plus réceptives entre le début et la fin vient du changement de comportement du personnage envers sa femme. En deux courtes séquences Peckinpah le fait comprendre. Susan George
ne cesse de reprocher à Hoffman après la mort du chat son manque de courage de fermeté, elle lui colle au début un chewing-gum sur son tableau noir ou il travaille en le provoquant sèchement et il ne réagit pas, ni par colère, ni par violence et à la fin lorsqu'elle voudra ouvrir la porte aux assaillants, son mari lui assénera une paire de gifles, preuve que quelque chose de féminin s'est brisé en lui.
Hoffman craint cette bande de loubards parce qu'il sont tout le contraire de lui, ce sont des vrais mâles assoiffé de sexe pour se mettre à leur niveau, il faudra inévitablement qu'il passe par la violence, histoire de préserver, voire de faire naitre en lui-même une virilité épanouissante.
Et ses sourires dans la voiture à la toute fin peuvent finalement dire tous un tas de choses.
Les raisons qui poussent à la violence sont multiples ; la honte, la colère, la haine, la peur….
Hoffman craint cette bande de loubard parce qu'il sont tout le contraire de lui, ce sont des vrais mâles assoiffé de sexe pour se mettre à leur niveau, il faudra inévitablement qu' Hoffman passe par la violence, histoire de préserver, voir de faire naitre en lui-même une virilité épanouissante.
vous pensez VRAIMENT ce que vous écrivez ?
Oui ! Bien sûr il y'a de multiples raisons, mais celle-ci en est une.
Amusant : de la même façon qu'Impétueux, j'ai également trouvé ce film il y a déjà quelques années dans un bac à soldes pour presque rien.
Comme "Délivrance" ou "Orange mécanique", c'est un classique des années 70 qui pose des questions essentielles et philosophiques sur la violence en usant d'images violentes, au contraire d'un film plus "sociologique" comme "Funny games" qui s'interroge avant tout sur le comportement du spectateur face à la violence (celle ci n'étant qu'un prétexte à la limite, bien que le regard du cinéaste soit tout aussi critique par rapport à la violence "réelle" que par rapport aux images violentes).
Il n'en reste pas moins que le spectacle est impressionnant, jamais racoleur et posant les bonnes questions face à la sauvagerie…
Je ne suis pas un profond connaisseur de l’œuvre remarquable de Sam Peckinpah et je craindrais d'enfoncer des portes ouvertes en essayant d'y déceler des thèmes porteurs, mais je suis sûr qu'on ne me chipotera pas si je le qualifie de cinéaste de l'ambiguïté.
À la fin de tous ses films, et en tout cas de ceux que j'ai vus, demeure toujours une interrogation sur la nature profonde des protagonistes (on ne va tout de même pas parler de héros en évoquant La horde sauvage, Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia
ou Croix de fer)
, avec qui on n'est pas forcément, ou forcément pas, en empathie mais par qui on est fasciné. Puis cette ambiguïté s'installe insidieusement en nous pour nous interroger sur notre propre rapport à la violence, à la sauvagerie, et plus simplement à la mort. Et ce qu'on imagine pouvoir découvrir en soi, jusqu'à la volupté inquiétante de la férocité.
Ça ne marche évidemment jamais mieux que lorsque quelqu'un, animé des plus nobles idéaux de sagesse, de calme, de maîtrise de soi, de respect des autres se trouve confronté à la banalité de la brutalité ordinaire. Souvenons-nous, évidemment, de Délivrance : les niaises espérances en la bonté de l'Homme (et de la Nature, avec un N majuscule) s'écroulent devant la réalité vécue.
Diable ! j'écris cela en pleine Journée de la femme ; si les Chiennes – de garde, cette fois – lisent ça, mon compte est potentiellement aussi bon que celui des assiégeants de la ferme des jeunes époux) : je serai abattu comme un chien (tout court).
Le chef d'oeuvre absolu sur la contamination de la violence sur un individu "sain".
Dustin Hoffman retourne contre ses agresseurs une violence froide, raisonnée, pensée comme comme un théorème mathématique, face à l'agressivité atavique d'individus frustres et incultes. Le spectateur est renvoyé à sa propre fascination de la violence et à la jouissance morbide qu'elle génère. Le crescendo final est parmi ce que j'ai pu voir de plus intense sur un écran, par la grâce de la mise en scène époustouflante de Sam Peckinpah, notamment l'usage du montage alterné qu'il érige au rang d'oeuvre d'art.
Dès le début, sous des apparences idylliques, le cancer de la violence rôde sous les images, sournois, insidieux…ses métastases se répandent dans le crâne du spectateur bien après la fin de la projection.
Tous les personnages sont ambigus, complexes, difficiles à cerner. La scène du viol est l'acmé d'un film dérangeant, dur, désagréable même. Peckinpah place le spectateur dans une situation inconfortable: " Qu'aurais-je fait à la place de Dustin Hoffman ?" est la question lancinante qui mine de l'intérieur celui qu voit le film. C'est également une radiographie du couple, de ses doutes et de ses errements.
Sous la brutalité atavique, l'enfer du couple.
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