On sait bien et on se le confirme avec une minimale culture littéraire que tous les personnages du Festin nu sont la représentation de personnages réels : Hank (Nicholas Campbell), c'est Allen Ginsberg et Hans (Robert Silverman), c'est Jack Kerouac (à moins que ce ne soit le contraire), de la même façon que le couple homosexuel (chacun de son côté !) de Tom (Ian Holm) et Joan Frost (Judy Davis) sont Paul et Jane Bowles.
Dans l'exotique et cosmopolite Tanger, des Occidentaux, fascinés par la liberté des mœurs garçonnières viennent chercher un exutoire à leur homosexualité réprimée en Europe (il faut lire les récits de voyage d'André Gide, à ce propos) et se disputent les gitons très disponibles. William Lee y vient assigné à résidence par une sorte de voix intérieure qui prend, dans tous ses cauchemars, la figure d'un immonde cafard (ou cancrelat, si l'on préfère).Dans la tête de tous les protagonistes, dans leurs têtes fêlées, ridicules et malades passent des dizaines, des centaines, des milliers de fantasmes. Des fantasmagories répugnantes ou quelquefois – rarement – grisantes. Est-ce que tout cela est une forme métaphorique de l'action d'écrire, de ce qu'elle arrache à ceux qui s'y donnent ? Je veux bien, mais je ne suis pas absolument persuadé que le passage par les drogues les plus dures soit le chemin le plus convaincant.
J'admets pourtant bien volontiers que la lutte avec la machine à écrire – avec les diverses marques de machines à écrire – est une métaphore satisfaisante du combat compliqué avec l'écriture que ceux qui pratiquent ce merveilleux vice connaissent bien. Et je suis de fait bien d'accord que c'est souvent l'écriture qui dicte la pensée, comme, dans le film, l'emploi de certaines formules suscite une réaction violente instantanée. Et donc que puissent se mêler, dans un cerveau percé de mille drogues et de mille abus sexuels, au milieu d'un Tanger interlope, fantasmé, refuge commode pour cerveaux torturés, des visions horribles et des abjections grouillantes.Je n'ai rien contre les films qui instillent un malaise, si profond qu'il puisse être. Mais j'aime choisir mes dégoûts. Et ceux du Festin nu n'en font pas partie.
Merci pour votre réaction Impétueux. Eh oui, ça fait une paye que je ne suis pas intervenu sur Dvdtoile même si je viens vous lire de temps en temps. L'Écriture est une maladie incurable que je pratique tous les jours mais la critique cinématographique ne me stimule plus autant qu'avant. J'y reviendrai probablement un jour. En attendant, j'ai retrouvé ce long texte dans mon disque dur. Autant en faire profiter ceux que ça pourrait intéresser. A bientôt.
Page générée en 0.0045 s. - 6 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter