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Bon film sur une histoire épeurante


De Impétueux, le 29 septembre 2013 à 16:50
Note du film : 4/6

Davantage un téléfilm qu'un film, dans son côté sujet de société, mais plutôt habilement présenté, Présumé coupable s'appuie sur le récit d'un seul des protagonistes de l'affreuse affaire d'Outreau. L'huissier de justice Alain Marécaux, emporté dans la tourmente des accusations folles de Myriam Badoui a vu sa famille dispersée, sa vie professionnelle détruite, son existence démolie. Il raconte ce cauchemar et Vincent Garenq le met en images avec une certaine sobriété, dont on lui saura gré.

Il aurait en effet été roublard, complaisant (et dégueulasse) de narrer cette sordide affaire de prostitution enfantine et de pédophilie en mettant en scène tout l'assemblage des personnes inculpées, en montrant les enfants esquintés, en introduisant le doute à partir d'images glauques ou ambiguës, en tonnant contre les salopards. Rien de cela dans Présumé coupable qui fait seulement allusion presque a minima aux événements. C'est bien plutôt le broyage effrayant d'un individu sans particularité notable par une machine infernale dont il est question.

Sans particularité notable, certes. Père de famille tranquille, mari sans singularité, matériellement à l'aise, Marécaux, superbement interprété par Philippe Torreton, est dévoré par le maelström. Mais sa situation m'a fait songer à une autre épouvante, vécue par un homme d'une dimension bien différente, mais pareillement démoli dans toutes les composantes de sa vie après un séisme personnel : le baron Empain, magnat de la finance et de l'industrie, enlevé en 1978 par des bandits, qui ne fut libéré qu'au bout de trois mois d'avanies affreuses et qui ne trouva à son retour dans le monde civilisé que le désastre et les ruines. Lucas Belvaux a tiré de cette histoire, en 2009, un film superbe et glaçant, Rapt, avec Yvan Attal.

Ce qui est également effrayant, dans la vie de Marécaux, au delà même de l'erreur judiciaire, de la dénonciation de l'aveuglement avec quoi le juge Burgaud (Raphaël Ferret), étranglé dans ces certitudes lui met la tête sous l'eau, de la méchanceté agressive de l'appareil policier, c'est la facilité avec laquelle la vie d'un homme peut basculer et, finalement, se décomposer, se désagréger sans possibilité de rémission. Abandonné par sa femme (Noémie Lvovsky), rejeté par ses enfants, éloigné par ses confrères, mis à l'écart par la plupart de ses amis, Marécaux, au sortir du cauchemar, n'est plus rien. Les aveux tardifs, lors du procès, de Myriam Badaoui (Farida Ouchani), qui innocentent presque tous les inculpés, n'y peuvent rien changer : après la catastrophe, c'est encore la catastrophe…


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De Impétueux, le 30 janvier 2012 à 22:48
Note du film : 4/6

La justesse de ce que vous écrivez, Arca, et qui est habituelle, me paraît encore plus aiguë que d'habitude.

L'encloisonnement des spécialistes est un des drames du monde moderne. Mon cher Giono a écrit quelque part La technique consiste à savoir le plus de choses possible sur des sujets de plus en plus restreints, ce qui aboutit, en fin de compte, à tout savoir sur rien.

Lorsque cette technique porte sur des thèmes aussi graves que la Justice, ou la médecine, cela montre le degré de déliquescence de nos civilisations.

Il se trouve qu'actuellement, je travaille au quotidien avec trois jeunes femmes issues des meilleures écoles de notre pays. Bosseuses, intelligentes, éveillées, ouvertes, incontestablement. Avec elles, je circule dans Paris ou en France plusieurs fois par semaine : je suis frappé de constater combien ces jeunes femmes, qui n'ont pas 30 ans, sont à peu près totalement incultes : les personnages célèbres qui ont donné leur nom aux rues de Paris, l'évocation des épisodes historiques qui, ici et là, ont touché nos provinces, les musiques, les films, les tableaux, tout leur est inconnu, ou presque. Elles ne savent rien, elles sont formatées pour, dans de très grandes sociétés internationales de service, de conseil, de consulting, donner avec rapidité et efficacité, des solutions bien présentées, dans des Powerpoint en format paysage.

Elles sont loin d'être fermées, passant à Chartres ou à la Rotonde de La Villette, à ce que je peux, dans le courant de la conversation, dire de Charles Péguy ou de Claude-Nicolas Ledoux. Elles paraissent même s'y intéresser et elles pourraient le faire si elles en avaient le temps. J'ai l'impression quelquefois que j'ouvre des portes sur des mondes inconnus. Mais comment s'appuyer sur des noms, sur des récits, si l'on n'a pas en face quelqu'un qui a assimilé leur substrat ? Comment parler d'Histoire à quelqu'un qui n'a aucune conscience de la pesanteur des siècles ? Il faudrait recommencer au début, comprimer en quelques conversations ce qui a été patiemment enseigné, ou lu pendant des années.

Donc le Juge, raisonnant en Droit, sûr de ce que lui ont enseigné ses manuels, ses professeurs d'indignation, et les émissions télévisées, se trouve aussi désemparé devant une affaire qui ne rentre pas dans ses cadres.

Où serait le Porphyre de ce Raskolnikov ?

Je ne connais pas le film que vous évoquez, vous en parlez d'ailleurs fort peu. Torreton doit, comme d'habitude, y être excellent. Il a cet œil de type lancé sans bouclier dans une mêlée furieuse…


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