Le film qui a tout déclenché dans la carrière d'Alain Delon a encore une bien belle allure 45 ans après tant tout y est beau: les interprètes, la mise en scène, l'éblouissante photo de Henri Decae,
la musique de Nino Rota
et les paysages italiens qui donneront une couleur similaire à Avanti
de Billy Wilder.
Un film 10000000000 fois supérieur au Talentueux Mr. Ripley de Minghella,
qui montre que Delon
n'a jamais été aussi bon que lorsqu'il jouait des voyous ou des personnages méprisables.
PS: la fin est somptueuse alors qu'elle va à l'encontre de celle écrite par Patricia Highsmith.
Quarante ans avant l'inutile Talentueux Mr. Ripley, René Clément (« Jeux Interdits ») fit de Plein Soleil
un classique du cinéma français. Pourquoi ? L'influence de la romancière Patricia Highsmith bien sûr, le trio Clément-Delon-Ronet juste dix ans avant La piscine,
les décors romains des années cinquante, la mer bleue, l'intrigue solide et palpitante, le jeune Alain Delon à l'aube de sa carrière, la participation amicale de Romy Schneider, la musique de Nino Rotta… Le voir une ou deux fois suffit normalement mais peu démodé, il vient d'être –judicieusement- reproposé à l'affiche en plein centre de Bruxelles ! (au Cinéma Arenberg)…
Il faut cependant savoir que Patricia Highsmith a vendu plus de livres et a toujours été plus reconnue en France (et en Allemagne) qu'aux États-Unis. C'est donc une relation de réciprocité…
(Ter) Ne serait-il pas intéressant de proposer, sur ce forum, l'analyse des scènes ou des séquences qui nous ont touchés dans les films que nous aimons ? (Ter)
Après l'Histoire, retour au cinéma…
Saluons, cette fois, le talent de René Clément – dont on parle très peu, que ce soit ici ou là – dans son film Plein Soleil(1959). A partir d'un roman fascinant de Patricia Highsmith The talented Mr Ripley (1955), avec des acteurs (Delon, Ronet et Marie Laforêt) parfaitement choisis et brillants, il délivre un authentique modèle de réalisation : tout en proposant un film bien ancré dans le réalisme d'un récit (la vie oisive de jeunes et riches Américains dans une Italie de carte postale), il ne cesse de s'en évader par une transfiguration visuelle symbolique qui l'enrichit et lui donne une dimension véritablement poétique.
Je songe, bien sûr, à deux séquences précises (…)
Oui, une très belle réussite aux multiples lectures. La dimension policière est évidemment parfaite, mais la critique sociale omniprésente (Clément montre les gestes décalés des riches par rapport à leur environnement : le serveur se heurte physiquement à l'aristocrate par exemple). Une belle peinture de l'arrivisme. Plein soleil, avec des ingrédients typés années 60 (comme le générique, la musique) reste très moderne, par le traitement du sujet -croisant donc des aspects multiples-, la qualité de la mise en scène et de la direction d'acteurs. Il n'y a pas un temps mort, et les séquences se succèdent impeccablement, apportant un élément qui enrichit continuellement le kaleidoscope.
Voir dans la foulée Plein soleil puis Un dimanche à la campagne
… Disons pudiquement que la seconde oeuvre souffre cruellement de la comparaison. Le maître et le copiste !
(Ter) Ne serait-il pas intéressant de proposer, sur ce forum, l'analyse des scènes ou des séquences qui nous ont touchés dans les films que nous aimons ? (Ter) Une excellente idée, Gaulhenrix ! J'approuve et le mets en application sur le fil de Le Roi et les quatre reines. Revenez donc parmi nous : nous savons que vous êtes vivant !
l'analyse des scènes ou des séquences qui nous ont touchés dans les films que nous aimons ?
Mais les analyser (!) minute par minute comme vous le faites ? Ou un peu plus humblement, pour les esprits qui vont avec ?
Vous pouvez analyser de façon moins détaillée une séquence, ma chère Gilou. Gaulhenrix-le-chef-gaulois fait référence à plusieurs de ses contributions (voir Panic room) qui ont en leur temps "paralysé la plume" de Impétueux (selon ses termes) par leur vista.
"Analyser", démarche courageuse, qui nécessite de mieux connaitre les types de plans employés au cinéma. Il y a donc un petit effort préalable à accomplir. Prenez par exemple "les plans au cinéma" paru chez Eyrolle.
Revu récemment, Plein Soleil reste une oeuvre grandiose malgré le poids des ans.
La direction artistique est d'une rare perfection: j'ai toujours autant envie de passer mes vacances en Italie lorsque je contemple les paysages admirablement photographiés par Henri Decae, sur une bande originale fascinante de Nino Rota.
Fascinante comme cette confrontation Alain Delon
/Maurice Ronet
deux acteurs qui ont en commun le talent, la beauté et l'incarnation de personnages dénués l'un comme l'autre de tout sens moral. Et c'est fatalement le plus star des deux qui finit par remporter la partie. A mon avis voilà une erreur commise par le remake de Minghella
où le plus star des deux acteurs, Jude Law
est éliminé au profit du plus fade Matt Damon.
Maurice Binder réalise le générique trois ans avant de faire ceux des James Bond..
On pourrait n'admirer que le travail bien fait à tous les niveaux mais cette somme de talent est au service d'une histoire hors du commun et dessine un climat sulfureux.
On peut s'étonner de ce début de film qui évoque davantage une comédie qu'un thriller psychologique. On s'aventure ensuite dans la déambulation risquée d'un usurpateur de talent.
On peut aussi blâmer la fin qui est plus morale que celle imaginée par Patricia Highsmith mais ce qui devrait être un gros défaut se transforme en qualité tant ce dénouement est prodigieusement mis en scène par un René Clément
en état de grâce.
Sur le plan de l'histoire du cinéma, on ne peut qu'être intrigué de voir le vieux routier Clément recruter le plus grand chef op de la nouvelle vague -avec Raoul Coutard
- et le scénariste fétiche de Chabrol,
ainsi que de jeunes acteurs comme les Malle,
Truffaut,
Godard
les affectionnaient.
Truffaut a d'ailleurs beaucoup critiqué le cinéma de René Clément
mais force est de constater que Plein soleil,
tout comme Que la bête meure
dix ans plus tard, est un film beaucoup plus intense et passionnant que La mariée était en noir
ou La Sirène du Mississippi.
.
Vous me donnez envie de revoir moi aussi ce Plein soleil, Verdun, que je ne crois pas avoir regardé depuis sa sortie, alors qu'il existe en DVD, que j'apprécie assez le réalisateur et les acteurs.
Mais, dites-moi, qu'avez vous voulu dire en écrivant Truffaut a d'ailleurs beaucoup critiqué le cinéma de René Clément
mais force est de constater que Plein soleil,
tout comme Que la bête meure
dix ans plus tard, est un film beaucoup plus intense et passionnant que La mariée était en noir
ou La Sirène du Mississippi
….
Je ne perçois pas ce que vient faire là Que la bête meure, qui est un film de Chabrol
(même si vous évoquez ce nom au paragraphe précédent)…
Hormis Les Quatre cents coups y'a t'il un seul film de Truffaut
qui puisse avoir de l'intérêt ?
Je l'avoue Truffaut est pour moi un des cinéastes Français que je méprise le plus. Je n'aime pas plus ses films que ses interrogations philosophiques à deux balles du genre : le cinéma est-il plus important que la vie ?
J'avoue également ne pas aimer un seul cinéaste ni même très peu d'acteur qui tournèrent durant la nouvelle vague les films les plus lourds du cinéma des années soixante.
Pourtant j'ai essayé bon nombre de films chez Truffaut : Jules et Jim,
Baisers volés
avec l'exécrable Jean-Pierre Léaud,
Le Dernier métro
; le pire restant tout de même La Femme d'à côté
et surtout Les Deux anglaises et le continent.
Je maintiendrai toujours que si l'on y regarde de près le réalisateur le moins pire de la nouvelle vague, qui a réalisé quelques films à peu près normaux mais qui est étrangement le plus décrié reste finalement Claude Lelouch !
« Hormis Les Quatre cents coups y'a t'il un seul film de Truffaut qui puisse avoir de l'intérêt ? »
Fan de comédie à l'italienne qui lui est contemporaine, je suis un ennemi juré de la "Nouvelle Vague" en général et aussi de Truffaut
en particulier, à plus forte raison en tant que critique.
Pourtant, à votre question je peux tout de même répondre par quelques titrs : L'Enfant sauvage (film très instructif que Darwin aurait sûrement apprécié), L'Argent de poche,
L'Homme qui aimait les femmes
et surtout le très amusant Vivement dimanche.
J'ajouterais peut-être aussi La Nuit américaine.
Pour le reste, moi non plus je ne peux pas supporter le jeu monocorde et artificiel de Jean-Pierre Léaud
!
Pour répondre à Impétueux: en fait je mettais Que la bête meure dans le même sac que Plein soleil
parce que ces deux films, en plus d'être deux des meilleurs thrillers français jamais tournés, ont le même scénariste: Paul Gégauff.
Je l'avoue Truffaut est pour moi un des cinéastes Français que je méprise le plus !
C'est fou cette façon de "mépriser" un cinéaste que l'on apprécie moyennement ! Quand vous évoquez Philippe Clair, vous faites quoi ? Vous lancez une fatwa sur lui ? Pour Max Pécas,
vous engagez un tueur à gages ? Pour ma part, je ne connais pas un seul Cinéaste que je puisse mépriser. Même les auteurs des pires navets ! Pourquoi ? Parce qu'ils ont éssayé !
Mais pour en revenir à l'œuvre de Truffaut, hormis les impérissables et intemporels les Les quatre cents coups
qui font le bonheur d'une très large majorité, que faites vous des merveilleux Baisers volés,
de la délectable peau douce,
du pittoresque L'homme qui aimait les femmes
et surtout de la cabalistique La mariée était en noir
? Truffaut a été un des plus subtil, perspicace et intelligent cinéaste de son temps ! Et il a mit au monde un personnage aberrant, délirant et formidablement débridé : l'unique Jean-Pierre Léaud.
Les deux étant indissociables comme on pu l'être Claude Chabrol
et Isabelle Huppert
… Mais peut-être ne sommes nous pas au bon endroit pour cette discussion.
Drôle de film, qui a suscité plein d'images mythiques qui usent et abusent de ce voilier qui fend la vague et de ces beaux mecs au visage dur qui le pilotent…
Mythe à juste titre, parce s'il y a quelque chose de formidable dans Plein soleil,Je suis un peu moins preneur du reste et je trouve que ça s'encalmine un peu lorsque Greenleaf/Ronet a disparu ; d'abord parce que l'ambiguïté sournoisement homosexuelle des relations entre dominateur/dominé disparait, évidemment, mais aussi parce que le récit enfile toutes les perles de ces compliqués romans policiers que semblait affectionner René Clément,
qui reposent sur des horlogeries invraisemblables et des hasards inespérés. (Et ça donne les trop lourdes machines que sont Le passager de la pluie
ou La course du lièvre à travers les champs).
Mais ceci est un point de vue tout à fait personnel, de lecteur qui n'aime rien tant que les histoires policières de Georges Simenon,
où l'intrigue est complètement à l'arrière-plan.
Autre mythe, l'Italie de 1960, si proche et presque si exotique, celle de l'île d'Ischia (Mongibello du film), celle des premiers romans de Michel Déon où, entre Rome, Capri et la Sicile, des dilettantes venus du monde entier goûtaient le parfum de jasmin de la civilisation ; les traveller's-cheks, les billets de mille lires grands comme des paquebots, les costumes et les mocassins blancs, les machines à écrire Underwood, et même ce curieux mode de déplacement qu'on ne voit plus guère aujourd'hui, l'hydravion…
Comme souvent, chez Clément,Mais bon, ça fonctionne tout de même bien, sinon qu'on est bien forcé d'attendre le retournement de situation qui châtiera le coupable, avec la force de l'évidence. Disons que ce retournement est particulièrement spectaculaire…
« En fait, certains épisodes de l'intrigue du roman de Patricia Highsmith (dans ce que j'en imagine, ne l'ayant pas lu), viennent polluer l'atmosphère créée par Clément. »
Auteur de romans policiers vraiment uniques en leur genre, Patricia Highsmith a toujours conçu des intrigues qui se tiennent – elle a même inventé une sorte d'archétype narratif avec son Inconnu du Nord express. Pourtant ce qui l'intéresse d'abord et avant tout, c'est l'étude et la description du mal, de la turpitude humaine jusque dans ses plus infimes détails psychologiques. C'est la métaphysicienne du roman policier, et si elle a été suivie par d'autres, alors c'est bien plus tard. Surtout quand on pense qu'elle publie ses premiers romans dans les années 50, on peut dire qu'Highsmith
a ouvert au roman policier des possibilités littéraires et morales tout à fait inédites avant elle. Ripley, en 1957, c'était vraiment un ton nouveau et quelque peu choquant.
Tout ceci pour dire que l'intrigue, chez Highsmith, si elle se tient toujours du point de vue "policier", sert d'abord à explorer la foncière turpitude morale de l'Homme.
Vous qui aimez bien Deville, Impétueux, j'espère en tout cas que vous avez vu Eaux profondes,
qui illustre fort bien l'univers glauque de Patricia Highsmith – jusqu'aux inserts impromptus d'escargots !
Rappelons que Ripley est une série : elle va reprendre le répugnant personnage de Tom Ripley dans au moins trois autres romans.
Dans un autre registre, si vous aimez les nouvelles d'humour noir très très courtes, je ne saurais trop vous recommander Toutes à tuer. Je me rappelle même le début de la première nouvelle, intitulée « La main ». « Il était une fois un jeune homme qui demanda la main d'une jeune fille. Il la reçut – sa main gauche – dans une boîte. » Bien sûr, il vous faut l'édition courante de chez Julliard avec les illustrations de Topor. (Highsmith / Topor, la rencontre s'imposait).
Le pire est que je possède, dans un coin oublié de ma bibliothèque ce Toutes à tuer de Patricia Highsmith que vous évoquez, Arca et que j'ai bien apprécié…
Mais ce que je voulais dire, peut-être un peu grossièrement, c'est que dans Plein soleil, on dirait qu'il y a deux films : les rapports ambigus des deux protagonistes, Ripley et Greenleaf (Delon
et Ronet)
puis, à partir du meurtre, une autre direction, policière et un peu compliquée qui, me semble-t-il, se greffe assez difficilement sur l'histoire initiale.
Mais le film est très bien, néanmoins…
le DVD restauré par SNC – Groupe M6, La Cinémathèque française et avec le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain, présenté à Cannes le 25 Mai, sera disponible au mois de Juillet 2013, sans date précise définie. Plein soleil a fait l’objet d’une numérisation en résolution 4K, d’après un interpositif en bon état, tiré entre 1959 et 1960 à partir du négatif original Eastmancolor. Un travail de nettoyage sur palette graphique (avec les logiciels Phoenix, Da Vinci Revival, Diamant) a permis d’enlever les poussières, et les quelques rayures physiques de l’élément, voire aussi le pompage de certaines scènes provoqué par le vieillissement de l’émulsion.
Les variantes du projet
Plein soleil n’a a priori pas fait l’objet de censure, et ne contient pas de scène manquante, même si l’on a pu constater en se référant à une première version du découpage technique, que certaines séquences auraient été coupées ou n’auraient simplement pas été tournées. Le découpage technique contenait à l’origine un préambule avant le générique, dans lequel Philippe et Tom se trouvent à Mongibello en Italie, devant une fontaine, les pieds nus dans l’eau, lorsqu’un personnage nommé Enrico arrivant dans un fiacre leur propose de les emmener à Rome dans son avion personnel. Les deux hommes fuient avant que n’arrive Marge, en route pour les rejoindre à cette terrasse du Mongibello.
Ce préambule n’existe pas dans le film, même si le générique s’ouvre sur le décollage de l’hydravion, dans lequel se trouvent Tom et Philippe. La première séquence du film intervient donc à Rome lorsque Tom et Philippe sont déjà assis sur la terrasse. Romy Schneider apparaît à ce moment très brièvement avec l’américain Freddy. Cette version scénaristique demeure bien éloignée de l’ouverture du roman de Patricia Highsmith, où Tom est abordé à New York par Herbert Greenleaf, père de Philippe, qui lui confie la mission de rapatrier son fils. Le choix de René Clément et Paul Gégauff permet dès lors d’accentuer la mystérieuse relation qui lie Tom et Philippe, bien entamée au début du film, et qui d’ailleurs demeure équivoque jusqu’à la mort de Philippe puisque l’on ne sait pas s’ils se connaissaient vraiment avant l’Italie. Tandis que le roman annonce clairement que Tom côtoyait le fils Greenleaf à l’université.
La restauration et l’étalonnage numérique
La fin diffère elle aussi quelque peu en relation avec ce premier découpage : dans la version finale les policiers arrivent au café de la plage afin d’arrêter Tom, juste après la découverte du corps de Philippe. Ils demandent à la serveuse d’appeler Ripley et de le prévenir qu’il a un appel. Ce dernier se lève et sort du champ en souriant. Dans ce premier découpage, la scène est beaucoup plus elliptique : on ne voit ni les policiers, ni la serveuse, seul le téléphone sonne et Ripley disparaît du champ. Cette fin beaucoup plus suggestive n’a malheureusement pas été gardée, mais elle contenait l’idée assez forte de la volatilisation du personnage Ripley –qui finalement était un être faux et sans identité. Cette première fin fait curieusement écho au travail d’Antonioni, qui tourne la même année L’Avventura.
Cette restauration a essentiellement consisté en la restitution, la plus fidèle qu’il soit, de la lumière et des couleurs d’origine. Henri Decaë a en effet tourné avec un négatif Eastmancolor 5250, en format 1.66:1, à une époque où les tournages en couleur n’étaient pas encore systématisés dans les productions françaises. Chef opérateur « à qui l’on peut tout demander » selon René Clément, Henri Decaë considérait que la couleur donnait « plus de possibilités » comparé au travail en noir et blanc, « pour autant que le cinéaste sache s’en servir.
Quelques faux raccords lumière sur les scènes du bateau ont été conservés, en prenant pour référence l’étalonnage d’un positif 35mm issu directement du négatif original, élaboré en 1990 du vivant de René Clément. Ce positif contient des dominantes résolument chaudes et dorées qui ont été prises en compte pour cette version restaurée. Enfin, les poils caméras visibles autour du cadre n’ont pas été effacés.
Source : La cinémathèque Française.
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