Tony Chiu-Wai Leung et Yun-fat Chow, deux acteurs aujourd'hui renommés -c'est un euphémisme-, ont débuté logiquement modestement leur carrière il y a une cinquantaine d'années. Découvrir Love Unto Wastes (1986), édité en video par HK Video, était un moyen de mieux connaitre les débuts de carrière de ces deux acteurs talentueux. Au bout de quelques minutes, on trouve le récit plaisant, fluide, coulant de source, les séquences bien construites autour d'une chronique sociale, mettant aux prises un groupe de jeunes gens. Au bout de trente minutes, on s'étonne de la qualité du film dans tous ses compartiments et l'on commence à s'interroger sur le metteur en scène à la baguette. On coupe alors la lecture du film et l'on va se renseigner sur internet. Stanley Kwan ? Inconnu pour ma part, jamais entendu parler. Peut-être éclipsé par d'autres metteurs en scène asiatiques, plus médiatisés en Europe, comme Wong-Kar Waï, Johnnie To ou Hou Hsiao-Hsien.

On reprend la lecture du film et au bout d'une heure, de plus en plus étonné, on prend conscience que Love Unto Wastes est une oeuvre majeure, brillante, passée sous tous les radars ou presque. Vie et mort dans une Chine alternative (Hong-Kong et Taïwan), racontée avec brio, sens de l'analyse et de la synthèse. De l'émotion, de la finesse. Une vision et une forme à la hauteur, en particulier la composition des plans, musique à l'appui. Le ton de comédie cède progressivement le pas à un ton plus sombre, sur la base de psychologies bien étayées, de confrontations d'idées et de caractères. Je ne regrette rien de ma jeunesse -1946- (Akira Kurosawa) est cité. Love Unto Wastes, à condition bien sûr d'avoir quelques appétences pour le cinéma asiatique contemporain, est un film remarquable qui incite logiquement à redécouvrir l'oeuvre de Kwan dans son ensemble. Et qui invite aussi à ne pas se recroqueviller sur des à priori concernant le cinéma dans son ensemble.