Effectivement, Les comédiens malgré son générique plus qu'alléchant, ne parvient jamais à décoller vraiment, et finit par produire un ronron tranquille et doucement soporifique. Pourtant Glenville (auteur du magnifique Becket) crée une atmosphère singulière de désolation et d'abandon, dans son décor (tourné au Dahomey et en studio en France) haïtien, digne d'une ville-fantôme. On a constamment la sensation d'une vaste scène de théâtre, où s'agitent vainement des personnages dérisoires, voire pathétiques, comme Burton hôtelier pleutre et plutôt minable.

Hélas, presque trois heures de ce régime, c'est tout de même beaucoup demander, et le personnage de Taylor, visiblement gonflé au scénario pour faire une belle affiche, finit de plomber le film. Replète et pomponée, l'actrice a rarement été plus mauvaise. Par contre, Guinness qui nage comme un poisson dans l'eau, dans l'univers de Graham Greene, est formidable en mercenaire ringard et mythomane, et les seconds rôles sont bien campés (Paul Ford et Lillian Gish en charmant vieux couple d'écolos yankee en goguette). Ustinov par contre, très "tenu" par son réalisateur, dort littéralement debout.

Les comédiens se perd en séquences répétitives, trop dialoguées, mais parvient à trouver de temps à autres, le ton juste, comme lors du discours de Burton, face aux troupes dépenaillées de rebelles à la fin : un régal de dérisoire et de cynisme, ou dans l'inquiétante séquence de l'enterrement interrompu, ou celle des rebelles fusillés en pleine nuit devant la population.

Comme La Fin d'une liaison et Et un Américain bien tranquille ont connu tous une seconde et très bonne mouture, quelqu'un devrait re-porter à l'écran ce superbe roman de Graham Greene. En passant, je crois savoir que Le Consul honoraire a aussi été porté à l'écran. Encore un bon roman, mais que vaut le film ?

Et puis, tiens, j'en profite pour souligner que le roman de Graham Greene que je tiens pour son meilleur – en tout cas c'est celui que j'ai relu le plus souvent – n'a JAMAIS été porté à l'écran. La Saison des pluies, pourtant, il me semble que ça ferait un puissant film. Le Congo belge, la léproserie des missionaires catholiques au coeur de la jungle, le médecin athée, le planteur dévot et le personnage principal, architecte en proie au doute… Et le drame qui se noue sous nos yeux sans même qu'on s'en rende compte… Hum… Ça fait rêver… Après tout, The Quiet American, ça n'a pas trop mal marché… Un producteur avisé devrait se dire que d'autres histoires de Graham Greene pourraient éventuellement devenir de bons films…