J'avais conservé un souvenir amusé de ce Chaud lapin et, sans doute sur la lancée des merveilleuses réussites des Zozos et de Pleure pas la bouche pleine, je m'imaginais rétrospectivement que c'était aussi bien observé, aussi exact et aussi tendre.

Ça l'est moins, et ça part un peu dans tous les sens, sans maîtrise, ni véritable charme ; c'est dommage, parce que ça touche quelquefois à la réalité vécue de ces prospères années Soixante-Dix, qui sont aussi celles qui suivent la révolution de Mai 68, avec la dissociation de la structure familiale, avec la liberté sexuelle et la fin de la société traditionnelle, fondée sur la reproduction cyclique, presque saisonnière des existences.

Voilà bien des grands mots pour un si petit film ; ça ne manque pas toujours d'intérêt, ni d'idée, il y a quelques moments drôles, quelques situations amusantes, des anecdotes bien placées, mais, mais, mais…

Bernard Menez, dont le côté lunaire et décalé était assez réussi dans Pleure pas la bouche pleine, se trouvant là investi d'un premier rôle, accumule tous les défauts qu'accumulent ceux qui, précisément, ne devraient jamais quitter le second plan (je pense exactement la même chose pour Darry Cowl et - horresco referens ! – pour Louis de Funès) ; les autres acteurs surnagent mal dans la grisaille générale (sauf la – déjà – ravissante Elisa Servier, à la voix rauque, comme toujours aimable comme une porte de prison) ; Daniel Ceccaldi, habituelle merveilleuse silhouette du cinéma de ces années-là, ne laisse pas de trace et les autres acteurs n'ont pas fait une ligne dans l'histoire du cinéma…

Le destin parallèle de sœurs, dissemblables et proches, était pourtant une assez jolie idée ; et cinq années plus tard, en 1979, Pascal Thomas réalisera le petit bijou frêle et triste de Confidences pour confidences, qui s'appuie sur de vrais caractères ; mais Le chaud lapin, ça manque de… comment dire ? … de rigueur.