Au premier abord, voici un film de guerre hollywoodien qui, dans un premier temps, mise sur le cliché du gentil et invulnérable anti-héros. Mais il n'en est rien : si le personnage du sergent Steiner (énorme James Coburn)gagne notre sympathie dans la grande lignée d'Alfredo Garcia
ou des personnages de La Horde sauvage.
Mais on s'apercevra peu à peu que ce sont des gens comme Steiner qui favorisent le mécanisme des guerres et de l'impérialisme : on touche là la clé du film.
Si le terrible Stransky qui entreprend toutes les folies pour gagner la croix de fer est effectivement un salaud, Steiner n'est pas beaucoup mieux tant il est ivre de gloire et de combats victorieux où il est susceptible d'assouvir sa volonté de puissance. On commence à le voir dans le troublant épisode de l'hôpital (dans lequel Peckinpah en profite pour montrer les séquelles de la guerre) où Steiner quitte la sublime Senta Berger
pour regagner le front et regoûter à cette drogue qu'est le champ de bataille- preuve de sa bêtise guerrière.Cette dimension antipathique du "héros" est confirmée par la fin où Steiner tue un lâche et ridiculise Stransky. Donc Peckinpah
a réussi un film fort mais sans manichéisme.
Pour autant, le réalisateur n'en a pas oublié son goût pour la violence et réussit quelques séquences terrifiantes dans le climat palpitant d'une armée allemande balayée par les Russes. Les ralentis sont comme toujours utilisés avec une maestria jamais égalée.Il y a ces plans aussi brefs que marquants où l'on voit par exemple un cadavre écrasé par un char d'assaut,un cadavre dans les barbelés,etc. qui contredisent complètement l'approche hollywoodienne classique.
Par conséquent, ce film qui a eu une suite paraît-il désastreuse (La percée d'Avranchesde A.V Mc Laglen) et est une des œuvres phares de l'auteur, représentative de son univers pessimiste, réaliste et en même temps cauchemardesque, très iconoclaste et critique au sein du système hollywoodien. En cela Croix de fer
nous venge des aspects pénibles d'un Il faut sauver le soldat Ryan.
Pour l'œuvre de Peckinpah, je reprendrais volontiers les observations d'Olivier Père, journaliste aux Inrockuptibles : on peut se demander pourquoi la très imparfaite Horde sauvage est très célébrée alors que Peckinpah
n'a pas été suivi dans les authentiques manifestations de son génie, Croix de fer
et Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia
.
Naturellement, c'est du Peckinpah et ça ne peut pas laisser indifférent ; grands acteurs (James Coburn
époustouflant), grand spectacle, idées filmiques superbes (le générique de début, qui se déroule sur un fond musical de comptine chantée par des voix de tout petits enfants, images de légende dorée du national-socialisme – vigoureux pionniers dans la nature, à l'escalade des montagnes, gamins blonds et rieurs, Hitler affectueux père de famille de la nation allemande – images de l'adulation du peuple pour son Führer et images de réalité guerrière – déferlement des panzers, crépitement des mitrailleuses, défilé de prisonniers, accablement des hommes. Et le générique de fin – qu'il faut regarder jusqu'au bout, et qui reprend la comptine initiale – est magnifique aussi, dispensant jusqu'à l'écœurement l'illustration des horreurs de la guerre, de toutes les guerres, de toutes les violences guerrières.
Le carton de fin dit d'ailleurs assez que Peckinpah attaque tous azimuts : il cite les mots célèbres de Bertolt Brecht
:
Ne vous réjouissez pas de sa défaite, vous les hommes
Car même si le monde s'est levé pour arrêter l'ordure,
La traînée qui l'a mise au monde est à nouveau en rut
(La dernière ligne est plus souvent traduite par le démonstratif : Car le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde).
C'est l'âme de la guerre que Peckinpah et Brecht
visent ; mais donc, comme le dit justement Verdun, dans le message qui ouvre ce fil, l'âme des guerriers. Et c'est là, il me semble, que le film rate un peu son sujet.
La comparaison peut paraître acrobatique, mais elle s'est imposée à moi : le grand film sur l'esprit du guerrier, ce n'est pas Croix de fer, c'est La 317e section,
parce que c'est presque une épure dégagée de toute charge romanesque et que ce qui se passe entre le sous-lieutenant Torrens (Jacques Perrin)
et l'adjudant Willsdorf (Bruno Cremer)
est de l'ordre de la démonstration au tableau noir (j'y reviendrai un de ces quatre sur le fil du film de Pierre Schoendoerffer).
Or ce qui me paraît un peu faible, dans Croix de fer, c'est l'argument assez emphatique, et la confrontation presque mélodramatique entre le feldwebel Steiner (James Coburn)
et le capitaine Stransky (Maximilian Schell)
, caricatural junker (hobereau prussien). Les éléments dramatiques mis en scène interfèrent alors trop et ne permettent pas d'avoir, sur la fascinante personnalité de Steiner le regard distant qui donnerait l'occasion de s'interroger à la fois sur la fascination de la guerre, de la violence guerrière, d'une part et, d'autre part, sur l'adéquation parfaite du caractère et de la personnalité de certains individus à des situations aussi difficiles et exceptionnelles.
Parodiant je ne sais plus qui (Pierre Dac ? Jean Yanne
? Pierre Desproges
?) on pourrait écrire, je crois : La guerre remonte à la plus haute antiquité – ce qui entraîne à écrire qu'il est passablement vain de s'en désoler et de penser qu'un film peut entraîner cette brave fille d'Humanité sur des chemins de lait et de miel ; la fascination que nous ressentons pour la violence guerrière, même si elle s'accompagne d'un rejet intellectualisé et des meilleures intentions du monde est tout de même présentée avec pas mal d'ambiguïté dans Croix de fer
comme, en général, dans la relation qu'en ont faite beaucoup de ceux qui l'ont vécue.
Montherlant écrit quelque part : La guerre fait émerger une fraternité insoupçonnée et insoupçonnable; elle fait jaillir autant chez le soldat que le civil une formidable grandeur que la paix flonflon ne saurait connaître ni reconnaître ; et il serait trop facile de traiter l'auteur du Chant funèbre pour les morts de Verdun de fasciste ou d'exalté ; la fraternité d'armes vécue par Steiner et son groupe, le dévouement, le sacrifice, la générosité sont de fortes évidences qui dépassent l'anecdote ; il me semble d'autant plus regrettable que le film vague et vogue un peu n'importe comment, avec des tas d'histoires périphériques (j'inclus l'idylle rapide avec Senta Berger
; c'est un peu comme si dans L'Armée des ombres,
on avait fait coucher Gerbier (Lino Ventura)
avec une belle fille rencontrée lors d'une de ses missions).
Maintenant, et évidemment, Peckinpah est un formidable réalisateur, un cinéaste qui donne à voir et qui sait filmer et magnifier chaque séquence pour la rendre, à tour de rôle, émouvante, bouleversante, haletante, terrifiante et qui ne mégote pas sur les effets. Et c'est un tour de force, aussi, que d'avoir établi une empathie du spectateur avec une unité de la Wehrmacht, alors même que tous les codes mentaux conduiraient normalement à se réjouir de la déroute ; mais je demeure en regret qu'il n'ait pas tourné un film plus sec, plus distant, plus austère. Il y avait de quoi faire !
« On pourrait écrire, je crois : La guerre remonte à la plus haute antiquité – ce qui entraîne à écrire qu'il est passablement vain de s'en désoler. »
Curieux, quand même, comme un certain bellicisme et un certain pacifisme se rejoignent pour gommer la spécificité des événements, pour les rendre indistincts, interchangeables. "La" guerre ? Mais laquelle ? La ligne de partage, commune à ces deux camps, selon laquelle il faudrait soit accepter LA guerre, soit refuser LA guerre, est une trappe rhétorique où il serait dommage de se laisser enfirouaper.
Quoi qu'il en soit, il y a bien longtemps que je n'ai revu Cross of Iron. Mais cette fois, il va falloir que je le revoie – avec plaisir, très certainement – pour pouvoir vous répondre adéquatement et non vaguement. Toujours est-il que je quand j'ai vu ce film, je l'ai interprété d'une manière tout autre, qui curieusement rend l'épisode avec Senta Berger
hautement significatif (alors que l'amourette avec Senta Berger
dans Major Dundee
était, elle, tout à fait superflue, mais c'est une autre histoire !). Enfin, pas de précipitation, je me dégotte ce film d'ici peu et je vous ponds une réponse de Normand !
Comme Arca, il y a longtemps que je n'ai vu Cross of iron, mais malgré des images inoubliables, un Coburn
impérial, il est clair que le film n'arrive pas à se hisser totalement au rang de classique du film de guerre, au côté de Paths of glory
ou Attack.
Trop démonstratif (les longs dialogues entre James Mason
et David Warner), parfois déroutant (Coburn
joue un Allemand, mais il est le seul Yankee au sein d'un casting teuton), on dirait parfois un film de Fuller,
sans en avoir la vivacité. C'est néanmoins une oeuvre importante, et je le reverrai également avec curiosité.
A noter que la suite La percée d'Avranches, de Andrew McLaglen,
avec Richard Burton
dans le rôle de Steiner, était tellement catastrophique, qu'il donne aussitôt envie de réévaluer Cross of Iron.
Sur le premier point de vos observations, Arca, on ne peut qu'être d'accord, évidemment : ne pas mettre toutes les guerres dans le même sac est un des premiers signes d'une intelligence historique éveillée ; et nous ne pourrions qu'ouvrir un œil ému sur l'avenir de l'Humanité si désormais les seuls conflits ouverts étaient des guerres de liberté et de défense. Mais vous m'accorderez qu'on n'y est pas et qu'on n'est pas prêt d'y être !
Sur le second point, j'attends avec impatience votre message : vous savez bien qu'à la vision d'un film portant sur un sujet complexe, le spectateur peut se diriger vers l'une ou l'autre des interprétations possibles : en fait il attend de voir ce qu'il a envie de voir, qui n'est pas forcément l'option du réalisateur (si même celui-ci en a une, bien tranchée, en rien soumise aux aléas de la production, du vedettariat, de l'époque, des circonstances de tournage, etc.) et qui est moins encore la direction prise par un autre spectateur…
« A noter que la suite La percée d'Avranches, de Andrew McLaglen, avec Richard Burton dans le rôle de Steiner, était tellement catastrophique, qu'il donne aussitôt envie de réévaluer Cross of Iron. »
À noter (sévèrement) que le même McLaglen a produit à peu de temps de là un autre sequel très, très mal réputé, Return from the River Kwai. La médiocrité est un goût qui se cultive ?
Par le jeu du hasard, j'ai regardé ce film juste après Une journée particulière d'Ettore Scola sorti en salle la même année (1977). Ces deux films ont curieusement de nombreux points communs de fond et de forme : le cadre historique (deux régimes totalitaire représentés à quelques années d'intervalle), ces images fragmentées introductives tirées d'archives et représentant les sinistres personnages qui tirent alors les ficelles en pleine lumière ; un même humour désabusé détournant le sérieux de systèmes totalitaires et ambitieux pour leur conférer une dimension bouffone ; une importance accordée aux actes ordinaires du moment présent, lesquels soulignent idées et pensées des personnages ; une même invitation, via un rythme lent, et les développements narratifs, à méditer sur les fondements psychologiques, politiques et sociaux de ces systèmes en apparence solides, en réalité éphémères car s'appuyant sur des soubassements très fragiles (une force brute et aveugle, des boucs-émissaires).
Une chose resta célèbre à la sortie de ce film. Orson Welles dit de Croix de fer
qu'il s'agissait du film le plus anti militariste qu'il n'avait jamais vu.
Au moment de la réalisation Peckinpah malade, avait parait-il des excès de rage, rendant le tournage chaotique et un peu plus lourd, de jour en jour. Au final, c'est peut-être son plus grand film.
On retrouve le même thème de la violence, toujours présent dans chaque film du réalisateur, ici poussé au paroxysme dans un état de normalisation. Rambo disait dans je ne sais plus quel film : La paix et la démocratie sont des anomalies.
C'est exactement cette vision là, que Peckinpah expose dans Croix de fer.
L'être humain est une bête sauvage ; Peckinpah
nous l'avait révélé dans Les chiens de paille.
Les bêtes sauvages sont faites pour s'affronter !
Au générique Peckinpah semble presque vouloir nous dire que le nazisme est une réaction humaine.
Sam Peckinpah vraisemblablement aussi inspiré par Les sentiers de la gloire
de Kubrick
ouvre au cinéma, des portes, qui seront plus tard traversé par Wolfgang Petersen
pour Le bateau.
Je ne suis pas vraiment sûr qu'Orson Welles ait eu raison de qualifier Croix de fer
d'antimiltariste ; c'est davantage la nature humaine, vue au prisme grossissant de la guerre, qui développe à leur plus haut point tous les instincts, positifs et négatifs, de la pauvre Humanité que la guerre que Peckinpah
considère ; ce qui n'est pas le cas des Sentiers de la gloire,
où le mécanisme intellectuel de quelques fantoches calculateurs est montré…
Il me semble que Peckinpah porte d'ailleurs toujours ce regard désespérant et lucide, sur tous les mondes : est-ce que Les chiens de paille
est un film contre les campagnards britanniques, et Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia
un film anti-chicanos ?
Les chiens de paille démonte le mythe de retour à la nature. La vie dans une paisible campagne anglaise devient un cauchemar. Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia
montre des citoyens américains plus sauvages et moins civilisés que les autochtones mexicains. Peckinpah avait une sympathie pour le Mexique, qui représente dans son oeuvre une terre de refuge ou un échappatoire funeste (Guet-apens,
La horde sauvage).
J'ajouterais au sujet de Croix de fer l'impact fort de nombreuses images. Le char pénétrant dans l'usine désaffectée, n'est pas seulement un élément produisant une action, mais un personnage à part entière, aux formes déshumanisées. Des angles de prises de vue, des distances différentes (tantôt très proches, tantôt très éloignées) confèrent à cet objet une dimension de dangerosité et créent un vertige, une situation de malaise. Ces images en apparence anodines participent à la progression de la perception mentale qu'acquière le spectateur vis à vis du sujet évoqué : un monde chaotique, dangereux et sauvage.
« Je ne suis pas vraiment sûr qu'Orson Welles ait eu raison de qualifier Croix de fer d'antimiltariste. »
Pour ma part, je crois comprendre ce que voulait dire Orson Welles. J'ai vu ce film à sa sortie en 1978 et il m'avait marqué pour des raisons similaires. Et mon interprétation n'a pas varié quand je l'ai revu par la suite. C'est que d'après moi, le sens du film s'éclaire dans les toutes dernières scènes, quand Steiner lance : « Regardez, je vais vous montrer comment se gagne une Croix de fer. » Et voilà pourquoi il fallait un acteur charismatique comme James Coburn : afin de mieux piéger le spectateur. Un peu comme le personnage de David Hemmings
dans La Charge de la brigade légère,
dirais-je. Tout au long du film on insiste pour nous présenter Steiner comme un réfractaire à l'autorité, individualiste, par opposition au caractère de Stransky, le nazi par excellence. Et Stransky est en effet un odieux personnage. Mais en fait, à la toute fin un voile se déchirait devant mes yeux et finalement je comprenais : Steiner ne vit que pour la guerre, c'est sa drogue, son seul univers. Et voilà à quoi servait l'épisode avec Senta Berger
: à nous montrer Steiner la laissant tomber pour repartir prématurément au front, alors qu'il n'est même pas guéri de ses blessures, parce qu'il est manque de son seul véritable amour, la tuerie. Il ne peut plus s'en passer. Il a tout ce qu'il faut pour gagner une Croix de fer.
Substantiellement d'accord avec vous, Arca : il y a des hommes qu'on voit conçus pour la guerre, pour quelque guerre que ce soit, d'ailleurs, et dans quelque camp que ce soit : c'est le cas du Capitaine Conan de Tavernier,
par exemple : c'est la guerre qui a révélé Conan (Philippe Torreton)
à lui-même, et c'est l'absence de guerre qui le tue…
Sans la guerre, que seraient, dans une société sereine et pacifique, Conan, Steiner ou Wilsdorff (Bruno Cremer, dans la 317e section)
? Des riens du tout…
Dire que ce ne serait pas mieux comme ça est une autre histoire…
Voilà, nous sommes bien d'accord : c'est-à-dire que le goût de la boucherie est leur principale motivation. Ce genre de personnage existe aussi en temps de paix, mais on les trouve surtout en prison ou dans les asiles psychiatriques.
Vous êtes un esprit trop fin, Arca, pour feindre, sur ce point précis, un accord qui n'est pas : des hommes faits pour la guerre, de mon point de vue, ce sont des gens qui peuvent être parfaitement ordinaires dans un temps de paix, parfaitement anonymes et placides, mais à qui la guerre donne une sorte de dimension personnelle et dont elle révèle une autre nature ; il n'est pas dit, bien loin de là, que ces guerriers soient, dans le cours normal des choses, des psychopathes et des assassins ; psychopathes et assassins qui, d'ailleurs, dans la guerre, peuvent avoir une conduite fuyante et se montrer d'une grande lâcheté…
Ce ne sont pas ces gens-là, non plus, qui déclenchent les guerres ; c'est, selon les points de vue, soit des individus particulièrement malfaisants, mais dont rien ne dit qu'ils feraient preuve au combat de courage physique, soit des forces de tension économiques, religieuses, ethniques, géographiques ou tout ce que vous voulez…
« …des individus particulièrement malfaisants, mais dont rien ne dit qu'ils feraient preuve au combat de courage physique… »
Très juste. Comme dit l'ironique dicton populaire italien : « Armamoci e partite ! », Armons-nous… et allez vous battre !
Quant au reste, j'admets que vous êtes sans doute plus près de la complexe réalité que moi. Cela dit, la question « Qu'est-ce qui déclenche les guerres ? » n'a pas beaucoup de sens à mes yeux, pas plus que les positions du "pacifisme absolu" qui pérore toujours sur la guerre, sans jamais préciser laquelle. Chaque guerre a des causes bien caractérisées, parfois évidentes – comme la Seconde Guerre mondiale – parfois incroyablement ramifiées et bizarres – comme la Première Guerre mondiale ; et on ne peut être pour ou contre une guerre qu'au cas par cas. Pour des raisons opposées, tant le militarisme qu'un certain pacifisme ont tendance à gommer la spécificité des événements – Pour ou contre LA guerre ? – position densément fumigène qui sème surtout la confusion et l'indistinction.
Verdun dit :
Si le terrible Stransky qui entreprend toutes les folies pour gagner la croix de fer est effectivement un salaud, Steiner n'est pas beaucoup mieux tant il est ivre de gloire et de combats victorieux où il est susceptible d'assouvir sa volonté de puissance. On commence à le voir dans le troublant épisode de l'hôpital (dans lequel Peckinpah en profite pour montrer les séquelles de la guerre) où Steiner quitte la sublime Senta Berger pour regagner le front et regoûter à cette drogue qu'est le champ de bataille- preuve de sa bêtise guerrière.Cette dimension antipathique du "héros" est confirmée par la fin où Steiner tue un lâche et ridiculise Stransky.
Je ne vois pas du tout, subjectivement, ou est-ce que Steiner est un salaud.
A l'inverse de tout ceux qui l'entoure Coburn est le seul à garder une certaine clairvoyance et un peu d'esprit.
Il est difficile de trouver haïssable ce personnage, vu qu'il est aussi le seul à garder un certains respect pour les plus faibles.
Il libère un petit Russe… Empêche le viol d'une Soviétique… Apporte une certaine chaleur à ses camarades traumatisés… Vomit le IIIème Reïch… Et en justicier, massacre le lâche qui a ordonné que l'on tire sur son peloton !
La chose qui me surprend le plus dans Croix de fer c'est surtout l'image de l'enfance.
Dés le générique, il y a une comptine chantée par des enfants, puis dans le même générique, le film s'arrête sur des images d'enfants, qui sont aux cotés du sanguinaire Adolf Hitler . Puis Steiner découvre un petit Russe, qui à dix/douze ans, est déjà dans l'armée rouge. A la fin Stransky se fait tirer dessus par un autre enfant…
La morale de Sam Peckinpah semble alors être la même que celle de Jean-Pierre Melville
dans Le cercle rouge.
L'inspecteur général de la police disait à Bourvil : Les hommes naissent innocent, mais ne le restent que très peu de temps… Tous coupables !
Dès le générique de début, Peckinpah crée un malaise en faisant défiler des images de liesse autour d'Hitler sur fond de comptines enfantines, tout en y articulant des images de guerre et de désolation.
Chez Peckinpah, la guerre est un charnier, en entrelacs de corps démembrés qui pourisssent dans une atmosphère viciée. Il montre des anti-héros fascinés par cette forme institutionnalisée de violence : Stransky, aristocrate prussien obsédé par l'idée d'obtenir la Croix de Fer, est montré comme un pleutre, un pantin à la limite du ridicule projeté dans la boue dès les premières images. Lors des combats, il reste au téléphone à demander des renforts tandis que les murs s'effondrent autour de lui.
Steiner a la guerre chevillée au corps, renonçant à une éventuelle nouvelle vie avec une infirmière pour retrouver la boue et le sang. Sa mitraillette semble être un prolongement de lui-même. Il refuse la barbarie, épargnant un jeune russe, protégeant des femmes-soldats ennemies de ses propres hommes, sans pouvoir maîtriser ses pulsions de morts ( il s'acharne sur Triebig qui a massacré ses hommes).
Brandt : -"Que ferons-nous quand nous aurons été vaincus ?
Kiesel : -Nous préparerons la prochaine guerre, voyons."
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