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L'effet magique de Cléo


De Impétueux, le 29 mars 2008 à 17:45
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Vue et revue dix fois peut-être, l'errance à la fois solitaire et entourée de Cléo, qui se termine par une rencontre qui est, et surtout sera peut-être importante dans sa vie et s'achève dans les grands jardins de l'hôpital de La Salpêtrière sur le beau visage classique de Corinne Marchand et sa voix off : Il me semble que je n'ai plus peur. Il me semble que je suis heureuse, vue dix fois, donc, cette promenade anxieuse m'apparaît à chaque projection comme un film étonnamment moderne, en rien artificiel, alors que nombre de ses dialogues, volontairement un peu faux, donnent pourtant un son très vrai.

C'est sans doute qu'Agnès Varda ne s'est pas contentée le moins du monde d'emprunter les théorisations extrêmes de la Nouvelle Vague ou de céder à sa Vulgate, mais a mis bien de la chair et de l'émotion dans ce film bref (1h25) qui reconstitue, à quelques minutes près, la fin d'après-midi d'une jeune chanteuse dont la notoriété commence à peine, qui a un bel amant qui l'entretient sans trop en exiger (José Luis de Villalonga, mort l'été dernier, aussi beau que dans Les amants), une camériste superstitieuse et suractive (Dominique Davray, glorieuse Madame Mado des Tontons flingueurs) et une amie ravissante, modèle nu dans une académie de sculpture de Montparnasse (Dorothée Blank, dont on aurait aimé revoir plus souvent la gracieuse chute de reins).

A cinq heures, Cléo est sortie de chez la cartomancienne qu'elle est venue consulter ; elle craint d'avoir un cancer ; elle aura les analyses et verra son médecin à sept heures. Tout se passe donc dans ces deux heures de début d'été sous l'anxiété d'une menace entrecoupée de moments de coquetterie, de préoccupations d'avenir, de rires avec les deux artistes un peu burlesques qui viennent à domicile lui proposer de nouvelles chansons, un compositeur (Michel Legrand) et un parolier (Serge Korber)

Engagé rue de Rivoli, le film passe sur la rive gauche, à Montparnasse, où habite Cléo, rue Huyghens, où son amie Dorothée pose nue (rue Delambre ? rue de la Grande Chaumière ?), s'engage dans le parc Montsouris où Cléo va rencontrer Antoine (Antoine Bourseiller), cingle vers l'Est, la place d'Italie, pour s'achever, donc, dans le grand parc de La Salpêtrière ; eh bien on a rarement aussi bien et tendrement filmé Paris, un Paris formidablement identique à lui-même et aussi beau qu'aujourd'hui, et un Paris aussi, pourtant, absolument disparu, le Paris des monuments uniment noirs de suie, avant les salutaires injonctions d'André Malraux, un Paris à enseignes disparues pour toujours (Le Palais du Tergal, ou Rivoli-Deuil, une horlogerie, une grande chapellerie), un Paris saisi au vif avec des tas de clins d'œil magnifiques (pendant que Cléo essaye un chapeau passe, de l'autre côté de la vitrine du magasin, la Garde républicaine à cheval…).

Paris de visages et de regards, de conversations happées par un micro curieux – mais jamais indiscret – d'émissions de radio qui annoncent le proche départ d'un Tour de France où l'on n'était dopé que dans le consensus général, et sans la vertueuse indignation de maintenant (1962 : troisième victoire de l'immense Jacques Anquetil !) ; Paris à la fois plus mélangé et plus homogène qu'aujourd'hui, Paris des Parisiens…

L'extrême qualité de ce film tient aussi sans doute à deux éléments majeurs : la musique, plus réussie encore que de coutume, d'une très grande variété mélodique et rythmique de Michel Legrand et la parfaite beauté classique de Corinne Marchand, qui fut Cléo, et le fut tellement qu'elle ne fit jamais plus grand chose et qu'on fut tout surpris de la retrouver, en 1994, empâtée et assoupie dans Le parfum d'Yvonne de Patrice Leconte


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De jipi, le 27 décembre 2006 à 10:23
Note du film : 6/6

Cléo dispose de cent vingt minutes de réflexions à l'air libre afin de se préparer à une sentence finale.

Deux heures égrenées dans les rues d'un Paris scénarisé par des procédures quotidiennes distantes de rencontres spontanées entre projets des uns et desespoir des autres.

Il faut tout se dire en quelques minutes avec en toile de fond une ville procéduriere dans des actions récurrentes, se prouver que l'on existe par la voix plus pour soi même que par l'apport des autres en testant courageusement une indifférence collective à la terrasse d'un café.

Cléo n'a pas le choix elle doit accepter l'autre comme volatile, narcissique, pleins de projets.

Les contraintes et les vitalités rencontrées narguent une jeune femme ne pouvant construire qu'un relationnel limité dans le temps au contact d'une faune anonyme dans une mégapole structurée par le devoir de production.

Cléo néantisée par l'énergie collective visualise les vibrations du monde.

La dernièr quart d'heure sensible consacré au gentil militaire regagnant l'Algérie alors en guerre tout en laissant en apparence un infime espoir de construction sentimentale n'ôte pas le doute sur la difficulté d'élaborer une stabilité à long terme. La maladie scelle un avenir que Cléo doit assumer seule.

Un esprit trituré par le potentiel d'un diagnostic à risque se lache dans une ville en pleine transpiration. Paris n'à jamais aussi beau, filmé par une cinéaste de l'errance la ville palpite en temps réel une technologie obsolète faite de plates formes de bus, de spragues et de machines à vapeurs.

Ces deux heures distillées entre craintes et espérances dirige une entité momentanément récupérée par la thématique du vacarme urbain vers une conclusion ne laissant que peu de chances sur la possibilité d'offrir à une femme pleine de vie la possibilité de s'ébattre dans un élément souverain, le temps.

Cléo de 5 à 7 œuvre de rues promotionne les rencontres improvisées stimulant colères, rires et larmes dans une procédure sensorielle frémissant en décor naturel.


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