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Un grand moment de satire populaire à l'italienne


De vincentp, le 5 février 2020 à 19:59
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Revu sur grand écran pour un avis inchangé: on a affaire à une merveille cinématographique, un des très grands films du cinéma italien, situé au coeur de sa période la plus féconde. Cela fait plaisir de revoir un tel film, pour en apprécier un peu plus ses qualités multiples. Au nom du peuple italien est particulièrement bien dialogué par le duo Age et Scarpelli, notamment à mi-longueur quand l'affrontement entre Ugo Tognazzi et Vittorio Gassman bat son plein, avec deux visions de la société antagonistes. Un regard amusé sur le clergé et le monde du cinéma, un tour de la ville et de la campagne environnante, jusqu'aux bords de mer, à la fois immaculés (vagues déferlant sur le rivage) et dégradés par les déchets. Comme le personnage incarné par Ely Galleani, à la beauté radieuse, mais corrompue par Santenocito. Les séquences avec cette actrice sont des modèles de mise en valeur d'un personnage secondaire et d'intégration au sein d'un récit dramatique.

Le final est un monument à lui seul, croisant aspects imaginaires et réels, éléments du présent et passé, voix-off et bruits de la foule en délire, avec une gestion de l'espace et du temps optimisée. Le sens du final suscite les interrogations du public, et achève le récit par un point d'interrogation. On relève un sens du détail poussé au coeur de chaque séquence (description de la bureaucratie, du train de vie poussif de l'Etat, des salons mondains). On peut ajouter que Yvonne Furneaux, actrice née à Roubaix, maintenant fort oubliée, qui joue l'épouse de Santenocito est toujours en vie, âgée aujourd'hui de 93 ans. La mise en scène de Dino Risi est discrète, épurée (champs, contre-champs), avec l'ajout de plongées ou contre-plongées spectaculaires, et des mouvements de caméra fiévreux lors du final. Cette oeuvre est porteuse d'une émotion intense distillée par une subtile alchimie de rires et d'éléments dramatiques, distrait et suscite réflexion et interrogations.


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De Arca1943, le 25 octobre 2008 à 19:54
Note du film : 6/6

« C'est que Risi, Monicelli ou Scola n'ont pas de l'Homme la haute idée de nos idéologues rousseauistes »

Bien vu. C'est qu'à se faire une trop haute idée de l'Homme, on en vient bien trop facilement à la négation de l'Homme. Il y a aussi là-dedans un effet de générations : au moins en Italie, la gauche qui a eu vingt ans en mai 1968 et la gauche qui a eu vingt ans en septembre 1943 n'ont vraiment pas la même mentalité. Une belle illustration de cette lutte interne, si on peut l'appeler ainsi, se trouve dans La Terrasse : le vieillissant directeur des programmes culturels de la RAI Serge Reggiani confronté au jeune metteur en scène qui veut transformer Le Capitaine Fracasse en une infecte tambouille à peine reconnaissable…

Des gens comme Risi ou Monicelli ont été enfants puis adolescents dans le contexte bizarre d'un totalitarisme atteint d'une forme particulièrement aiguë d'esprit de sérieux et qui cherchait à faire d'eux des Hommes Nouveaux en leur bourrant la tête de slogans. Une fois adultes – et découvrant la liberté sur le tard – pouvaient-ils à leur tour chercher à transformer leurs spectateurs en Hommes Nouveaux ? Impossible, ils auraient eu l'impression d'être devenus des fonctionnaires du MinCulPop. Dans le cas de monsieur Scola, qui est un vieux communiste impénitent, je suis sûr que des camarades ont dû le lui reprocher amèrement, voire le tancer d'importance…

Soyons maintenant indulgents, une main sur le coeur, à l'italienne. Quand on voit le début fort réussi de Dupont Lajoie, on se dit que la satire, l'esprit qui fustige les moeurs, n'est pas si incompatible avec le sérieux Yves Boisset. Offrez-lui, en 1971, le scénario en or écrit par Age et Scarpelli et demandez-lui de le transposer en France : il pourrait, il aurait pu, théoriquement. Mais pas la fin, pas la dernière demi-heure. Les méchants sont de droite, les bons sont de gauche. Point. Alors, découvrir ce qu'on découvre in fine au sujet du juge Bonifazi – le courageux magistrat qui roule en mobylette et lit L'unità, qui n'a pas peur de faire dynamiter un immeuble construit illégalement – ne peut tout simplement pas arriver dans l'univers d'Yves Boisset, ni même de Costa-Gavras. Or bien sûr c'est ce développement – essentiel tant du point de vue du récit policier que de la critique sociale – qui donne tout son sens et son poids à cette magnifique satire de Dino Risi que je viens de revoir pour la énième fois !


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