Forum - Lacombe Lucien - Au rebours des certitudes
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Forum : Lacombe Lucien

Sujet : Au rebours des certitudes


De Impétueux, le 28 septembre 2004 à 11:00
Note du film : 6/6

Louis Malle-Patrick Modiano. Quel superbe tandem, pour un film qui dérange, qui peut choquer, qui dépeint (j'imagine) formidablement la zone trouble de l'époque. Qu'aurais-je fait, se dit-on en sortant de la projection si, partant pour le maquis sur un coup de tête, j'avais par hasard rencontré la gestapo française ?

Dérangeant et si loin du manicheisme et des attitudes fanfaronnes…


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De Arca1943, le 27 février 2006 à 12:46
Note du film : 6/6

« Brutal, transgressif, sans véritable moralité, cet animal prédateur et solitaire devient un collaborateur par hasard plus que par dépit ou par opportunisme. S'interrogeant sur la banalité du mal, Hannah Arendt avait eu cette remarquable formule qui décrit parfaitement le film et son "héros" : "C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal". »

Bien que je lui mette un 6, je n'ai pas revu le film depuis bien longtemps – et il ne semble pas vouloir sortir au Québec – mais dans mon souvenir, ce qui frappait d'abord, c'était la fantastique ignorance du personnage central. Lucien Lacombe sait-il seulement lire et écrire ? Ce n'est plus clair pour moi. Mais quoi qu'il en soit, quant au "scandale" de Lacombe Lucien, je me suis toujours demandé s'il n'y entrait pas une part d'embarras, de gêne – commune aux communistes et aux gaullistes – de voir à l'écran cette "France profonde" tellement profonde que c'en est à s'arracher les cheveux. On ne veut pas voir ça, on ne veut pas le savoir, la France est le pays du savoir, de la Raison, etc. Que peut avoir à dire la très sophistiquée rédaction du Monde à un paysan illettré ?

Pour moi c'est bien sûr la raison pour laquelle il n'est pas possible de haïr complètement le personnage : c'est qu'il est handicapé par son ignorance, qui fait qu'il ne comprend pas vraiment ce qui se passe autour de lui, que ces terribles enjeux lui échappent.


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De Impétueux, le 27 février 2006 à 13:35
Note du film : 6/6

Vous écrivez, mon cher Arca Je me suis toujours demandé s'il n'y entrait pas une part d'embarras, de gêne – commune aux communistes et aux gaullistes – de voir à l'écran cette "France profonde" tellement profonde que c'en est à s'arracher les cheveux ; il y a de ça, sûrement, et beaucoup, mais, pour avoir suivi dès l'origine l'itinéraire de Patrick Modiano – dont le succès a été éclatant, dès la parution de son premier roman La place de l'étoile (il n'avait que 22 ans), je crois qu'il y a encore davantage : il y a un discours complexe sur une réalité complexe.

Si Modiano, Juif par son père, consacre ses trois premiers romans (La place de l'étoile, donc, puis La ronde de nuit et Les boulevards de ceinture) à la période de l'Occupation, ce qui le fascine, ce n'est ni la Guerre, ni la Résistance, ni même la Collaboration mais bien davantage le monde trouble où tout est possible, où intellectuels, acteurs de cinéma, margoulins, idéologues, trafiquants, hommes de main se côtoient et se mélangent sans que des fils solides puissent être tirés et, surtout, sans qu'on puisse faire une lecture claire des motivations.

Dans l'hôtel qui est le siège de la bande de Lucien, il y a tout cela : fils de famille décavé, starlette, ancien champion cycliste, antisémite obsessionnel, types qui se sont mis "du bon côté du manche"… "Qui se sont mis" ? Pas sûr, même : il y a une bonne part de hasard, une part essentielle, même !

Lucien part pour s'engager dans la Résistance parce qu'il ne supporte pas l'amant de sa mère ; ça pourrait marcher, et on l'aurait retrouvé, quelques mois plus tard, tondant des femmes et massacrant des collabos sans jugement. Mais ça ne marche pas, parce que l'instituteur qu'il va voir n'a pas confiance, ou le trouve trop jeune… Et il va dans l'autre camp, qui n'est pas même un camp mais un ramassis de canailles, mais des canailles inspirées par des tas de raisons différentes…

Lucien est un sauvage, au sens ancien du terme ; capable d'attentions charmantes et des pires cruautés ; pris par la montée de l'inévitable ; à partir du moment où il rencontre France et le vieux Horn, il n'y a pas de raison que sa cavale s'arrête…

Patrick Modiano a toujours porté son regard sur ces zones troubles, sur ces milieux réunis par d'improbables hasards ; il laisse bien peu de part à la liberté humaine, et la plupart de ses personnages subissent ce qu'on pourrait appeler une constance de l'inéluctable. Le mérite de Louis Malle est d'avoir su faire sentir cette complexité fondamentale… A la fin, est-ce qu'il ne semble pas que France (Aurore Clément) aime Lucien ?


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De Impétueux, le 27 février 2006 à 13:56
Note du film : 6/6

Toute une partie de l'être de France haït et méprise Lucien, c'est évident ; qu'elle ait trouvé en lui, outre l'initiateur, un protecteur et un dérivatif aux temps épouvantables, bien entendu !

Qu'il ne se glisse pas là-dedans, au milieu de la répulsion, une large dose de fascination, c'est autre chose ; ce ne serait tout de même pas la première fois que ce genre de sentiments ambivalents serait montré…

Dans l'histoire d'Adam et Eve, le Serpent joue un rôle majeur et les derniers plans du film font un peu songer au jardin d'Eden – jusque dans la nudité de France -. Il y a quelque chose qui plaît à France, en Lucien : peut-être simplement sa vitalité de mâle dominant…


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De benja, le 5 mars 2007 à 14:37
Note du film : 6/6

Je viens de découvrir Lacombe Lucien. Quelle chance !

Parfois l'enthousiasme prend le pas sur la réflexion. Réflexion nécessaire, indispensable sur un sujet de cette ampleur… Alors, tant pis si je me trompe, je prends le risque…

Pour faire l'éloge de Louis Malle et de son film.
Pour saluer le courage, l'intelligence, le tact absolu avec lequel il traite du sujet abordé.
Comprenant avec une intelligence suprême que la compléxité d'une telle période ne pourrait être abordée par l'intermédiaire d'un destin unique, il conçoit une histoire bien peu probable. Mais c'est uniquement pour démultiplier la puissance évocatrice du film et la réflexion morale sur cette période de la collaboration.
Chaque scène supporte une multitude d'interprétations et est un chef d'oeuvre d'ambigüité en même temps que je ne vois aucune possibilité d'imputer à Louis Malle un quelconque cautionnement de l'inacceptable.

Miracle du cinéma, le film n'en est pas moins prenant, à la fois drôle, amer, sensible, violent, halluciné, que sais-je encore…

J'ai lu en diagonale que le monde l'avait qualifié de dangereux. A priori, cela me paraît être ridicule. Le plus dangereux n'est-il pas de ne poser aucune question ? Et puis c'est donner bien trop de poids à un film… Comme si les gens n'allaient être conditionnés que par cela… Bien sûr qu'il faut voir Shoah, Nuit et brouillard, L'enclos, Le chagrin et la pitié, quantité d'autres films et livres, sans parler du reste… Quel manichéisme…
Aie, j'ai pris des risques, pourvu que je ne me rétracte pas dans quelques semaines comme Jacques Fauvet du monde


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De droudrou, le 5 mars 2007 à 15:35
Note du film : 5/6

Benja : une histoire bien peu probable ! En ton fors intérieur, penses-tu vraiment que cette histoire est bien peu probable ?

Je n'ajoute rien d'autre…

Amicalement – Droudrou


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De Impétueux, le 5 mars 2007 à 15:41
Note du film : 6/6

Je serais curieux de savoir ce que Benja juge peu probable… (je dis cela sans aucune arrière-pensée narquoise ; d'ailleurs, le récit ne s'y prête pas) :

  • le ramassis de collabos aux motivations extraordinairement diverses (fric, veulerie pure, idéologie, vengeance sur la vie, pur hasard) ?
  • le hasard, précisément, qui conduit Lucien à entrer au service de cette camarilla aux abois plutôt qu'aller au Maquis, comme il le souhaite primitivement ?
  • l'histoire entre France et Lucien (je persiste à penser, contre l'avis d'AlHolg, que l'attirance/répulsion de France est tout, sauf claire…) ?

Tout cela me semble, bien au contraire, soit de la plus grande réalité – pour le pan historique avéré – soit de la plus grande vraisemblance pour la facette fascination de la victime


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De benja, le 5 mars 2007 à 15:42
Note du film : 6/6

Bonjour Droudrou.

Cela n'a aucune éspèce d'importance car on croit tout à fait à l'histoire de Lacombe Lucien. Ce film me semble absolument génial. Je n'ai aucune réserve à faire, le film traite formidablement de son sujet.


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De benja, le 5 mars 2007 à 16:00
Note du film : 6/6

Je crois que je me suis mal fait comprendre, Impétueux.
Le ramassis de collabos a hélas existé pour une multitude de raisons qui sont celles que vous invoquiez.
Le hasard du passage de la résistance à la collaboration est très vraisemblable parce que Lucien est un gamin, qu'il veut faire quelque chose de sa vie, qu'il cherche à s'affirmer et pense de cette manière là, en s'engageant, devenir un homme…
Probablement que la relation de ces deux jeunes gens n'est pas claire même si Alholg ne veut pas le reconnaître.

Ainsi il n'y a aucun point de divergence entre vous et moi et au delà de ça le film traite merveilleusement de son sujet. Relisez si nécessaire ce que j'ai écris… JE N'AI ABSOLUMENT AUCUNE RÉSERVE SUR CE FILM. Pour tout vous dire, J'AI TRES ENVIE DE LUI METTRE 7/6 ET TRES PROBABLEMENT POUR LES RAISONS QUI VOUS ONT CONDUIT A APPRECIER CE FILM GENIAL…&&

Je dis simplement que le fait que le même personnage soit passé d'une résistance possible à la collaboration, puis en soit venu à fréquenter une juive et sa famille, jusqu'à en tomber probablement amoureux, pour au final tuer un allemand pour la protéger…est peu probable.
MAIS ce n'est AUCUNEMENT une réserve sur le film. Car si Lacombe Lucien avait vécu moins de choses, le film aurait été incomplet, beaucoup moins puissant, beaucoup moins vrai que celui-ci… Et cela n'aurait pas montré à quel point dans cette période tout était possible, la folie de cette période…Qui plus est, on croit absolument à l'histoire de Lacombe Lucien qui est très prenante…

Les jours passent et ne se ressemblent pas : je n'ai absolument aucun esprit polémique sur ce film. C'est un tel chef-d'oeuvre que, pour tout vous dire, j'ai peur de l'abîmer en en parlant trop, comme pour Le jour se lève ou Rome, Ville ouverte

Nous avons, tous les trois, mille fois raison de défendre ce grand film qui n'est nullement une apologie de la collaboration. Bien au contraire et avec raison. Je ne suis pas choqué par vos propos Impétueux quand vous parler de "ramassis de collabos". C'était un bien sale temps pour les juifs et pour tous ceux qui s'élevaient contre les nazis pour libérer la France, Louis Malle le rappelle clairement et a bien raison. Il ne met pas tout sur le même plan. On ne dira jamais assez la barbarie de l'idéologie nazie. Louis Malle en montre très clairement les effets. C'est aussi pourquoi j'ai dit que je trouvais, a priori, sans avoir lu l'article, ridicule de le qualifier de dangereux.

Est-ce clair ?


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De Impétueux, le 5 mars 2007 à 16:33
Note du film : 6/6

Parfaitement clair, et c'est très bien ainsi ! Le film est si fort, l'atmosphère des derniers mois de l'occupation si formidablement bien rendue, le jeu trouble des personnages si efficace, que la relative invraisemblance de l'anecdote – ou plutôt de ses enchaînements successifs – finit par donner une impression de totale véracité historique.

Je suis donc très heureux que vous ayez rejoint la troupe des admirateurs passionnés de ce chef d'oeuvre. Bienvenue au Club !


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De benja, le 5 mars 2007 à 16:50
Note du film : 6/6

Vous avez sans doute vos raisons pour ne mettre que 5/6, ce qui est déjà très bien…

Je me demande si certains n'ont pas peur de la polémique ou n'interprètent pas mal le film. Je ne parle pas de vous, Impétueux, votre ressenti me semble assez clair : vous avez parlé de chef-d'oeuvre et j'ai pu observer que vous n'hésitiez pas à faire preuve d'impétuosité quand cela est nécessaire… Effectivement, un point vraiment important est que Malle n'a pas tout mis sur le même plan. Il faut dire avant tout la barbarie nazie, dénoncer les collabos. Il le fait.

Peut-être aussi faut-il avoir un goût pour ces questions complexes ?


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De Impétueux, le 5 mars 2007 à 17:13
Note du film : 6/6

Précisément, m'apercevant que je n'avais mis que 5, j'ai relevé à 6 ma note.

Mon goût ne me porte pas particulièrement sur cette période ; mais mon attention est toujours portée sur l'invraisemblable ambiguité de la nature humaine, les mêmes êtres pouvant, dans la même heure, passer de l'ignominie à la générosité. J'apprécie donc toutes les oeuvres qui ne sont pas d'un manichéisme primaire, même si j'aime aussi, de temps en temps, me laisser prendre au jeu des bons sentiments et des héros d'une seule pièce…


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De benja, le 5 mars 2007 à 17:23
Note du film : 6/6

Les périodes de guerre sont particulièrement intéressantes de ce point de vue…


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De benja, le 5 mars 2007 à 19:21
Note du film : 6/6

Afin d'apporter ma pierre au débat qui a eu lieu à propos de France et Lucien, il me faut me contredire, puisque j'avais dit mes réticences à parler davantage du film… Peu importe… Quelques temps après, on a parfois changé…

Mon ressenti est le suivant :
Le sentiment de France est essentiellement une répulsion, une haine, la scène de la pierre en témoigne d'autres scènes aussi. Aussi et avant tout, un moyen pour elle et sa famille de survivre, d'essayer de sauver sa peau… On le conçoit aisément. Je ne crois pas qu'il y ait eu réellement débat là-dessus.
Mais, on ne peut évacuer l'attirance de France pour Lucien, j'y vois plusieurs raisons pas forcément par ordre d'importance :
1) Un désir de découvrir les voluptés du sexe. A son âge, c'est somme toute banal. Par contre, je ne dirais pas qu'elle "aime" Lucien car le film semble trancher la question. Le film la montre prostrée après l'amour et qu'il l'ait violentée. Il est antipathique, Lucien.
2) Un moyen de s'opposer à son père. Ils s'aiment mais ont des relations parfois conflictuelles.
3) Un moyen de ponctuellement "ne plus être juive" dans l'esprit de France. Elle le dit.
4) Je retiens la vision métaphorique. Dans ce cadre là, un moyen de dire que ces deux là, un français et une française devraient s'aimer et non les collabos tuer les juifs.
5) Je retiens l'idée d'une France qui cède à l'occupant.
6) Au delà de ça, l'idée que la France et la collaboration sont indissociables. Je ne veux pas dire souhaitable bien entendu. Mais que la collaboration a hélas bel et bien existé en France. Jusqu'à la fin du film, la fin de la guerre qui finit vraiment avec l'épuration et l'annonce de la mort de Lucien, fusillé.


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De droudrou, le 6 mars 2007 à 08:58
Note du film : 5/6

Il faudrait peut-être, un petit peu, remettre le film dans le contexte de sa sortie.

Même si la 2ème guerre mondiale peut paraitre loin, les sensibilités sont encore présentes pour ne pas dire fortement présentes. Oser parler de collaboration pour certains est une chose horrible. Parler de résistance à l'occupant est une position plus glorieuse.

On n'évoque pas les "résistances" tardives qui sont brutalement apparues à la libération et ont fait peut-être bien plus de mal que certaines collaborations. Cette loi du silence où on ne veut pas s'engager mais où, en fait, à la fin, on sera prêt à tout pour paraitre "clean"… Là n'est qu'un propos parmi tant d'autres…

Disons que pour cela la France (et donc les Français) a subi une terrible épreuve avec cette seconde guerre mondiale où elle s'est fortement divisée. Nous avons cette chance, nous qui écrivons, de ne l'avoir pas connue. Mais en y réfléchissant bien, c'est terrible surtout dans la mesure des choix de vie que la situation de l'occupation implique.

On est confronté à un problème moral d'une rare acuité.

Dans la famille, à l'époque de la sortie de Lacombe Lucien ç'a été horrible. Pas de distanciation par rapport au film et au personnage.

Or, je ne sais plus qui au fil du forum déclare que l'on a affaire à un personnage primaire pour ne pas dire primitif, qui vraisemblablement ne possède que très peu d'instruction et pour qui, se retrouver soudain chargé d'importance, représente une rare évolution par rapport à une société qui le délaissait.

Mais au vu des personnages qu'il va fréquenter dans le cadre de sa collaboration, effectivement quand on évoque les termes descriptifs de ceux-ci, on peut aussi se poser la question de savoir ce qui les a poussés à rejoindre l'occupant.

Si on veut aussi être juste à propos de la nation Allemande, il convient de voir aussi quels personnages ces régimes fascistes ont attiré, à l'origine, vers eux et comment, ensuite, l'intérêt à pu guider des classes dites supérieures à venir rejoindre de telles idéologies.

Lacombe Lucien est réellement l'interrogation de tout un système et de toute une époque dans ce qu'ils ont pu engendrer pendant un temps (mais quel temps ?) face à une certaine humanité… Et à ce moment, on repart dans l'Histoire mondiale aux temps les plus reculés pour essayer de comprendre les mots "traitre" et "traitrise"…

Sacré questionnement que ce film – Je pense qu'on peut le considérer comme un très grand classique ce qui fait que je réalise la note que je lui ai attribué : si je me place par rapport à la réalisation en termes de cinéma pur, je maintiens celle-ci – si je me place en terme de questionnement sur la vie et sur des réalités de temps de guerre et par rapport à l'homme, alors je dis : "chef d'oeuvre" de façon indéniable !

Droudrou


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De Gaulhenrix, le 6 mars 2007 à 10:36
Note du film : 5/6

"Et, figure métaphorique du pays dont elle porte le nom, elle ne résiste pas à l'occupant."

Une fort pertinente, judicieuse et féconde remarque, AlHog !… On peut en déduire toute la douleur – et le bouleversement – du père qui, en choisissant ce prénom pour sa fille, exprimait son admiration pour son pays : il ne peut ressentir qu'un violent sentiment de souillure. Comme le spectateur. Vertu pédagogique du film ?


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De benja, le 6 mars 2007 à 15:29
Note du film : 6/6

J'aime bien votre texte, Droudrou, je veux dire j'y adhère.
En particulier vous contextualisez de manière intéressante, puis quand vous dites :
"Le film pose un problème moral d'une rare acuité".

"Vertu pédagogique du film ?"
Oui, la question est réellement posée.
Il y aurait peut-être lieu de distinguer les enfants/adolescents et les adultes… L'utiliser devant des gosses me paraît pour le moins risqué… Il faut dire avant tout la barbarie nazie et clairement. Je remercie au passage Impétueux d'avoir mis le doigt là-dessus en parlant de "ramassis de collabos".
Au delà de ce découpage, le film est complexe quant à son interprétation même pour des adultes !
J'imagine que c'est ce qu'évoquait le journaliste du monde en le qualifiant de dangereux…
En même temps, je souscris totalement à ce que dit Droudrou : "…ce qui fait que je réalise la note que je lui ai attribué". Le film puis la discussion m'ont bien fait réfléchir… Le débat interne à dvdtoile semblerait confirmer des vertus pédagogiques. Et puis le plus dangereux n'est-il pas de ne pas se poser de questions, comme cet idiot de Lacombe Lucien ? Et de ne plus parler de cette période ?

Au niveau cinématographique, je laisse la place aux spécialistes. C'est vrai que ça a l'air assez basique.


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De droudrou, le 6 mars 2007 à 15:59
Note du film : 5/6

Benja, mon ami !

Le film puis la discussion m'ont bien fait réfléchir… Le débat interne à dvdtoile semblerait confirmer des vertus pédagogiques. Et puis le plus dangereux n'est-il pas de ne pas se poser de questions, comme cet idiot de Lacombe Lucien ? Et de ne plus parler de cette période ?

D'abord le débat interne DVDToile est certainement intéressant. Quand je regarde ce qui se passe ailleurs… là n'est pas la questioin ! Crois-tu que Lacombe Lucien soit un idiot ? Je ne pense pas que ce soit un idiot. C'est un primaire, très certainement pour ne pas dire un primitif. Et le danger vient qu'à partir du moment où on lui octroie un certain pouvoir, on risque fort de partir vers n'importe quoi d'autant que pendant des années il a certainement accumulé une rancoeur vis-à-vis d'une certaine société où, justement, la personne qui lui refuse d'entrée dans le maquis représente, pour lui, une autorité…

Pour ton information, quand j'ai débuté dans la vie professionnelle, je pensais à tort que tout un chacun était capable de comprendre le même niveau d'information… J'ai vite déchanté et modifié mon message…

Quant à cette époque, l'enterrer serait une absurdité. D'une part, elle nous est très proche et nous disposons d'archives que nous sommes, en principe, capables de comprendre voir analyser. Toutes les périodes historiques ne sont pas aussi fertiles. Quand tu mesures ce qui s'est passé en France entre la date du traité de Versailles et la fin de la guerre dans laquelle nous avons connu et l'occupation et la libération de Paris, il est là une source de 1ère réflexion à ne pas oublier si elle nous permet dans un certain futur de pouvoir anticiper (sans jeu de mot) l'avenir, le comprendre et en tirer plus rapidement les conséquences…

Au niveau cinématographique, je laisse la place aux spécialistes. C'est vrai que ça a l'air assez basique.

Crois-tu que ce soit aussi basique que tu le penserais ? A un certain moment les choses très élaborées apparaissent tellement simples que nous ne nous représentons plus le travail qu'elles ont nécessité…

Salut Benja ! A bientôt !


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De benja, le 6 mars 2007 à 16:59
Note du film : 6/6

Ah Droudrou, vous m'épuisez… Remplacez le mot assez basique pourtant flou par celui qui vous conviendra… Mais pas très bon ou excellent car avec ce que vous avez dit précédemment il vous faudrait mettre 6/6 ou 7/6… Pour les vertus pédagogiques, je cède le relais à qui souhaitera le prendre…

Vous êtes bien dur en amitié… Pourtant j'aime bien votre texte, pas le dernier, le précédent… Puisque vous y faisiez une "confession de famille", j'étais à deux doigts d'en faire une aussi… Tant pis !


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De Arca1943, le 10 mai 2007 à 03:54
Note du film : 6/6

« Malle voulait montrer de qu'elle maniére a cette époque un individu rejeté par les siens ou écarté de la société pouvait facilement devenir collabo. » Mais plus facilement encore, un individu qui ne comprend pas ce qui se passe autour de lui. Sinon pourquoi le choix d'une France si "profonde", dialectale même – ce qui est rarissime dans le cinéma français ? Il fallait un contexte de ce genre pour rendre vraisemblable ce personnage de jeune analphabète. Lucien Lacombe est "pardonnable" dans la mesure (et seulement dans la mesure) où il ne comprend pas, ou très vaguement, ce qui se passe autour de lui, et ne sait donc pas vraiment ce qu'il fait. « Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font », comme disait sur sa croix le fils du chef suprême des forces cléricales. À la façon dont vous en parlez, le "devenir collabo" de Lucien sonne comme un choix en connaissance de cause, comme "choisir un camp". C'est plutôt que les uns ne voulaient pas lui laisser un fusil et les autres oui. C'est la convoitise pour ce fusil qui l'amène dans la collaboration : un bel objet. Ne cherchez pas du côté des abstractions avec ce personnage. Ses motivations restent très élémentaires. Le fusil, la fille. Il n'y a pas à chercher plus loin. Je reste persuadé qu'une des causes probables du scandale de Lacombe Lucien à l'époque, c'est pour un intello de ce pays qui a le culte des livres et du savoir, se voir "représenté" à l'écran par un personnage principal qui est un ignorant complet.


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De droudrou, le 10 mai 2007 à 07:54
Note du film : 5/6

C'est bien ce qui était gênant dans ce film : le "héros" presque un inculte complet, un primaire au sens le plus large rejeté par tous sans ménagement. Alors, lui donner le moindre petit pouvoir…


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De droudrou, le 10 mai 2007 à 09:40
Note du film : 5/6

Frétyl, mon ami ! D'abord, on se calme ! Pas de vulgarité, s'il te plaît !

Tu relances une polémique à propos d'un film sur lequel, c'est vrai, au cours de ce fil les uns et les autres sommes revenus à divers moments et avons enrichi de nos réflexions.

Que tu nous dises avoir quitté l'école à 16 ans, on n'en voit guère l'opportunité. J'ai quitté l'école, j'avais 17 ans pour partir travailler. Et, dis-toi, qu'il fut un temps où, en France, après le "certificat d'études" les gars partaient au boulot. Et si le "certificat d'études" a perdu toute son aura, néanmoins, il représentait un niveau intellectuel correct et intéressant et bon nombre de personnes l'ayant obtenu ont continué de se perfectionner, de lire, d'écrire et se sont toujours donné pour objectif d'écrire correctement. Tu serais surpris de voir comme une génération d'anciens pouvait maîtriser l'orthographe et la grammaire. Ils considéraient cela comme un respect dû à leur correspondant.

Tu es sur un site sur lequel tu peux avoir des échanges intéressants. Et ma foi, si je prends mon exemple, je sais que c'est ainsi que j'ai forgé une part de ma culture et qu'ayant une bonne mémoire, ce que j'avais entendu d'autrui, j'ai été capable de le redire ou de le reformuler après en avoir extrait le meilleur de l'information.

Que parler cinéma soit une façon de te "reposer", on le comprend et de pouvoir en parler te permet également de te "reposer" disons "repositionner". Ne tire pas grief que tu aies quitté l'école à 16 ans, bien au contraire. Et cesse surtout de te croire victime vis-à-vis de toi-même et quand autrui te fait quelque remarque.

Quand j'ai débuté ma carrière professionnelle, dis-toi bien que le cinéma m'a été d'un grand secours dans la mesure où il m'offrait un certain refuge mais aussi qu'il me permettait de pouvoir exprimer diverses réflexions sur le monde même si elles ne suffisent pas. Dans le cas présent, tu peux échanger avec autrui, lire ce qu'autrui dit, critiquer ce qu'autrui dit mais, de grâce, cesse de te conduire comme un gamin et puis apporte nous des choses intéressantes, ce dont tu es parfaitement capable !

Je crois que t'ayant connu au boulot, tu serais assez souvent passé au bureau ou que je serais descendu te voir dans l'atelier ou dans ton bureau : j'ai quelques exemples de personnes que j'ai remotivées et qui ont pu progresser grâce à ces remotivations. Ca n'a pas été simple car, au boulot, j'ai une grande gueule et je ne cède pas facilement. Mais le résultat vaut le coup…

Alors ! Frétyl ! Au tableau ! On vous attend, mon ami !

J'oubliais : crois-tu que le fait d'avoir quitté l'école à 17 ans m'a gêné dans ma carrière ? J'ai côtoyé toutes sortes de gens, y compris des politiques, abordant moult sujets. Et crois-tu que j'ai été rejeté ? Ce qui importait c'était la qualité du dialogue et être capable de pouvoir le porter à haut niveau si nécessaire et savoir ensuite en tirer des conclusions opportunes et constructives !

Lacombe Lucien est un sujet ! Mais, seul, il ne suffit pas !


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De PM Jarriq, le 10 mai 2007 à 10:06

Là, on est en plein Blackboard jungle, les amis !!!


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De droudrou, le 10 mai 2007 à 10:08
Note du film : 5/6

Tu l'as dit, PM Jarriq ! Ce que j'aime dans ce film c'est quand Gleen Ford fait son apparition dans la classe… C'est un souvenir qui m'est resté ! Je ne sais comme je réagirais aujourd'hui, mais c'était intéressant !


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De fretyl 2, le 10 mai 2007 à 16:14

Ne vous en faites pas camarades , je tenait juste a remettre Impétueux a sa place.


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De Arca1943, le 10 mai 2007 à 16:25
Note du film : 6/6

Mais je demande alors qui vous remettra à la vôtre, de place. Votre chapelet d'âneries adressé à Impétueux est d'une stupidité confondante. J'ai essayé pour ma part de faire dériver un peu la "conversation" (si on peut l'appeler ainsi) en mettant en lumière les raisons évidentes pour lesquelles vous pouvez vous identifier au protagoniste central de Lacombe Lucien

Et soit dit en passant, il paraît que vous n'aimez pas les étrangers, au Front national. Alors voilà : j'en suis un. Allez, man, viens te battre.


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De droudrou, le 10 mai 2007 à 16:41
Note du film : 5/6

Arca, qui te parle du Front ? On peut dire cela par provocation ! Mais comme l'objectif du site est de parler de cinéma, que le cinéma à tendance politique revient, c'est peut-être une manière de nous faire son petit ciné… Alors… parle nous plutôt du dernier film que tu as vu… ou mieux : tu nous dresses la liste des films consacrés au Canada !


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De PM Jarriq, le 10 mai 2007 à 16:49

Droudrou assume superbement le rôle de Glenn Ford dans Blackboard jungle, tentant de séparer les "djeuns" déchaînés. Attention, Droudrou, il s'en est pris plein la tête, le pauvre Glenn…

Canada vs. FN ! Je demande à voir !!!


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De sépia,, le 10 mai 2007 à 17:16

Aie! aie! aie !!………BON ! TOURNEE GENERALE DE BISOUS DOUX!! Et on se calme un peu mes hommes… Il n'y a pas de cons, ici. Pas de Débiles. Pas de fachos. Pas d'exaspération, ni de "ferme ta gueule"… Ils n'y a que des hommes qui évoquent la guerre, l'occupation, ou la résistance. Et si cette saloperie de guerre a eu lieu, c'est un peu pour que les hommes n'en arrivent pas a se parler comme ça. Un peu…un petit peu…Alors basta! Fretyl est un gentil garçon, Impétueux l'est un peu trop, Tonton droudrou fait ce qu'il peut, l'Caribou, là-bas, est bien sympathique aussi et…..Tout ça, ca fait, d'excellents Francais, d'excelleeeeeeents soldats qui marchent au paaaaaaaas……!!!!!


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De PM Jarriq, le 10 mai 2007 à 17:45

Frétyl me fait penser à ce personnage de fouteur de m… professionnel, dans l'album d'Astérix "LA ZIZANIE". Sais pas pourquoi…


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De droudrou, le 10 mai 2007 à 18:39
Note du film : 5/6

PM Jarriq ! Une mauvaise note ! Sépia a dit : "on se calme" et elle a raison !…


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De starlight, le 10 mai 2007 à 18:57

J'étais absent ce jour… Et bien ! il s'en passe des choses en quelques heures !… Excusez-moi, mais vous perdez votre temps avec Frétyl… Tant qu'il n'aura pas compris qu'il s'agit d'un "forum" qui n'a pas la vocation d'être un recueil de "tracts", ce sera peine perdue… je suis outré par cette vulgarité… Si c'est ça la détente recherchée en fin de journée, merci !… Quant à l'argument des "études" terminées à 16 ans, je partage l'avis de Droudrou… Mon père, étranger et né à la fin du 19 ème siècle, a arrêté ses études à 13 ans… Vous auriez dû le voir rédiger et s'exprimer !… Un grand bonhomme qui m'a donné des leçons profitables… Le problème (que je connais bien) c'est qu'une partie de la jeunesse actuelle se retranche derrière le savoir des autres… Pomper des informations déjà recueillies, ça oui !… faire une recherche positive, cela demande des efforts personnels… J'espère que l'équipe de Rédaction tirera les conséquences d'un tel emportement, dans la mesure où notre forum est ouvert au Monde entier…


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De fretyl, le 10 septembre 2007 à 23:12
Note du film : Chef-d'Oeuvre

J'ai vérifié ce fut le premier message posté par Impétueux, le 28 Septembre 2004 a 11h00 ,le hazard l'ammena ici  : 4 ans déja !


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De De passage..., le 10 septembre 2007 à 23:37
Note du film : 3/6

Très beaux échanges sur ce film plus que dérangeant… Et il est vrai que , tournant et retournant mille fois les questions , hypothèses et semblant de réponses , nous reviendrons , en conscience , à la plus flagrante et peut-être la plus belle : Qu'aurais je fais , MOI ?


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De vincentp, le 20 octobre 2007 à 00:17
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Lucien est un jeune paumé en quête de sa propre identité : sans foyer familial, marginalisé socialement, il trouve refuge dans une famille d'adoption affective (juive) et sociale (la milice collaborative).

Louis Malle pose un regard de documentariste, à la fois inquisiteur et distancié, concernant les agissements de ce drôle d'oiseau, au nom si étrange, Lacombe Lucien, réfugié sur sa branche d'arbre, comme l'insecte repose sur sa brindille…

Au travers de cette chronique de quelques instants ordinaires de la vie de Lacombe Lucien, l'auteur ouvre quelques pistes permettant de cerner l'origine du mal pouvant se greffer à un être humain tel que Lucien : un besoin inné de reconnaissance sociale et affective, qui peut pousser, dans un certain contexte social, culturel et historique, à commettre des actes répréhensibles à des degrés divers (cf. la mort de l'oiseau, la tuerie des lapins, les séances de torture).

Le groupe des collaborateurs, ramassis hétéroclite de marginaux (actrice sur le retour, fils à papa raté, paranoïaque lecteur de "Je suis partout !", sportif ayant raté sa reconversion professionnelle), qui intègre en son sein Lucien, est à l'image de la fourmilière sur laquelle s'allonge France (Aurore Clément), amie de Lucien : sa pérennité repose sur sa capacité à déployer une force agressive, collective, coercitive.

Au delà du portrait de Lacombe Lucien, le regard de Louis Malle se porte sur les relations agitant cette fourmilière humaine dérangée brutalement par un coup de pied de l'histoire, lequel balaie l'ordre social établi (classes sociales, institutions régulatrices) et donne la possibilité à une dictature locale peu éclairée de s'installer et prospérer.


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De Frydman Charles, le 31 mai 2011 à 19:26

Lacombe comme René Lacombe résistant, par exemple… Lucien comme…disons Lucien Rebatat , collaborateur… Lacombe Lucien comme…Lacombe Lucien !!! Un véritable sentiment de malaise en voyant ce personnage aux motivations pas très claires, qui estompe la frontière entre résistance et collaboration…


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De Impétueux, le 31 mai 2011 à 19:32
Note du film : 6/6

Rebatet… non pas Rebatat.

Lucien Rebatet, franche canaille collaborationniste, musicologue (son Histoire de la musique est éditée dans la collection Bouquins) et très grand écrivain ; Les deux étendards est un roman majeur du siècle dernier, et je pèse mes mots.


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De Arca1943, le 31 mai 2011 à 19:40
Note du film : 6/6

« Un véritable sentiment de malaise en voyant ce personnage aux motivations pas très claires. »

La notion même de "motivation" est inaccessible au personnage, qui est analphabète donc incapable d'abstraction. Des notions comme "idéologie" ou "prise de conscience" sont inadéquates pour le décrire. Il reste à un niveau élémentaire, une coche à peine au-dessus des hillbillies de Délivrance : pour lui il s'agit d'avoir un beau fusil ou d'avoir la fille.


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De Impétueux, le 31 mai 2011 à 22:18
Note du film : 6/6

Vous avez raison, Arca, et c'est le grand mérite de Lacombe Lucien que d'avoir mis en scène ce qui devait être le tourbillon des derniers mois de la Collaboration : idéologues hystériques, gens de sac et de corde, filles facile, fils de famille décavés, ratés haineux… tout cela mélangé jusqu'à a nausée.

Ce devait être à peu près comme ça, Sigmaringen : Simon Sabiani, Corinne Luchaire, Lucien Rebatet, Marcel Déat, des hommes de main, des gangsters, des agrégés de Lettres…


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De Lynen@, le 1er juin 2011 à 07:20

Corrine Luchaire …. ET VOUS , quel comportement auriez-vous eu ? Facile de Lapider , mais souvent il faut balayer devant sa porte .


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De Impétueux, le 1er juin 2011 à 09:37
Note du film : 6/6

Avez vous lu, Lynen@ toute la suite de messages accumulée sur ce fil ?

Si non, vous devriez le faire ; si oui, vous n'avez donc rien compris.


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De lynen@.., le 2 juin 2011 à 07:50

Pouvez-vous vous expliquer sur Corinne Luchaire .


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De Impétueux, le 2 juin 2011 à 13:44
Note du film : 6/6

Expliquer ? Mais expliquer quoi Lynen@ ? Pourquoi Corinne Luchaire était la fille de Jean Luchaire ? Que la défaite de l'Allemagne a été, pour ceux qui en avaient suivi la fortune pour mille raisons, lucides ou non, méprisables ou non, hasardeuses ou non, idéologiques ou non, une véritable panique ? Que dans le sauve-qui-peut général, certains se soient retrouvés D'un château l'autre, comme l'écrit Céline, que Mireille Balin, en fuite avec son amant autrichien ait été violée par des résistants de la Onzième heure, qu'Arletty ait été sommée de s'expliquer sur ses amoureuses passions, qu'est-ce qu'il y a à expliquer ?

Lisez donc Modiano ; ses trois premiers romans, La place de l'étoileLa ronde de nuit, Les boulevards de ceinture, mais pas seulement ceux-là, pour essayer de déceler les frontières mouvantes…

Je ne juge personne, je ne condamne personne – il n'y a que Dieu qui peut juger – ; je regarde des comportements : pour la bonne marche de la vie sociale, certains doivent être éliminés, c'est tout. Mais c'est une autre paire de manches…


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De vincentp, le 2 juin 2011 à 15:06
Note du film : Chef-d'Oeuvre

"La notion même de "motivation" est inaccessible au personnage, qui est analphabète donc incapable d'abstraction. Des notions comme "idéologie" ou "prise de conscience" sont inadéquates pour le décrire. Il reste à un niveau élémentaire, une coche à peine au-dessus des hillbillies de Délivrance : pour lui il s'agit d'avoir un beau fusil ou d'avoir la fille."

Je suis en désaccord complet avec cet avis de Arca1943, qui me semble produire un contre-sens complet par rapport aux idées de ce film de Louis Malle. Lacombe Lucien est loin d'être idiot. Il manifeste sensibilité et intelligence, mais aussi une prise de conscience politique assez sommaire. Il est pris dans un engrenage qui le dépasse, et son manque d'instruction le dessert.

Il y avait un peu de tout dans la milice. Des idéologues d'extrême-droite, des catholiques intégristes, mais aussi des individus influençables et vulnérables, comme le personnage de Lacombe Lucien. Il me semble avoir déjà raconté sur ce forum l'anecdote suivante. Une connaissance de mon grand-père, engagé par hasard dans la milice annécienne et mineur, avait échappé de justesse au peloton d'exécution à la Libération en raison de son âge. Le cimetière des fusillés (une quinzaine de tombes) de cette épisode, regroupant ces miliciens exécutés, se trouve, anonyme, à côté de la piste de ski de fond actuelle du Grand-Bornand. A quelques kilomètres du mémorial commémoratif du plateau des Glières, qui rend lui un vibrant hommage aux résistants.

Nb : selon une association du Grand-Bornand: "Le 24 août 1944, après les deux jours du procès tenu par la cour martiale siégeant dans la salle des fêtes, 76 miliciens sont fusillés près du bois de la Peserettaz, 21 étant acquittés. Il subsiste un cimetière de miliciens sur le lieu de leur exécution"

Témoignage d'un milicien qui se confesse à l'abbé du Grand-Bornand :"Voilà, Monsieur l'Abbé, contre qui nous avons voulu lutter; ce n'est pas contre les Français, mais contre les communistes et les sans-Dieu."

Témoignage de l'abbé : "Ces jeunes ont été victimes de leur enthousiasme et de leur loyauté à l'égard du gouvernement, ils se sont laissés abuser sans se rendre compte qu'ils faisaient fausse route. L'assistance, qui comprend mal et qui s'est assoupie peu à peu, ne réagit presque pas, un membre de la Cour dort ostensiblement. … … les trois frères qui ont été fusillés: Joseph (19 ans), André (17 ans) et Léon (16 ans). Ce dernier s'était réfugié à la Milice avec sa famille menacée après le 11 juin 1944). … … … Une vingtaine tombèrent en criant: "Vide le Christ Roi, Vive la France." Etant donné le caractère politique de ce procès, je m'étais bien gardé de leur suggérer un cri religieux, ils en prirent eux-mêmes l'initiative. A peu près tous crièrent: "Vive la France!", un seul cria "Vive Darnand"

Lacombe Lucien me semble trancrire parfaitement les ambiguités, erreurs de raisonnement de ces individus.


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De Arca1943, le 2 juin 2011 à 15:49
Note du film : 6/6

« Lacombe Lucien est loin d'être idiot. »

VincentP confond intelligence et instruction. Je n'ai pas dit "idiot". J'ai dit : "incapable d'abstraction", car analphabète. Ce n'est pas du tout la même chose. À la rigueur, Lucien Lacombe n'est pas si éloigné de certains personnages de comédie à l'italienne (eux aussi souvent analphabèts ou du moins handicapés par une ignorance crasse) à qui le sens des événements historiques auxquels ils sont mêlés échappe, et qui de ce fait se trouvent ballotés par l'histoire comme des bouchons de liège. Le "scandale" de Lacombe Lucien tient entre autres au fait que ce qu'il fait – passer d'un camp à l'autre – il ne le fait PAS par conviction idéologique articulée, mais pour des raisons beaucoup plus élémentaires, sans commune mesure avec la taille des événements.


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De vincentp, le 2 juin 2011 à 17:02
Note du film : Chef-d'Oeuvre

1) "analphabète donc incapable d'abstraction" dites-vous. Or, me semble-t-il : il manipule bel et bien des concepts, à la base de son comportement. Je dirais plutôt que son raisonnement est entaché d'erreurs.

2) "Des notions comme "idéologie" ou "prise de conscience" sont inadéquates pour le décrire", ajoutez-vous. Lucien me semble manifester pourtant une réelle prise de conscience : celle de la souffrance, des rapports sociaux, etc…

Lucien est sans doute un représentant type de la France rurale de son époque.


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De fretyl, le 2 juin 2011 à 17:23
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Lucien est sans doute un représentant type de la France rurale de son époque.

La France rurale de 1944 n'était pas composé uniquement de paysan inculte et rustique. Lacombe Lucien pourrait très bien être de la ville et connaitre le même destin. Comme le dis Louis Malle à la sortie du film, Lacombe Lucien est un film intemporel. Dans d'autres époques nous pourrons connaitre des Lacombe Lucien se rapprochant du pire et du mal sans en avoir vraiment conscience.
Lucien n'est pas si éloigné de pas mal d'adolescents actuels. Comme beaucoup d'entre eux, celui-ci ne cherche rien d'autre qu'un groupe au sein duquel il pourra exister.

Lacombe Lucien aurait pu faire un très bon résistant, il devint un très mauvais collabo…


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De Frydman Charles, le 14 juin 2011 à 19:47
  • C'est quoi un franc maçon ? Alors qu'il vient de dénoncer l'instituteur résistant, Lacombe Lucien dit naïvement:

Lucien;Peyssac…Peyssac Robert. Il paraît qu'il est franc-maçon…C'est quoi un franc-maçon ? Témoignant ainsi de son inculture.Les nazis persécutaient les juifs et les francs-maçons. Ceux-ci adoptèrent les symboles des compagnons ouvriers bâtisseurs de cathédrales. L'escalier qui mène chez Albert Horn est hélicoïdal avec des marches en pierre taillées grâce au savoir faire des compagnons ouvriers. Un escalier décor de nombreuses scènes et qui semble symboliser l'ascension sociale rapide de l'arriviste Lacombe Lucien !!!


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De Frydman Charles, le 1er janvier 2015 à 16:36

Je trouve le cynisme des collaborateurs particulièrement diabolique dans la scène chez le médecin résistant. Le frère du médecin téléphone, un noir parmi les collaborateurs, ce qui est surprenant, décroche.-C'est le frère…- Embrasse le, commente un des collaborateurs en buvant au goulot une bouteille d'alcool-Je vous embrasse, répond le noir au frère! Le fils du médecin s'appelle Patrick, qui joue le rôle ? Je suppose que c'est Jean-Louis Blum, qui jouera Gaëtan sous le nom de Gaëtan Bloom dans "les sous-doués…Lacombe Lucien fait mine de sympathiser avec Patrick et s'intéresse à sa maquette de bateau avant de la détruire…


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De Impétueux, le 1er janvier 2015 à 19:10
Note du film : 6/6

Un noir parmi les collaborateurs, ce qui est surprenant, décroche… écrivez-vous, Charles Frydman… Non, dans le contexte du film de Malle et Modiano, cette présence n'a rien d'étonnant.

La bande de Tonin, qui sévit à Moissac, est un décalque évident des crapules regroupées par Bony et Lafont rue Lauriston, moins soucieuse d'idéologie que de racket et de pillages. Au sein de cette triste équipe fonctionnait une Légion nord africaine composée en partie de musulmans ; souvent issus du Milieu, ces gangsters étaient de toute couleur…


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