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De Impétueux, le 20 février 2011 à 20:54
Note du film : 4/6

J'avais conservé un souvenir assez fort de Cul-de-sac et j'ai espéré vainement, pendant toute la re-vision du film que j'allais vraiment accrocher et me glisser dans la bizarrerie délicieuse de l'histoire ; je dois dire que, sauf, épisodiquement, je n'y suis pas parvenu.

Pourtant, il y a des ingrédients épicés à souhait : photogénie des paysages désolés du Northumberland, au nord-ouest de l'Angleterre, à la limite de l'Écosse, vides, sablonneux, où le vent couche sans cesse les oyats ; Polanski a vraiment une maîtrise admirable de ces contrées désolées, des lacs de Mazurie aux reflets métalliques du Couteau dans l'eau aux plages venteuses de The Ghost writer et talent du réalisateur à filmer et à mettre en valeur les maisons et à mettre en scène la lumière (l'irruption initiale du malfrat Dick (Lionel Stander) dans le poulailler, le soin apporté aux détails, la marche d'échelle qui se brise sous son poids, les rais de jour qui révèlent les lieux)…

Acteurs impeccables, suffisamment décalés pour ne pas détonner dans un film louftingue ; si je trouve que Donald Pleasence en fait tout de même un peu trop dans l'hystérie et la frénésie, Françoise Dorléac est parfaite, folle, exaspérante, impudique, capricieuse, aux rires de gorge crispants et magnifiques ; Lionel Stander, à l'ordinaire bonhomme, donne tout à fait l'apparence d'un gangster minable, décontenancé par sa médiocrité même lorsqu'il prend conscience qu'il attend en vain et que son commanditaire Katelbach ne viendra pas le récupérer. On l'a dit, Dick (Lionel Stander, donc) a attendu Katelbach, comme Vladimir et Estragon attendent Godot dans la pièce de Beckett ; ce qui est drôle, c'est que son partenaire, avec qui il a des rapports singulièrement fraternels, Albie (Jack MacGowran, qui sera le Professeur Abronsius du Bal des vampires) s'est fait la tête de James Joyce, dont Beckett fut le secrétaire : il n'y a pas de hasards.

Excellents comparses : Philip et Marion (Robert Dorning et Marie Kean), couple typiquement britannique affligé d'un marmot particulièrement insupportable, Horace, odieux et ordurier comme on ne l'imagine pas (Cette petite salope m'a complètement arraché l'oreille !, après que Térésa (Françoise Dorléac) l'a rudoyé), et visiteurs décalés (William Franklyn et Jacqueline Bisset) qui font songer aux singuliers pensionnaires de la villa de What?).

Seulement, il me semble que la mixture de grotesque, de cocasse et d'anxieux, d'inquiétant, n'est pas parfaitement dosée et que ce montage subtil, et d'une haute difficulté, ne fonctionne pas toujours. D'où ma réticence. Mais c'est pourtant un film très intéressant.


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De Arca1943, le 14 mars 2004 à 05:04
Note du film : 6/6

Selon moi, c'est plutôt Cul-de-sac qui est le film atypique par rapport à la trajectoire que suit Polanski à l'époque. C'est que lui n'appartient pas au domaine du film de peur, tandis que Le Couteau dans l'eau, Répulsion, Rosemary's Baby sont des films de peur. Ces trois-là composent un tryptique : le suspense, l'horreur psychopathologique, le surnaturel : trois façons différentes de faire trembler le spectateur. A quoi s'ajoute la farce horrifique du Bal des vampires. Le Roman Polanski des années soixante est un maître de la peur, à égalité avec Alfred Hitchcock.

À côté de cela, Cul-de-sac appartient au domaine du cinéma de l'absurde, comme The Bed-Sitting Room de Richard Lester ou Buffet froid de Bertrand Blier. Il n'entretient pas le même type de rapport émotif avec le spectateur.

Comme la farce et le mélodrame, le film de peur se mesure aux réactions immédiates, physiques des spectateurs. Je le sais, parce que Le Couteau dans l'eau m'a glacé le sang, Répulsion m'a fait dresser les cheveux sur la tête et Rosemary's Baby m'a même fait pleurer de terreur, la première fois que je l'ai vu, pendant cette scène près de la fin où la fragile Rosemary (Mia Farrow) se sauve, seule et abandonnée de tous, enceinte jusqu'aux yeux, avec sa grosse valise et sa démarche de canard, alors qu'autour d'elle la conspiration démoniaque se précipite… au secours !!!

Cul-de-sac ne fonctionne pas comme ça. La cruauté est bien là, mais elle ne cherche pas à aller chercher le spectateur qui aime avoir peur. Elle s'adresse plutôt au spectateur qui aime l'humour macabre et le non-sens à la Ionesco. Un superbe programme double, tiens, ce serait de présenter ce film précédé de Théâtre de M. et Mme. Kabal de Borowczyk. Miam miam miam… Deux Polonais grinçants juste à point, pour le prix d'un. J'adore les programmes doubles. Pas vous?

Comparé aux autres Polanski de cette période, le potentiel populaire (d'autres diraient «commercial») de Cul-de-sac est sans doute moindre. Et je n'ai rien contre ça… de temps en temps. Le succès – ces millions de spectateurs laissés comme moi tremblants, hagards, à la sortie des cinémas – sert aussi à se faire plaisir, à se payer ce genre de risque. Il faut faire M*A*S*H pour se payer Brewster McCloud , par exemple. Il faut fracasser les coeurs avec Cinema Paradiso pour faire se creuser les têtes dans Une Pure formalité.

Bref, c'est un autre registre. C'est le film le plus original de son auteur. Film à part, Cul-de-sac n'en est ni meilleur, ni moins bon pour cela. Ça le rend, par contre, difficile à comparer avec les autres. Cela dit, j'admets que la contiguité dans l'univers reste évidente : c'est un monde de l'angoisse, un monde de pièges et de trompe-l'oeil, où il est risqué de faire confiance à son prochain.

Et puis Donald Pleasence est vraiment super.

P.S. Merci au Canadien de Montréal qui m'a encouragé pendant la rédaction de ce message en l'emportant 4 à 3 contre les Maple Leafs de Toronto. Superbe but gagnant de Yannick Perreault, sur des passes de Zednik et Koivu. Quel match !


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