Dans la même lignée (et le même niveau de qualité), je vous recommande Cyclone à la Jamaïque, moins trépidant mais peut-être encore plus mystérieux et encore plus cruel.
Mais en plus de la qualité de filmage de Fritz Lang, sur quoi on va revenir, il y a dans Les contrebandiers de Moonfleet, une densité et une richesse qui les font passer du statut assez simple des œuvres d'apprentissage adolescentes à celui des grands films de l'histoire du cinéma : c'est la juxtaposition, aux côtés des effarements et étonnements du jeune John, de la vie compliquée et douteuse de Jeremy Fox.
Drôle de héros, celui-là, si peu conforme aux images traditionnelles qu'Hollywood fabriquait à la pelle, bandit de grand chemin, cruel, violent, avide d'argent et de femmes, coureur de jupons cynique, nostalgique seulement, ce qui en amadoue un peu le contour, de ses amours blessées de jadis. Qui abuse de la confiance sans limites que lui voue le petit John, est tout prêt d'en abuser, en est simplement touché à la fin, pour lui laisser un souvenir lumineux et une espérance infinie en son retour…Mais il y a aussi un regard sans bienveillance sur à peu près tout le monde. Les contrebandiers sont de sales types sans scrupule aucun, prêts à tout, des fauves toujours proches de se rebeller contre leur dompteur Jeremy Fox et qui sont à deux doigts d'égorger John, miraculeusement sauvé par l'irruption des douaniers dans la taverne crasseuse. Les aristocrates sont des libertins insouciants ou même comme le couple pervers formé par Lord (George Sanders) et Lady Ashwood (Joan Greenwood, qui fut une tout aussi légère Sibella, dans Noblesse oblige) d'affreuses canailles. Et puis le héros, rédimé, meurt à la fin.
Tout ceci suffirait déjà de faire des Contrebandiers de Moonfleet un film intéressant. Mais le talent de Fritz Lang en a fait un film magnifique, notamment par l'emploi bluffant des couleurs. Les vêtements de Fox, rouge cerise ou mordoré dans l'atmosphère des tavernes et des chemins creux, le violet vif de la tenue de lord Ashwood (George Sanders), le chatoiement des robes de la gitane (Liliane Montevecchi) sont autant de signaux qui caractérisent et, dans ce film très nocturne, éclairent les personnages des maîtres et de leurs favoris, tout autant que les pauvres sont confinés dans le terne et le terreux, comme les paysans des tableaux de Le Nain.Ambigu, éclatant, merveilleusement interprété.
Un metteur en scène de génie qui peut être caractérisé par deux points : la puissance de la mise en scène et l'aspect visionnaire du propos ! Une sorte de TGV qui déboule à pleine vitesse et qui vous projète des images en pleine face. J'ai le souvenir de quelques chocs, notamment avec Clash by night dont le scénario est moyen, mais qui se termine dans une apothéose visuelle.
Il y a aussi sa vision de l'homme et de la société, avec -en particulier- Furie, Règlement de comptes et Le testament du docteur Mabuse -qui dresse un portrait stupéfiant de vérité du nazisme au début des années 30-.
On ne peut que vous conseiller de découvrir son oeuvre dans son intégralité. Même ses films mineurs méritent le détour.
Page générée en 0.0040 s. - 6 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter