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Il n'y a plus d'après


De poet75, le 29 août 2022 à 21:33
Note du film : 6/6

Cela fait douze ans que Louis (Gaspard Ulliel), jeune écrivain de théâtre, n'a pas renoué avec les membres de sa famille autrement qu'en envoyant fidèlement à chacun une carte postale à la date de son anniversaire. Mais à présent, ce qu'il lui faut leur annoncer est d'un autre registre et d'une gravité telle que cela ne peut se dire, lui semble-t-il, que de vive voix, en allant les voir : le jeune homme est gravement malade et il est condamné à mourir prochainement. Le voici donc qui débarque chez les siens. Tous sont présents : la mère (Nathalie Baye), sa sœur Suzanne (Léa Seydoux), son frère Antoine (Vincent Cassel) et sa belle-soeur Catherine (Marion Cotillard) qu'il n'avait encore jamais rencontrée.

Ces retrouvailles, bien sûr, si elles sont inaugurées par des étreintes et des exclamations, n'ont rien cependant ni de paisible ni de serein. Chez ces gens-là, pour reprendre l'expression de Jacques Brel, la tension est quasi permanente, presque palpable, et les relations plutôt conflictuelles. Certes Suzanne et, davantage encore, Catherine, ne manquent ni de bienveillance ni d'attention, mais la mère apparaît fantasque, imprévisible, et le frère sanguin, s'irritant de la moindre parole qui, pour une raison ou une autre, lui paraît futile. Dans ce jeu complexe de relations, dans le réseau contradictoire des gentillesses et des méchancetés mâtiné de maladresses, comment faire entendre une parole de vérité, comment se livrer à des aveux ? Entre les conflits qui n'ont pas besoin de grand chose pour s'exprimer autrement que de manière latente, y a-t-il place et pour une véritable confession et pour une parole de miséricorde ? Peut-être, semble nous dire ce film, le pardon n'est-il qu'un oiseau échappé du temps et qui, malgré sa grâce, ne peut plus rien d'autre que de se cogner dans les murs et dans le plafond ?

Adapté d'une pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce et venant à la suite d'un de ses chefs d'oeuvre (« Mommy »), ce nouveau film de Xavier Dolan pourrait être facilement qualifié de mineur, mais ce serait sans doute se méprendre. Le cinéaste s'est manifestement approprié sa source théâtrale au point de lui donner un ton et des couleurs qui sont propres à son univers. On y retrouve aisément son style. Le cinéaste use d'une abondance de gros plans, prenant le risque d'une apparence de monotonie, mais c'est pour mieux scruter chaque trait des visages et chaque regard et, loin d'être assommant, le film en devient fascinant. Xavier Dolan sait d'ailleurs parfaitement rompre l'apparente uniformité de ses scènes en osant quelques-unes de ces belles envolées lyriques dont il a le secret. Mais le plus fort et le plus émouvant de ce film, ce sont les regards. C'est un film qui s'appuie sur les regards. Et, paradoxalement, puisqu'on a affaire, à l'origine, à une pièce de théâtre, ce sont les scènes muettes qui m'ont paru les plus intenses et les plus belles : rien que par leurs regards, les personnages en disent plus que par toutes leurs paroles : ainsi les regards qu'échangent Louis et Catherine au début du film, celui de Louis étreignant sa mère, celui de Louis encore fixant une scène à travers des persiennes, etc. Il convient de dire enfin que le film est servi par la crème des acteurs et actrices d'aujourd'hui. Mais encore faut-il leur offrir une mise en scène inventive et attractive, ce que réussit brillamment, une fois de plus, le jeune prodige québecois Xavier Dolan.


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De Impétueux, le 24 février 2019 à 20:20
Note du film : 2/6

Les hommes de ma génération ont du mal à imaginer ce qu'a pu être l'irruption du Sida chez leurs cadets. Ils n'ont pas connu cette angoisse mortelle. Sans doute parce que la maladie n'existait pas encore, mais aussi parce que l'homosexualité leur semblait être une rareté exotique, comme la drogue, et que ceux qui affichaient un intérêt pour leur propre sexe, hors les milieux très restreints d'artistes évaporés ou d'écrivains marginaux ne se colletaient pas avec cette forme de malédiction.

Cela pour dire que je ne suis pas tellement bien placé pour écrire sur ces drames. J'ai approché dans ma vie des centaines, des milliers de gens, mais je n'ai connu personne qui ait été atteint de la maladie inéluctable. Je n'en suis ni désemparé, ni content mais je dois à la vérité de le dire : je n'ai pas connu de ces condamnés à mort en fragile sursis. Et la vision assez récente de 120 battements par minute, film consacré aux combats du mouvement Act'up pour réveiller les consciences et faire accélérer les recherches m'a étonné sans me convaincre tout à fait. Je ne voudrais choquer ni vexer personne, mais j'ai l'impression de voir s'agiter des Martiens.

Ce n'est pas tout à fait le cas avec Juste la fin du monde où, après 12 ans d'absence, Louis (Gaspard Ulliel) revient passer une journée dans sa famille. Il semble évident qu'il veut annoncer sa mort prochaine, mais il arrive dans le même bouillonnement que celui qui – peut-être ? – l'a incité jadis à partir. À quitter une sorte de capharnaüm violent marqué par des relations familiales à la fois aimantes et déchirées.

Il y a là, aux côtés de Martine, la mère (Nathalie Baye), qui est un peu fêlée, un peu irresponsable, presque déjà un peu gâteuse, il y a le fils aîné, Antoine (Vincent Cassel), écorché, jaloux, autoritaire, haineux, violent. Il y a sa femme Catherine (Marion Cotillard), qui n'est que douceur, compréhension, harmonie. Et enfin Suzanne, la benjamine (Léa Seydoux), décousue, malheureuse, asphyxiée par un climat familial aussi irrespirable qu'indispensable, aussi nécessaire qu'insupportable.

Adapté (très fidèlement semble-t-il, si j'en crois Wikipédia), d'une pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce, lui-même mort du Sida à 38 ans, en 1995, Juste la fin du monde, malgré quelques tentatives d'en aérer la réalisation, est une sorte de huis-clos très étouffant, malsain, gênant, accentué par les travers du réalisateur, Xavier Dolan, adulé par la Critique mondaine et couvert des prix de tous les festivals possibles et imaginables. Il y a une sorte de manie de tout filmer en plans serrés, aussi bien les victuailles que l'on prépare pour le retour ou la satisfaction du fils prodigue que les physionomies des acteurs et tous leurs gestes.

Et puis on voit bien la trame théâtrale dans ce filmage des scènes obligées : Louis/Ulliel en tête-à-tête avec sa sœur Suzanne/Seydoux, avec sa belle-sœur Catherine/Cotillard, avec sa mère Martine/Baye, avec son frère Antoine/Cassel, enfin. On sent le procédé et l'artifice.

Ce qui n'abîme pas trop le film néanmoins : il faut reconnaître à Dolan (et à Lagarce, sûrement) une certaine qualité d'écriture, même si on ne parvient pas à croire une seule seconde (en tout cas au cinéma) à cette folie obsidionale qui paraît remuer la famille. Famille que Louis, mutique et épuisé, quittera sans lui avoir annoncé ce pourquoi il était venu : que sa mort était si prochaine que sa visite était aussi son dernier adieu.


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