Heureusement, c'est l'immense talent de Jean Renoir qui a été mis à contribution, parce que le roman, sans être le plus faible de la série des Rougon-Macquart, qui compte, je le rappelle aux ignares, vingt volumes, fait partie de la deuxième partie du tableau, bien avant, (tout de même !) Le rêve (qui est à pleurer de rire) ou La faute de l'abbé Mouret, mais très sensiblement après Germinal, L'assommoir, Nana ou Pot-Bouille.
Seulement, dans cette transposition contemporaine d'un récit assez niais, où le prêchi-prêcha naturaliste et la volonté démonstrative du bon Emile ne parvienne pas à dissimuler les ficelles et les pilotis, il y a donc la faculté de transformer l'espace et l'image d'un grand artiste ; il n'y a pas, il me semble, de plus belle illustration du chemin de fer que cette Bête humaine, dont la qualité plastique finit par emporter toutes les réticences que l'on peut nourrir sur l'anecdote.Ajoutons à cela un Gabin excellent, malgré l'artificialité de son rôle, une Simone Simon, moins exaspérante que de coutume, un Fernand Ledoux prodigieux d'amertume et un Carette éblouissant de gouaille et d'humanité. Mixons avec une très belle musique de Joseph Kosma : on n'est pas loin du très bon film !
Ah tiens ! Presque un très bon film ? J'ai pour ma part vu dans ce film un chef d'oeuvre de Renoir, comme La chienne, La règle du jeu, La grande illusion, réalisé au cours de sa période la plus féconde…. Les point forts du film : une entrée en matière tonitruante, qui installe une atmosphère réaliste et tragique (le train entrant à toute vitesse dans le tunnel peut être perçu comme une métaphore du sujet développé par la suite) ; un récit d'une grande envergure qui multiplie à l'infini les tons différents à l'intérieur d'une même séquence (par exemple, Gabin saisi par ses pulsions criminelles qui se reprend rapidement), et qui explore en profondeur les mystères de la psychologie humaine,… Un des très grands classiques du cinéma français, un des plus grands films français même.
Et puis pour vous répondre au sujet de votre avis sur les films de Renoir des années cinquante, que vous minorez quelque peu, vous devriez lui reconnaître le grand mérite d'avoir cherché à faire évoluer son style et son propos, après avoir tout dit ou presque avant la guerre.
J'ai dû mal me faire comprendre, mon cher Vincentp : je trouve que, sur un scénario mal fichu, du fait de l'esprit systémique de Zola, Jean Renoir réalise un très très bon film, que je n'hésiterais pas à classer aux rangs de La grande illusion et de La règle du jeu si l'anecdote était moins tarte. C'est donc un hommage indirect à ce très grand réalisateur.
Ses œuvres des années Cinquante ? Si je n'ai pas du tout apprécié Le fleuve que je sais que vous tenez pour un chef-d'œuvre, j'ai une grande passion pour French Cancan, j'aime bien Le déjeuner sur l'herbe et je me régale du Caporal épinglé ; malheureusement je n'ai jamais vu Elena et les hommes, mais je suis sûr que ce bonheur me sera donné quelque jour !
Nous sommes donc substantiellement d'accord, non ?
Au générique du début une citation du roman de Zola :"Jacques en venait à penser qu’il payait pour les autres, les pères, les grands-pères, … dont il était le sang gâté, un lent empoisonnement, une sauvagerie qui le ramenait avec les loups mangeurs de femmes, au fond des bois." . Le film à l'instar de Zola pose la question de l'hérédité chez l'homme. Le comportement de l'homme est il programmé à la naissance comme chez les animaux ? Un forme d'atavisme immuable ? D'instinct . Probablement pas ! L'éducation , l'environnement sont prépondérants. Nous sommes en 1938 , et cette notion d'atavisme peut déboucher sur le racisme. Chez Zola on évoque quelquefois une forme de "racisme" compatissant, les hommes ne sont pas égaux à la naissance, la maladie peut par exemple être transmise par l'hérédité : la rédemption de la "race ouvrière" vue par Zola . "Un génie hélas ! en phase avec cette idéologie raciste multiforme qui fut un des ciments de la IIIe République, de son aventure coloniale et de sa politique de domestication des travailleurs par l’éducation (4). Ce racisme n’a rien de haineux chez Zola, et ne sera pas incompatible avec son engagement dreyfusard : c’est une vision essentialiste du monde – et c’est la seule qui règne alors. " . la notion de race chez Zola
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