Pinter-Losey, c'est Accident, Le messager, toujours inédit en dvd et The servant, qui est pour moi le moins bon des trois. Mais c'est ce film laborieux et un peu lourd qui est le plus connu, celui que les chaînes choisissent pour rendre hommage à Pinter, Losey ou Bogarde.
Accident est un film dans lequel l'action est absente. Pourtant, on ne s'ennuie guère.
La psychologie brillante et emplie de mystère est servi par l'excellence du script et de Dirk Bogarde ou de Stanley Baker, qui forment avec Michael York et l'énigmatique et très convoitée Jacqueline Sassard un groupe de personnes dont le film décortique les étranges relations.
Déconcertant et austère comme le sont les deux Losey-Pinter, le film baigne dans un climat exactement à mi-chemin de The servant et The go-between, tantôt sombre et nocturne, tantôt lumineux grâce à de verdoyants paysages anglais. A cet égard, le travail de Gerry Fisher à la lumière est digne d'éloges.Un film du secret, du non-dit et du mystère, qui surprend là où on ne l'attend pas dans une séquence onirique avec la lumineuse Delphine Seyrig ou une omelette préparée par Dirk Bogarde.
Cette œuvre qui a bien retenu les leçons de Resnais et de Antonioni est sans contestation un des sommets de Losey en compagnie de Monsieur Klein, de Cérémonie secrète et de The go-between.
5,4/6. Je partage l'avis bien argumenté de Verdun. Voici une très belle étude psychologique, captivante, sans temps mort, tournant autour de la relation trouble unissant plusieurs individus, dans le contexte d'une cité étudiante et d'un cottage anglais. Accident montre comment la respectabilité de notables peut s'effriter progressivement pour -sous diverses influences- laisser place à des petits mensonges et compromissions peuplant petit à petit leur activité quotidienne -y compris la dégustation d'une omelette-. Cette étude décrit aussi parfaitement les relations étranges (faites de rivalités, admiration, attirance physique…) qui peuvent s'opérer entre individus de classe d'âge et de sexe différents ou identiques.
La mise en scène de Joseph Losey (portant un excellent scénario de Harold Pinter) est remarquable : narration en voix-off, raccord temporels, plans -somptueux déplacements de caméras tout en douceur autour des personnages-, etc… La sensualité du personnage féminin principal, les ambiguïtés du personnage masculin principal, sont transcrites par des plans qui sondent à la perfection leurs moindres gestes et regards. Ce travail sur les images -et le son (par exemple, effets sonores liés à l'accident)- créent un climat étrange, à la fois dramatique et onirique.
Si Dirk Bogarde est parfait, Jacqueline Sassard exceptionnelle, on relève aussi un excellent Stanley Baker en professeur censé enseigner des normes de bonne conduite, mais en perte de repères. Très éloigné du rôle de gangster qu'il interprète dans Les criminels du même Losey. Enfin Accident (à une séquence près) semble ne pas être rattaché à une époque et possède sans doute une dimension intemporelle. Même si la copie du dvd distribué par StudioCanal est de belle qualité, une restauration en copie numérique permettrait de mieux profiter de la photographie -luminosité du jour et ambiances nocturnes- très réussie de Gerry Fisher. Ce film très réussi -un des meilleurs réalisés par Losey- le mérite bien !
Je ne changerai pas grand chose à ce que j'ai écris en 2006: Accident est un film brillamment mis en scène, brillamment interprété et superbement photographié. Le film a été projeté dans une très belle copie 35 mm qui rend pleinement justice au travail de Gerry Fisher.
C'est un grand film sur les non-dits et sur l'hypocrisie des relations sociales. Le ton est à la fois très britannique, le thé est ainsi servi aux convives, et ouvert aux expérimentations des années 1960: la séquence avec Delphine Seyrig renvoie au Muriel de Resnais et les plans sur des décors vides évoquent Antonioni.
On peut effectivement saluer la prestation de Jacqueline Sassard, morte quasiment dans l'anonymat en juillet 2021 comme l'a souligné Michel Ciment après la projection. Au moins DVDTOILE peut s'enorgueillir d'avoir salué sa mémoire comme il se devait. Car Accident repose sur la fascination qu'exerce la belle Anna (Sassard) sur les hommes qui la côtoient et donc sur la fascination que Jacqueline Sassard exerce sur le spectateur. Avec une actrice banale et dépourvue de sensualité, le film aurait perdu toute crédibilité et se serait tout simplement écroulé !Toutefois, je baisse ma note de 6 à 5/6 car l'ensemble m'a paru parfois un peu trop long et surtout un peu trop froid: on a l'impression de voir des insectes examinés par un entomologiste et non des personnages faits de chairs et d'os.
Seuls quelques films, surtout Le messager, sensible et émouvant, échappent à la froideur dans laquelle s'est trop souvent complu le si talentueux Losey.Un dernier mot pour regretter la quasi-absence de jeunes spectateurs dans la salle hier après-midi. Pourquoi cette absence ? Absence de transmission de la culture ? Réticence des jeunes générations à faire des efforts intellectuels et à se confronter à un cinéma exigeant ? Désintérêt des jeunes pour ce qui s'est passé avant l'avènement d'internet et des nouvelles technologies ? Un peu de tout ça sans doute. En tous cas, voilà une problématique qui m'interpelle, moi qui balance "entre deux âges".
Comment ça, ami Verdun, vous vous étonnez de l'inculture des jeunes générations en matière de cinéma ? Croyez-vous qu'en matière de littérature, de poésie, de musique, de peinture, de sculpture, d'histoire, de géographie ce ne soit pas pareil ? La déconstruction est en marche depuis longtemps, mais les honnêtes gens comme vous n'en voient les ravages qu'aujourd'hui.
Au fait, Losey, je ne connais pas bien et je me méfie. Mais j'ai bien aimé Le messager. Et j'aimerais bien revoir Modesty Blaise, mais surtout pour Monica Vitti.
Belle rétrospective Losey, avec certaines oeuvres invisibles pouvant être découvertes. Losey, c'est un cinéma d'auteur, ambitieux, accompli, atypique, parfois rude. Mais le masque à porter, la fatigue du travail quotidien, m'amènent pour ma part à privilégier le visionnage à domicile. Autre problème : un rythme de projection trop soutenu à la cinémathèque (sujet déjà évoqué) qui empêche de découvrir une oeuvre en intégralité. Je programme un "Best of" à domicile à partir de dvd ou blu-rays. L'avenir à mon avis réside en un visionnage à domicile des oeuvres rares diffusées à la cinémathèque.
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