Un bon western (inégal) de Jacques Tourneur. L'un des premiers à remettre en question (partiellement) certaines conventions du genre ; les personnages sont des êtres instables, en quête de repères. Le film contient d'autre part de très belles séquences grâce à une utilisation judicieuse de la couleur : ainsi une poursuite vengeresse dans une nature de couleur rouge qui vire à l'écarlate au fur et à mesure que l'on se rapproche du dénouement ; à noter également les tons ocres de la ville embourbée (on retrouve ces tons dans 'Open range' de Kostner).
Revu sur grand écran, en copie 35 mm de qualité (issue de la Cinémathèque portugaise) pour un jugement revu en très forte hausse. Produit par Universal, Canyon Passage est réalisé en Technicolor par Jacques Tourneur
en 1947, sur la base d'un récit de l'écrivain américain Ernest Haycox, prolifique contributeur de westerns (il a écrit Stagecoach
adapté par John Ford).
Les décors de l'Oregon servent de toile de fond à un descriptif psychologique minutieux de personnages emblématiques de l'Ouest (pionniers, commerçants, indiens, hors la loi et justicier). Le scénariste Ernest Pascal et Tourneur brossent un riche et fin portrait de groupe, et de ses individualités. Névroses, sentiments refoulés, instabilité mentale, utopies envahissent des êtres tourmentés, qui cherchent à faire aboutir leurs projets de société : entreprise foncière, mariage, famille, amis, divertissement. Le héros Dana Andrews,
être puissant, mais aussi énigmatique, est placé sur un pied d'égalité avec ses concitoyens.
Avec un bémol pour trois "transparents" inutiles, les grands espaces et leurs particularités d'éclairage, de couleurs sont utilisés pour produire des images autoporteuses d'idées et d'émotions, donner un sens visuel à l'histoire. La musique mélancolique du baladin local, armé de sa mandoline, participe également à la construction sonore de cet univers de fiction. La progression physique funèbre de Ward Bond dans un décor naturel de plus en plus rougeâtre constitue une séquence anthologique. L'impression subjective vis à vis de Canyon Passage
: une propension à analyser, très rapidement et de plus en plus profondément, au fil des développements, le conscient et l'inconscient d'individus. Pour au final, proposer une grille de lecture de la société humaine, des rapports sociaux, là et ailleurs, en 1947 et aujourd'hui. L'écriture cinématographique est extrêmement brillante et témoigne du très grand talent de ses contributeurs, notamment de Jacques Tourneur.
Disons qu'il est dans le zig et moi dans le zag, comme le disait le regretté Thierry Roland.
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