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Pauvre bluette


De verdun, le 28 juin 2020 à 17:59
Note du film : 2/6

La fin de carrière de Marcel Carné fut moins négligeable que sa réputation ne le laisse penser. Trois chambres à Manhattan et Les assassins de l'ordre sont ainsi deux films qui me tiennent à coeur. Mais concernant Terrain vague, je dois constater que mon avis rejoint exactement celui d'Impétueux.

Voilà pourtant un film novateur dans le cinéma français de 1960, sans doute le premier à traiter de la vie difficile dans "les grands ensembles" et de la délinquance des bandes de jeunes de banlieues.

Les intentions étaient donc excellentes, mais le résultat n'est pas du tout convaincant, même en remettant le film dans le contexte de sa sortie et du phénomène dit des "blousons noirs".

D'une part, les personnages et les situations souffrent d'un manque de crédibilité évident. Difficile de croire aux personnages, notamment à Dan, cette fille chef de gang, même si l'interprétation de Danièle Gaubert est peut-être la plus convaincante de toutes. Ses partenaires jouent faux, notamment celui qui incarne Marcel (Constantin Andrieu), délinquant multirécidiviste qui s'empare de la tête du gang à mi parcours. Difficile de croire aux situations, à ces rituels initiatiques pour entrer dans la bande. D'autre part, les auteurs n'arrivent jamais à trouver le ton juste, l'histoire versant de façon inutile dans le mélodrame.

Après le succès des Tricheurs, Marcel Carné a essayé, dans Terrain vague puis Les jeunes loups, de filmer la jeunesse des baby-boomers mais sans grande réussite, la faute d'abord des dialogues et des scénarios de qualité moyenne, qui faisaient regretter le temps de Prévert. La faute aussi à des acteurs non-professionnels pas toujours crédibles. N'est pas Bresson qui veut…

On peut retenir de Terrain vague la qualité des images en noir et blanc de Claude Renoir et le témoignage qu'il donne des banlieues de 1960, déjà en perdition par rapport au reste de la société.

En 1966, Edouard Luntz réalisera Les coeurs verts, un film remarquable -dont je parlerai bientôt- sur les blousons noirs, la vie dans les grands ensembles et la délinquance des bandes de "jeunes". Terrain vague fait vraiment pâle figure à côté du film de Luntz.


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De Impétueux, le 12 juin 2011 à 18:30
Note du film : 2/6

Comment retrouver le grand cinéaste de Quai des brumes et des Enfants du Paradis dans cette pauvre bluette, qui se veut grave et n'est souvent que ridicule ? C'est que Prévert n'était plus là, me dira-t-on ! Certes, mais Thérèse Raquin, L'air de Paris, et même Les Tricheurs, c'est sans commune mesure avec Terrain vague. Sur l'identique mode de la découverte de la délinquance juvénile, il y avait eu, cinq ans avant, l'humanisme niais et sympathique de Chiens perdus sans collier qui était appuyé sur un récit fort de Gilbert Cesbron. Mais là ! Que c'est bête, grandiloquent, mal fichu !

D'emblée on est saisi par l'emphatique et le grotesque : la bande de voyous se bâtit sur des rituels puérils, à base de serments sacrificiels et d'échange de sangs ; elle est dirigée par une fille, Dan (Danièle Gaubert) qui est à peu près aussi crédible dans le rôle que le serait Jerry Lewis pour incarner Emmanuel Kant ; les gamins sont censés n'avoir que quinze ou seize ans, mais leurs dégaines et leurs comportements laissent supposer des âges moins innocents ; l'histoire est d'une bêtise à pleurer et ce n'est pas l'intervention de Big Chief (Roland Lesaffre), vieux baroudeur anarchisant, revenu de tout et ouvert à toutes les folies de la jeunesse, qui arrange ce salmigondis.

Carné essaye de replacer dans le film la figure fascinante et sulfureuse d'Alain, dans Les tricheurs ; il l'appelle Marcel, auto-identification évidente, et le pare de tous les prestiges des anges noirs et de sa propre homosexualité, signal incongru jeté sans vraie raison au milieu du film, lorsque les rapports plus qu'ambigus entre Marcel, donc (Constantin Andrieu) et Hans (Alfonso Mathis) viennent s'insérer dans le récit ; mais il a complètement perdu la main et il ne sait pas trop comment filmer les adolescents sauvages qui oscillent entre le scoutisme et la sauvagerie.

Qu'est-ce qu'on peut sauver de ce film absolument raté ? En aucun cas les acteurs, tous plus mauvais les uns que les autres et dont aucun n'a fait même le début d'un semblant de carrière. Un peu le regard sur ces cités qui se créaient aux portes de Paris, faites de blocs et de tours, cités où demeuraient ici et là des maisonnettes lépreuses et isolées dans un paysage désespérant fait de blocs de béton abandonnés, d'herbes maigres, de boues omniprésentes.

Et malgré cela, dans ces immeubles de désolation, une certaine tenue : les cages d'escalier sont propres, les boîtes à lettres n'ont pas été arrachées, les flaques de pisse et les caches de drogue ne se disputent pas la place majeure ; l'horrible dégradation de l'habitat est déjà là : en montant dans les appartements par les escaliers – car les ascenseurs sont toujours en panne – on entend les bruits de disputes conjugales, la radio qui nasille, les cris des bébés, la vie des autres qui perce par les cloisons trop minces. Tout ça va se dégrader année après année et arriver à la situation d'aujourd'hui, les bandes ethniques, les agressions systématiques sur tout ce qui représente l'Autorité, les trafics de toute sorte, l'économie souterraine, les tournantes dans les caves, la montée de l'intégrisme musulman, les charmantes perspectives de territoires entiers devenus étrangers à la communauté nationale…

Ce serait faire beaucoup d'honneur que de considérer Terrain vague comme une ethnographie du monde de la banlieue triste de 1960 ; mais, pour y trouver la moindre trace d'intérêt, c'est pourtant bien sous ce regard qu'on doit y mettre le nez. Si on n'a rien d'autre à faire, évidemment.


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