Très beau film, effectivement, de toute une équipe (mise en scène, scénario, interprétation, photographie). Un classique du cinéma italien, qui joue sur une gamme d'éléments comiques et dramatiques : esprit bouffon, humour non-sensique, croisés avec des situations tragiques. Une belle observation des comportements individuels et de groupe. Grand rôle pour Mastroiani, mais aussi pour Annie Girardot et Bernard Blier. La mise en scène de Monicelli est superbe (plans-séquence,…).
Il est bien dommage que les lumineuses interventions d'Arca sur ce film extraordinaire soient éparpillées sur les trois fils de discussion qui en touchent des aspects divers ! On aimerait jubiler avec lui en additionnant les remarques sur le talent de Monicelli et la capacité de la comédie italienne de donner sans cynisme aucun, mais avec une impitoyable lucidité, qui est le seul vrai réalisme, un regard de tendresse à la pauvre humanité.
La brève allusion à Germinal permet de montrer toute la mesure des différences entre le lyrisme exalté (qui n'est pas pour autant médiocre) du film de Claude Berri et celui de Mario Monicelli ; car, Piémont pour Pas-de-Calais, textile pour charbon mis à part, on y retrouve presque exactement la même structure et certaines séquences sont absolument identiques, non dans la façon de filmer mais dans le ressort dramatique (la délégation d'ouvriers timides et impressionnés par le décorum du patronat, l'arrivée des Jaunes, ici les chômeurs de Salluzo, là les mineurs belges, le grondement de la foule devant la troupe, dont la fusillade est déclenchée par un jet de pierre et la panique d'un soldat). Mêmes ressorts dramatiques, et mêmes structures des personnages : Pautasso (Folco Lulli) , brave type à la tête près du bonnet, c'est la même bonne pâte d'homme que Maheu (Gérard Depardieu) et le professeur Sinigaglia (Marcello Mastroianni) vient, avec les mêmes meilleures intentions du monde semer la même révolte et la même mort qu'Étienne Lantier (Renaud) … Bien des ressemblances (bien des différences, aussi, évidemment), mais surtout une autre façon, bien plus subtile, de voir le drame de cette condition ouvrière de la fin du 19ème siècle. Ces masures pitoyables, cette misère noire qui colle la peau, ces travaux interminables et épuisants, cette humanité presque réduite à la bestialité, on les rencontrait dans toute l'Europe industrielle et c'est l'époque où les aspirations à une plus grande dignité humaine se font jour ici et là. Mais cette vie dégradante, on peut la filmer par tous les cheminements : par la noblesse emphatique de l'indignation révolutionnaire, mais aussi tout autant – et mieux – avec ce sourire amical et clairvoyant qu'est celui de Monicelli ; les plus déterminés, les plus courageux ne sont exempts ni de ridicules, ni de faiblesses, les plus raisonnables de petites crapoteries, les plus égoïstes ne manquent pas toujours de générosité… Et quand Raoul (Renato Salvatori) , après la mort de Pautasso (Folco Lulli) écrasé par le train des Jaunes, lance à Sinigalia (Mastroianni) , Un mort, il vous en faudrait tous les jours ! (pour alimenter la révolte), on est tout proche du grand ressort martyrologique qui fait les révolutions…Les acteurs, connus ou moins connus sont extraordinaires et Mastroianni, exalté, ridicule, touchant, sournois, égocentrique tour à tour trouve là un rôle magnifique… La musique de Carlo Rustichelli est d'une très grande subtilité, presque narquoise, par exemple au moment de la mort de Folco Lulli, toujours très adaptée… Et cette chanson révolutionnaire qui ouvre et clôt les génériques de début et de fin ! C'est du grand art… on y trouve presque des résonance de chœurs d'opéras…
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