Accueil
Voici les derniers messages de ce forum :

Très grande réussite du cinéma italien


De Impétueux, le 27 octobre 2020 à 12:32
Note du film : 4/6

Me voilà bien navré de ne pas pouvoir partager l'enthousiasme général et les dithyrambes éloquents sur ce film d'Elio Petri dont la qualité du titre, vigoureux et agressif, de la musique (d'Ennio Morricone évidemment) et de l'interprétation est, de fait, absolument remarquable. Mais, comme souvent, les films un peu mythifiés, dont on attend tant et plus et davantage, font souvent subir ce genre de déconvenues ou plutôt de légères déceptions : on vous a tant vanté le ton percutant, l'intelligence du récit, la subtilité des dialogues de cette Enquête que le préjugé favorable dont elle bénéficiait ab initio s'effrite au fur et à mesure qu'elle se déroule.

Je conviens très volontiers que l'essence de l'intrigue est extrêmement séduisante : un commissaire de police (Gian Maria Volonte) au demeurant assez terne, à la personnalité complexe et à la cérébralité torturée se grise du pouvoir qu'il estime détenir, de sa situation sociale au dessus de tout soupçon, de la subtilité de son intelligence et, après avoir assassiné sa maîtresse Augusta Terzi (Florinda Bolkan) – au demeurant aussi chtarbée que lui – joue au chat et à la souris avec ses collègues qui recherchent le coupable. Il sème des indices assez clairs pour les mettre sur sa trace et jouit de leur stupidité ou plutôt de leur incapacité d'imaginer que leur patron puisse être le coupable.

Il est bien intéressant, de fait, de mettre en scène cette sorte de blocage intellectuel qui interdit de soupçonner ce qui semble inconcevable. Et parallèlement d'étudier la mégalomanie du manipulateur qui teste à chaque instant un peu plus sa propre puissance.

Là où, à mes yeux, la chose se gâte, c'est lorsqu'Elio Petri institue un rapport entre ces perversions affreuses, mais habituelles de l'âme humaine avec une critique sociale et institutionnelle. L'artifice qui fait passer le Commissaire de la section criminelle à la division politique de la Sûreté de l'État en fournit le matériau.

Nous sommes en 1970, période de tensions fortes surgies après l'explosion des années 67-68 (qui fut mondiale, ce qui ne doit jamais être oublié), qui apparut comme festive et planante (le Flower power, les hippies, la liberté sexuelle et tout le toutim) et qui, en fait, sapait les fondements traditionnels du monde. C'est en septembre 1970 que naissent, en Italie, les Brigades rouges, quelques semaines avant la sortie du film de Petri (16 octobre). C'est de quelques mois auparavant (en mai) qu'on date la création de la Fraction Armée rouge (groupe Baader-Meinhoff) et d'encore un peu plus tôt (début 69) celle de la Gauche prolétarienne, qui sera une des matrices d'Action directe) en France.

Est-ce que le commissaire/Volonte tue sa maîtresse/Bolkan parce qu'elle le trompe avec le jeune anarchiste Pace (Sergio Tramonti) ? Est-ce qu'il perd ses nerfs et lui coupe la gorge en faisant une crise de jalousie ? Possible… mais enfin les rapports des deux amants sont si aigus, si empreints de sado-masochisme, si placés sur la corde raide que, précisément, la jalousie fait moins à l'affaire que ce que ressent le Commissaire placé entre les humiliations que lui fait subir sa maîtresse (qui ne cesse de se moquer de ses cravates, de ses chemises, de ses chaussettes, de sa façon de faire l'amour) et l'orgueil d'être précisément l'amant de cette femme parce qu'il incarne l'autorité. Du conflit naît le meurtre.

Je n'ai rien contre les films engagés mais je préfère, à tout prendre, qu'ils soit pleins de naïveté ; et cette Enquête me semble, à rebours, bien roublarde ; une roublardise qui culmine dans les séquences finales : le Commissaire a été démasqué, tout autant qu'il s'est dénoncé ; mais l'honnêteté, la bienfaisance, l'honneur de l'institution ne doivent pas être mise en doute. Tout rentre dans l'ordre immuable et on peut même parier que, quelque temps plus tard l'anarchiste Pace sera mis en cause pour l'assassinat.

L'esthétique du film me semble être très empreinte de son époque : couleurs, éclairages, plans assez froids et sans doute, précisément un certain abus de gros plans sur le visage de Volonte qui a toutefois l'immense qualité de montrer par une simple inflexion de visage son malaise existentiel. C'est la faute du pouvoir qu'on détient sans limite, dit-il. Voire ; c'est un peu plus compliqué que ça à mon sens.


Répondre

De vincentp, le 7 octobre 2014 à 23:26
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Revu ce soir sur grand écran (après une découverte en 2010 en VO non sous-titrée). Je revois mon précédent avis à la nette hausse. Les qualités de Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto sont innombrables ! Petri et ses collaborateurs égarent le spectateur pour mieux le reprendre l'instant d'après (la fin du récit est une pure merveille en la matière, et de "création cinématographique", d'une façon plus générale). Des éléments sont distillés tout au long du récit pour éclairer les psychologies des personnages, lesquelles appuient la thèse politiquement engagée des auteurs de cette oeuvre. La forme rappelle par instants Blow-up (et Le samouraï ?).

Aspect ultra-réussi : le passage des idées par les dialogues, puis par les images, puis à nouveau par les dialogues, par exemple pour représenter les "chapelles" de la gauche révolutionnaire. Que dire de la succession des plans, tournoyant, virevoltant autour du personnage principal et de son entourage… Evidemment l"interprétation de Gian Maria Volonte est hors-norme… Le mélange d'un propos et d'une mise en scène coup de poing, et d'une finesse d'analyse permanente, qui, sur la durée de l'oeuvre, finit par impressionner (au moins quelques cinéphiles contemporains, et un public admiratif des grandes réussites du cinéma italien).


Répondre
Enquête


De vincentp, le 31 juillet 2008 à 23:03
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Droudrou est en forme… Da Vinci code, un roman sympathique mais qui ne comporte rien de vrai. Tout y est inventé. J'ai vu récemment dans l'église Saint Sulpice que le clergé local avait cru bon rétablir sa vérité (la vérité tout court) pour le pélerin ignare. Jeanne sur le bûcher, c'est une toute autre histoire. Rien ne prouverait que ce fut-elle qui ait été placée sur le bûcher. Elle aurait pu avoir été escamotée avant cette épreuve, d'autant que son sosie est réapparu quelques années après. C'est une énigme à jamais résolue. Et il y en a beaucoup d'autres comme cela…


Répondre

De vincentp, le 31 juillet 2008 à 22:39
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Je m'inscris en faux par rapport à ce qui vient d'être dit. Le Larousse des énigmes historiques énumère comme son nom l'indique les énigmes de l'histoire. Certaines ont été élucidées des années, (voire des siècles) après grâce aux travaux d'historiens (exemple type : le massacre de Katlyn, ou la tentative d'assassinat de Jean-Paul 2). La science (ex : l'ADN) facilite ce travail. A l'autre extrémité, des énigmes à jamais insolubles car trop lointaines dans le temps (ex : la mort vraie ou fausse de Jeanne d'Arc sur le bûcher). La plupart des énigmes historiques qui ont marqué le vingtième siècle ont déjà été ou pourront être résolues. Celles qui ne le sont pas encore, c'est parce que l'on ne souhaite pas qu'elles le soient. Il ne faut pas imaginer des conspirations partout, mais il ne faut pas non plus être naïf. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à être révélées.


Répondre

Installez Firefox
Accueil - Version bas débit

Page générée en 0.0055 s. - 6 requêtes effectuées

Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter