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Forum : Poil de carotte

Sujet : Une curiosité


De Impétueux, le 4 août 2006 à 16:21
Note du film : 4/6

Honnêtement, si je n'étais un sectateur absolu – en fait non : plutôt un admirateur vigilant – de Julien Duvivier, je n'aurais acquis ni regardé ce Poil de carotte qui n'a pas une bien grande notoriété et qui date du début du cinéma parlant, c'est-à-dire d'une époque ou non seulement on capte techniquement mal le son, mais aussi – et surtout ! – où les acteurs n'ont pas encore perçu cette révolution phonique et se comportent encore comme des théâtreux, avec des articulations ampoulées et excessives. A preuve le jeu épouvantablement maniéré de Catherine Fonteney sociétaire de la Comédie Française qui joue Mme Lepic, mère détestable de Poil de Carotte à coup de roulements d'yeux, de gestes torturés et de diction ampoulée et artificielle ; les jeunes acteurs qui jouent le rôle de Félix et d'Ernestine Lepic, frère et sœur de Poil de Carotte sont encore plus ridicules.

Mais le récit de Jules Renard est si fort, est une telle mine de qualité que ces scories s'oublient ! D'autant que Duvivier est, comme toujours, un extraordinaire compositeur d'images, un sublime technicien (à ce niveau, la sublimité de la technique la transcende et confine à l'art pur) et sait s'entourer (comme souvent Armand Thirard est chef opérateur ; Maurice Jaubert a écrit la musique).

Et puis M. Lepic s'incarne formidablement dans le très grand et trop oublié Harry Baur qui fait passer avec un talent magnifique la brusquerie, la pudeur excessive, la fatigue exaspérée, puis la révolte de son personnage, qui porte sur ses épaules le lourd poids d'un mauvais mariage, d'enfants ingrats et méprisables (Félix et Ernestine), d'une vie médiocre, parcimonieuse, égoïste et qui est pourtant, fondamentalement, un brave homme, simplement assez lâche et sourd, comme beaucoup…


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De lazare78, le 27 février 2008 à 18:49

Petites précisions : Il manque Janine Borelli dans la liste des acteurs, la grande jeune fille qui accompagne des enfants "Bourgeois" qui sont ses plus jeunes frères et sa petite soeur : Jean, Claude et Colette Borelli Et la Photo de Claude Borelli n'est toujours pas la bonne : Dans tous les films d'avant guerre, Claude Borelli est un petit garçon sans aucun lien avec la jolie Claude Borelli des films d'après Guerre.

Dans ces films des années 30, Claude est en effet un charmant petit garçon au longs et lisses cheveux blond qui joue généralement en compagnie de son frère aîné Jean, et de ses grandes soeurs Colette et Janine Borelli.

On retrouve les enfants Borelli seuls ou ensembles dans une dizaine de films d'avant guerre, dont Poil de Carotte, Après l'amour, La Sirène des Tropiques (avec J.Baker) etc ..

Borelli est un nom de théâtre qui permettait de protéger les 4 enfants. Leur véritable nom de famille étant Benquet (le Père, René Benquet, a joué lui-même dans quelques films) A l'époque les noms Italiens avaient bonne presse dans le cinéma et Borelli est dérivé du nom de jeune fille de leur mère, comédienne elle aussi : Blanche Boraley

Des 4 enfants, seule Janine Borelli continua sa carrière d'actrice en créant avec son mari, René Barré (1er prix à l'unanimité à l'Odéon), une troupe de théâtre : LES SPECTACLES BARRE-BORELLI. Cette troupe a sillonnée la France entière, de ville en ville, jusque dans les années 90, avec principalement de grandes représentations des oeuvres de Molière. La plupart des collèges de France ont emmené chaque année leurs élèves à ces présentations pendant de nombreuses années.

Quand à Colette Borelli elle a été célèbre avant guerre en doublant la voix de fillettes de plusieurs grands films américains : la plus célèbre étant Shirley Temple. C'est sans doute ce qui a inspiré Colette Borelli à se lancer ensuite dans la danse et … les claquettes.

Jean-René BENQUET (fils de Jean Borelli)


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De Yaunaile, le 12 février 2011 à 00:21

Il ne faut pas oublier de citer le jeune Robert Lynen dont la fraîcheur et le naturel sont le contrepoint exact et tellement émouvant de la puissance dramatique d'Harry Baur. Ces deux acteurs là sauvent le film par l'intemporalité de leur composition. Il est tragique de penser que l'un et l'autre disparaîtront pendant la seconde guerre mondiale, le plus jeune fusillé à vingt ans pour avoir résisté à la barbarie nazie ; le plus âgé dans des circonstances plus troubles, suspect de compromission puisqu'il tourna pour la Continental et jusqu'en Allemagne, même, mais pourtant victime, lui aussi, de la gestapo.

La scène où Poil de carotte tente de se pendre me paraît sans équivalente, tant sa force dramatique et la justesse des deux comédiens en transcendent la substance même. Elle est d'une incroyable violence métaphorique, inouïe dans le paysage cinématographique des années trente.

Je ne me souviens pas avoir jamais vu dans aucun film le visage d'un enfant bouleversé, cadré pleine face, en gros plan, en train de se passer une corde autour du cou, puis de se jeter dans le vide, rattrapé de justesse par son père. Toute la fin du film est profondément touchante, retenue, humaine, sans aucun sentimentalisme de pacotille.

En vérité ce film est bien plus qu'une curiosité, je ne suis pas loin de penser que c'est un authentique chef d'œuvre, le décalage évident entre la performance des deux acteurs principaux et de ceux qui leur donnent la réplique étant, en soi, un remarquable témoignage d'un moment précis où le cinéma s'affranchit de la scène et impose ses propres codes d'interprétation.


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