Accueil
Voici les derniers messages de ce forum :

Film moyen-bon, magnifique Giovanna Ralli


De Arca1943, le 3 avril 2010 à 14:17
Note du film : 3/6

Soyons francs : je ne suggérerai pas à l'honorable assistance de se précipiter sur cette Prostituée au service du public et en règle avec la loi. C'est un « 3 », c'est-à-dire un film moyen. Sauvable sans doute, mais pas du tout nécessaire. Pourtant, c'est étrange, voilà une acquisition dont je suis tout content. C'est probablement parce que je vois comme un bon signe la circulation à notre époque de vieux films moyens-bons comme celui-ci. C'est pour ainsi dire la preuve que nous ne vivons ni dans un éternel présent, ni dans un musée où il n'y en aurait que pour Antonioni.

Et puis au fond, ce film d'Italo Zingarelli (Cinq hommes armés) est quand même meilleur que ce à quoi je m'attendais. Premier soupir de soulagement : l'image. Je présume que c'est moins René Château que les conservateurs de la pellicule qu'il faut féliciter, mais quoi qu'il en soit, cette copie est étonnamment belle. Et puis la photo du film – souvent nocturne, étant donné le sujet – a bien vieilli. Et tiens (c'est Jarriq qui va être content) presque aucun zoom. Quant à l'édition du DVD elle-même, pas de chapitrage, bien entendu, ni encore moins de bonus, ce qui veut dire pas d'entrevue avec la Ralli (snif). Juste le film, et seulement avec la VF ; mais quoi, on ne va pas commencer à jouer au puriste avec une série B, même si elle a des ambitions A.

Second soupir de soulagement : malgré son sujet, ce n'est pas du tout un "film érotique". 1970 était pourtant une époque redoutable à cet égard : une fesse libre dans un État libre, etc. Mais monsieur Zingarelli prend son affaire au sérieux et ne puise guère de ce côté-là. Quelques plans d'actrices secondaires dans le plus simple appareil, plans disons-le inévitables vu le sujet, et ça se limite à peu près à ça. C'est un film «suggestif», comme disent les curés, mais pas du tout «graphic», comme disent les Américains.

Le premier atout du film, c'est d'abord et avant tout Giovanna Ralli elle-même. L'actrice a d'ailleurs reçu un prix d'interprétation pour ce film, selon moi tout à fait mérité. Heureusement qu'elle est là, quoi. Certes la Ralli est très jolie, sexy, et tout ce qu'on voudra, mais c'est surtout qu'elle a du chien, de la présence, un fort plaisant abattage et un don évident de sympathie, dans un casting ici assez proche de ce qu'elle faisait dans Carmen 63. C'est elle qui porte le film sur ses épaules – avec l'aide estimable de Giancarlo Giannini, du moins jusqu'à ce que celui-ci se retrouve en prison pour avoir poignardé un sicaire qui la brutalisait, suite à une querelle de territoire entre elle et une autre prostituée.

Bien sûr, des films sur la prostitution, il s'en est fait plus d'un, notamment en Italie, et il faut s'efforcer d'éviter ici les comparaisons meurtrières avec, par exemple, Les Nuits de Cabiria ou Adua et ses compagnes. On n'y trouve ni la poésie de l'un, ni la précision de l'autre dans la peinture des caractères. C'est un univers plus simple et terre à terre. En revanche, une belle vertu du film est d'éviter le mélodrame, alors que plusieurs situations s'y prêtent à l'évidence. Par exemple la vignette où une compagne de travail qui a déjà eu plusieurs avortements en subit un de trop, dans des conditions médicales douteuses – en 1970, l'avortement était toujours illégal en Italie. Giovanna, qui est dans la salle d'attente, aperçoit un tout petit bout de l'opération avant que la porte ne se referme. Cut. On la retrouve les yeux pleins d'eau au chevet de la morte recouverte d'un drap. Cut, et voilà, on est passé à la vignette suivante. Plus que du film ou du réalisateur en particulier, d'ailleurs, cela tient je crois d'une certaine efficacité à l'italienne de l'époque : ce côté « sec » du traitement aurait été inimaginable à l'époque de La Traite des blanches.

Le film tend toutefois à enfiler les épisodes dramatiques ou humoristiques sans véritable trame narrative, sans autre fil conducteur que le personnage principal, selon le principe de la «tranche de vie». Donc c'est assez inégal, certaines scènes sont marquantes (comme celle que je viens de décrire) et d'autres moins. Ce n'est pas qu'il n'y a pas de récit du tout – ainsi toute l'histoire qui va mener Giannini en prison ; et surtout, ce client régulier (Jean-Marc Bory) qui en vient à lui proposer le mariage… jusqu'à ce qu'une brève enquête du commissaire du quartier révèle que le type n'est qu'un maquereau de plus qui tentait de la recruter. Là encore, l'amère déception qui s'ensuit pour Giovanna serait un moment idéal pour basculer dans le mélo, mais le tout est expédié sèchement, en quelques scènes concises.

Le film propose aussi une brève galerie de clients bizarres ou à problèmes qui rappelle, en plus pâle il est vrai, certains films à sketches à la Vedo nudo. Le tout placé sous le signe d'un «sociologisme» très seventies.

Bref, je ne suis pas mécontent de cette curieuse trouvaille du catalogue René Château. Ça me fera d'autant plaisir de revoir passer l'attachante Giovanna Ralli prochainement dans Il mercenario ou dans Le Général della Rovere de Rossellini, qui sort cet été.


Répondre

Installez Firefox
Accueil - Version bas débit

Page générée en 0.0024 s. - 6 requêtes effectuées

Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter