Ce film est vraiment un chef-d'œuvre magistral du tandem Powell – Pressburger.
Les acteurs sont formidables et particulièrement celui qui tient le rôle de Lermantov (vraiment impressionnant) et le technicolor est fabuleux.
Il y a beaucoup d'autres choses qui me font aimer ce film mais je n'arrive pas à m'exprimer; rien que la vision de ces chaussons rouges provoque des émotions, et le spectacle qui dure et qui prend des tournures irréelles et magiques, c'est génial.
Et pourquoi ne pas sortir un coffret Powell – Pressburger avec aussi le "Narcisse Noir" et "Une question de vie ou de Mort", deux autres superbes films.
Comme j'ai hérité un coffret (qui comprend aussi 49e parallèle, Colonel Blimp
et Le narcisse noir)
et que le nom de Powell
m'est connu depuis qu'il a sur ce site des admirateurs passionnés et convaincants, à l'opinion de qui j'ai foi, j'ai regardé tout à l'heure Les chaussons rouges
et je suis bien perplexe, comme quelqu'un qui n'ose pas trop dire qu'un film dont on lui a promis monts et merveilles l'a profondément ennuyé.
J'ai sans doute eu tort de commencer le cycle par une œuvre focalisée sur une des activités humaines qui m'indiffèrent (et souvent m'insupportent) le plus au monde : la danse classique ; je me suis toujours demandé comment il pouvait exister des amateurs passionnés d'entrechats et de jetés-battus, comment les tutus et les pointes pouvaient exalter le cœur d'amateurs enamourés. Et naturellement, lorsque un film tourne autour de cette fascination, qui m'est totalement incompréhensible, il me semble normal qu'il m'ennuie et me semble, même, légèrement ridicule.
J'espère bien naïvement que les autres films du coffret tourneront autour de thèmes qui m'intéresseront davantage, parce que là, j'ai subi une énergique purgation autour d'un mélodrame à quoi je n'ai pas adhéré une seule seconde.
La balance faite entre la vocation artistique et l'amour pour un être, ça n'est pas tellement rare : c'est même ce qui sous-tend un film aussi merveilleux que French CancanC'est bien beau de faire du style et de multiplier les performances techniques qu'égrène avec complaisance Bertrand Tavernier dans un des multiples suppléments de l'édition ; mais un film, ça n'est pas, ça n'est vraiment pas qu'une accumulation de défis surmontés et si on dit bien volontiers "Bravo l'artiste !", on applaudit du bout des doigts et en s'ennuyant passablement, comme avec un concert de musique de chambre, si l'on n'est pas amateur assidu de quatuors à cordes.
Je n'ai rien contre les mélodrames, je reconnais volontiers que Serge Diaghilev est un nom important dans l'évolution artistique du siècle dernier, j'apprécie le raffinement civilisé du jeu d'Anton Walbrook, parfait maître de cérémonie de La ronde
de Max Ophuls,
j'admets bien volontiers que les angles de prises de vues, le brio du montage, le traitement de la couleur de Powell
sont intéressants et rares…
Mais enfin, c'est très extérieur, très esthétisant, très vain. J'irai voir les autres films du coffret, mais je me trouve ce soir déjà un peu sceptique…
Bien aimable ! Mais comment expliquez-vous, alors, que je tiens David Lynch pour un des plus grands et que tout ce qu'il fait m'émerveille ? Et que, dans un autre registre, les folies furieuses de Emir Kusturica
m'emballent ?
Vous ne devriez pas être si primaire, Vincentp; vous pouvez et devez mieux faire… Cela dit, je regarderai Le narcisse noir et Colonel Blimp
; mais ça ne m'éclairera pas sur le goût que certains ont du ballet…
Kusturica : un univers truculent, slave, haut en couleur, proche de celui de Mikhalkov. Finalement des accointances avec la culture française.
Powell (allié à Pressburger) : un des cinéastes préférés des cinéphiles (par exemple le cinéaste préféré de Martin Scorsese, un de mes cinéastes préférés aussi), mais à dominante fortement onirique (Le narcisse noir,
Je sais ou je vais,
A canterbury tale,
Colonel Blimp,
Une question de vie ou de mort,
La renarde)
… Parfois, les personnages s'allongent dans l'herbe et regardent passer les nuages… ou bien se souviennent de leur passé, comme D Kerr dans Narcisse noir.
C'est amusant, je regardais récemment A canterbury tale et me demandais ce que vous en penseriez, tellement c'est non-académique.
J'ai peur que vous ne reproduisiez le syndrome Lawrence d'Arabie… La fille de Ryan
vous indisposerait également. Car Powell comme Lean sont britanniques !
Bon, on ne peut pas tout aimer. J'ai du mal avec le cinéma allemand (conceptuel et rigoriste) : Fassbinder, Wim Wenders… Ai eu du mal à rentrer jadis dans les univers musicaux de Bob Dylan, du jazz, mais y suis pleinement aujourd'hui.
Nous ne pouvons que vous inciter à perséverer dans votre exploration cinématographique, à la découverte de vous-même !
NB : le film le plus simple d'accès de Powell reste Le voyeur.
J'ai complètement accroché cette fois-ci à ce film, mais il est clair que l'humeur du moment du spectateur peut faire pencher la balance dans un sens moins favorable. Ce n'est pas pour un spectateur européen contemporain un film forcément facile d'accès.
L’argument des Chaussons rouges est tiré d’un conte d’Andersen, lui-même inspiré d’une légende ancienne : comment une jeune fille avide de danser et souhaitant se rendre au bal se voit remettre par un étrange personnage une paire de chaussons magiques. Ceux-ci lui permettront d’assouvir sa passion de la danse pendant la fête en lui donnant une grâce et une énergie remarquables et en suscitant l’admiration de tous, mais le prix à payer est terrible puisqu’ainsi envoûtée et incapable de retirer les dits chaussons, elle ne pourra plus cesser de danser et continuera jusqu’à total épuisement, jusqu’à la mort.
On retrouve de telles légendes un peu partout, et le recensement des contes populaires de la France mystérieuse elle-même propose un certain nombre de contes où des lutins, des korrigans ou des fées rencontrés sur la lande ou dans un bois propice aux esprits invitent d’aventureux promeneurs à entrer dans une danse qui ne finira qu’avec leur total et fatal épuisement. Une scène semblable avait d’ailleurs été prévue dans Legend de Ridley Scott
mais n’est pas présente au montage final, bien que sa musique trépidante puisse être entendue dans l’intégrale de la bande originale de Jerry Goldsmith.
Les chaussons rouges : tel est le ballet qui va propulser la jeune ballerine Vicky Page(Moira Shearer)
, passionnée et ambitieuse, vers la notoriété au sein de la compagnie Lermontov. Mais l’argument du ballet ne concerne pas seulement la scène et se jouera également dans la vie et le destin de la jeune femme, car le prix à payer pourrait bien se révéler aussi exorbitant que celui de la légende. En effet, l’intransigeant directeur de la compagnie qui a décidé d’en faire une star considère l’art (en l’occurrence musique et danse) comme un idéal nécessitant les plus grands sacrifices, y compris celui de la vie privée, d’une histoire d’amour et de la fondation d’un foyer. Lorsque la belle tombera amoureuse du compositeur, elle devra choisir… Mais est-elle vraiment libre de le faire ?
On retrouve les qualités formelles dues au tandem britannique des « Archers » (nom de leur compagnie) Michael Powell & Emerich Pressburger, auteurs d’un si grand nombre de films emblématiques du cinéma anglais des années 40, dont une photographie splendide de Jack Cardiff
(Le narcisse noir,
Pandora)
, et un ballet d’un quart d’heure utilisant les moyens techniques de l’époque.
Mais surtout, le film ne se contente pas de nous montrer le quotidien d’une troupe de spectacle avec ses moments de grâce et de dérision, ses grandeurs et faiblesses humaines, mais pose les questions qui font mal : l’art comme but ultime de la vie, comme addiction, voire comme dogme ou religion (il n’est d’ailleurs pas anodin que la fenêtre du bureau du directeur du ballet, situé au sommet de l’opéra, soit ornée d’une figure ailée : muse, ange, esprit ?) avec les commandements et interdictions qui vont avec, et donc comme sacrifice. Le terme de « passion » pour l’art prend alors tout son sens.
Un film intéressant donc puisqu’il allie beauté formelle et réflexion de fond. Et puis on apprécie de voir danser avec autant de grâce la ballerine écossaise Moira Shearer dans le rôle qui la révéla au public, en compagnie d’autres talents tels Ludmilla Tchérina
ou Léonide Massine,
mais aussi de retrouver l’impeccable et inquiétant Anton Walbrook
(La ronde,
Hantise)
… Se souvenir que Marius Goring
fut une jeune premier doué avant ses seconds rôles de soupirants éconduits par Ava Gardner
(dans Pandora
puis La comtesse aux pieds nus)
et que Robert Helpmann
fut un talentueux danseur (on le retrouvera dans Les contes d’Hoffmann)
avant d’incarner le machiavélique Prince Tuan des 55 jours de Pékin.
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