Un film de Louis Malle injustement méconnu alors qu'il s'agit d'un de ses films les plus personnels voire son chef-d'œuvre, comme l'a souligné à juste titre son biographe Pierre Billard.
Tout est d'un goût exquis:la photo de Decae, les costumes et les décors .
Le scénario est adapté d'un roman de l'anarchiste Darien. Contrairement à ce que certains critiques ont pu écrire, la critique sociale n'est pas absente,ainsi qu'en témoigne le personnage d'abbé voleur savoureusement interprété par Julien Guiomar.
Surtout, Belmondo y trouve l'occasion de montrer quel grand acteur il était dans les années 1960: il est ici d'une sobriété et d'une justesse très éloignées des cabotinages éhontés auxquels il se livrera par la suite.
Un grand film méconnu disponible en DVD dans une belle copie.
En visionnant cet excellent film de Louis Malle, plusieurs choses nous frappent. Tout d'abord, un superbe casting, avec de nombreuses vedettes de l'époque, du sublime cambrioleur de service, Jean-Paul Belmondo,
à un Julien Guiomar
(Tricatel, dans 'L'aile ou la cuisse'), déguisé en ecclésiastique, en passant par Marie Dubois
(Juliette, de 'La Grande Vadrouille
'), Paul Le Person
(Perrache, dans 'Le Grand Blond
'), Marlène Jobert
ou Charles Denner.
Ensuite, un esthétisme de réalisation quasiment parfait, l'avantage aujourd'hui étant peut-être que le film est historique (fin XIXème), et qu'il aurait l'étonnante tendance, par le biais de la décoration, des costumes ou des coiffures, de rajeunir les têtes d'affiches. Autrement dit, une fiction qui se conserverait fort bien. Rarement les Fabian, Jobert,
Dubois,
Bernardette Lafont aussi, mais surtout la Canadienne Geneviève Bujold
– vue plus tard dans l'Incorrigible,
et dont la carrière française fut assurément trop courte ! – nous sont rarement apparues aussi belles.
La réussite du film se traduit également par l'évolution linéaire du film, sans fausse note rythmique, et qui à son terme, donnerait presque au spectateur l'envie …d'imiter notre héros et ses comparses, dans leur « sale » besogne. Ce serait à peine exagéré. Bien que peu respectable, notre voleur attire pourtant la gent féminine – très critiquée ici -, et véhicule des idées anarchistes qui, dans le contexte particulier de l'époque, se justifieraient presque. Car à la base, Randal cambriole pour se venger de la bourgeoisie. Un film rare, mais bien apprécié par les cinéphiles, et qui mérite assurément mieux. A (re)découvrir sans faute.
Le meilleur rôle de Belmondo ? A l'heure des bilans, il semblerait bien que oui, finalement. Tenu d'une main de fer du début à la fin, l'acteur ne cède pas une fois à ses tics habituels, il compose sans faiblir un personnage ambigu, glacé, distant, comme mort de l'intérieur, avec une profondeur confondante. Individu vide, vacant même, il avoue n'exister que lorsqu'il vole, et le reste du temps, ne faire qu'attendre le prochain larcin. Parabole sur le métier d'acteur ? Pas impossible.
Le voleur est un film lent et majestueux, aussi froid que son héros, aussi désespéré que le magnifique personnage de Denner,
qui n'apparaît que dans une séquence, mais marque durablement le film. La construction en flash-back, loin d'être gratuite, augmente la tension à mesure que l'aube approche. Les comédiennes sont triées sur le volet, de Bujold
à Jobert
toute jeunes, et surtout Marie Dubois,
qui tire son épingle du jeu, en croqueuse d'hommes sans pitié.
Malle a su filmer des images frappantes, comme ce guillotinage inattendu auquel assiste Randal, et qui préfigure évidemment son avenir probable, cette fusillade nocturne, ou l'agonie de l'oncle sous les yeux du neveu qui refait son testament.
Le cinéma français à son meilleur.
A noter : l'apparition d'un jeune Jean-Luc Bideau en huissier… anglais, dans une séquence avec Marlène Jobert.
Je partage l'avis de PM Jarriq par rapport au jeu de Belmondo. Avec d'autres rôles comme "Léon Morin prêtre" et "Le doulos", il s'agit clairement de sa meilleure prestation à l'écran.
Le scénario ciselé des grands Jean-Claude Carrière et Daniel Boulanger, la mise en scène précise et l'atmosphère unique font de ce film une franche réussite (qu'on chercherait en vain de nos jours, du moins avec un casting d'un tel poids)…
Il est vrai qu'il était très bien chez Melville. Le plus surprenant, c'est qu'avec du recul, on apprécie vraiment Belmondo
dans les rôles qui sont à l'exact opposé de son image publique de "superstar". Léon Morin, Silien ou Randal, sont des introvertis, des cérébraux, des solitaires, strictement rien à voir avec les acrobates histrioniques de L'incorrigible
ou Le guignolo.
Quelques vestiges de ce talent retrouvé dans les derniers films que l'acteur tourna avec Lelouch,
font regretter une belle carrière de comédien longtemps sacrifiée au commerce pur et simple.
5,4/6. Superbe film effectivement (très sous-estimé et bien trop méconnu) ! Le voleur semble flotter dans une sorte d'intemporalité, hors des modes de forme et de fond du cinéma. C'est seulement en regardant la fiche du film que je peux lui mettre une date de réalisation (1967). Le défilé des acteurs -tous plus excellents les uns que les autres- est exceptionnel (certainement un des plus beaux castings employé dans une oeuvre cinématographique française). C'est un film social et politique, d'un rare finesse d'analyse. On retrouve le style de Louis Malle
portant un regard froid et distancié vis à vis de ses personnages (la voix-off qui se superpose aux dialogues,…).
Il est clair que le personnage principal vit dans une sorte d'insatisfaction affective comme bien d'autres personnages de l'oeuvre de Malle, cherchant à prendre une revanche sur la société qui ne lui permet pas de parvenir au bonheur. Autre thème connexe traité à la perfection : l'individu face à son destin. Le personnage principal, conscient de la gravité de ses actes et de son caractère malfaisant, semble comme Le feu follet avancer de façon plus ou moins rationnelle vers un destin inexorablement tragique. On observe à mon avis un voisinage entre le cinéma de Malle et celui de Robert Bresson
: un portrait d'un individu en souffrance et aspirant à un idéal, au milieu d'une société construite à partir de mécanismes sociaux implacables !
Un grand bravo à tous les contributeurs (citons simplement Henri Decaë pour les prises de vue sublimes) de cette très belle oeuvre du cinéma français ! Comme mes collègues Kfigaro et PM Jarriq qui s'expriment ci-dessus avec de bons arguments, j'estime qu'il s'agit là d'un des grands rôles de Belmondo, aux côtés de son interprétation dans Le doulos
et Leon Morin, prêtre
(mais j'ajouterais aussi La viaccia
à cette liste restreinte).
un très bel avis sur ce film méconnu.
Mais aussi force intrinsèque du récit. On a beaucoup dit que Louis Malle avait, dans plusieurs de ses films, réglé ses comptes avec la classe sociale dont il était issu, c'est-à-dire la grande bourgeoisie industrielle ; c'est évident pour Le souffle au cœur
; il doit y avoir des réminiscences plus ou moins dissimulées dans Les amants,
dans Milou en mai,
et naturellement aussi dans Au revoir les enfants
; tout cela apparaît aujourd'hui, scandales pudibonds évanouis, beaucoup moins corrosif et donc beaucoup plus convaincant et prenant qu'on ne le pensait. Alors, Le voleur
?
Randal, en fait, à la fois respecte l'ordre social établi et le nie, en l'avilissant : c'est bien la définition de la profanation (Je fais un sale métier mais j'ai une excuse : je le fais salement') : il brise les secrétaires en précieuse marqueterie, fait sauter les vitrines d'un coup de gourdin, laisse les pièce dévastées : voilà qui est grisant et irrémédiable. Et sans avenir, non plus. Et c'est pourquoi la fin du Voleur est si ouverte…
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