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Qualités formelles


De Impétueux, le 13 janvier à 14:09
Note du film : 4/6

Le roman d'Erskine Caldwell, publié en 1933, dans les plus chaudes heures de la Grande dépression (comme, un peu plus tard (1939), Les raisins de la colère de John Steinbeck dont l'adaptation par John Ford date de 1940) fut un immense succès public. On évoque le chiffre de 40 millions d'exemplaires vendus. Succès de scandales, qui a horrifié les Ligues de vertu, mais aussi, et bien entendu, fascination du public pour le monde de violence, de brutalité, de crasse, de sexualité décrit sans retenue : un abîme s'ouvre mais il rejoint la sensation que les habitants des États-Unis, qui voguaient depuis la fin de la guerre de 14 dans des flots de prospérité paradisiaque sont, par la survenue du Jeudi noir du 24 octobre 1929 dans les pires cercles de l'Enfer.

Cela dit, lorsque Anthony Mann adapte le roman de Caldwell, on est en 1958 et la Vertu règne encore sur le cinéma d'Hollywood. Le film a passablement édulcoré le récit féroce de l'écrivain et la pesanteur lourde, glauque, étouffante, omniprésente d'une sexualité animale qui a envahi la pauvre ferme de Georgie presque à l'abandon. Un monomaniaque Ty Ty Walden (Robert Ryan) a entraîné dans sa folie tous les siens et creuse continuellement des trous dans sa propriété espérant y retrouver un trésor qui y a été prétendument enseveli par son grand-père. Ceci au lieu de cultiver normalement la terre pour faire vivre sa famille.

Famille un peu compliquée au demeurant. Veuf, Ty Ty a eu deux filles et trois garçons.

Deux filles : la plus jeune Darling Jill (Fay Spain), célibataire, sexy, un peu nymphomane convoitée par le grotesque Pluto Swint (Buddy Hackett), candidat au poste de shérif du comté ; puis Rosamund (Helen Westcott), mariée avec un rude ouvrier, Will Thomson (Aldo Ray), un mâle violent, brutal, fort en gueule qui exerce une attraction animale sur les femmes ; ouvrier dans une filature de coton, qui vient de fermer ses portes pour ne pas augmenter le salaire de ses employés.

Trois garçons : Buck (Jack Lord) marié à la superbe Griselda (Tina Louise), admirée et désirée par tous les mâles de la contrée et convoitée explicitement par Will Thomson, mari de sa belle-sœur Rosamund, et Shaw (Will Morrow). Enfin Jim Leslie (Lance Fuller) qui vit à la ville dans l'opulence, parce qu'il a épousé une femme riche, désormais morte, qui n'a que mépris pour sa famille d'ouvriers et de cul-terreux mais qui, comme tous, veut posséder Griselda…

On voit là qu'il y a un très profond chaudron de sorcières et qu'il ne faut pas grand chose pour en faire bouillir le venin : stupidité épuisante de la recherche vaine du fameux trésor, jalousie entre mâles, mépris partagés, folie coléreuse de Will Thomson qui s'introduit dans l'usine à l'arrêt et s'y fait abattre et puis désirs, désirs, désirs pour Griselda.

Le roman de Caldwell, cela dit, se termine de façon beaucoup plus sombre que le film de Mann, où tout s'arrange à peu près malgré le sang versé et l'amertume ; mais on peut imaginer qu'Hollywood ait exigé des adaptateurs du roman d'atténuer certaines réalités déprimantes.

Ajoutons que la musique d'Elmer Bernstein est d'une parfaite tenue et que les prises de vue, les paysages de Anthony Mann] sont des plus réussis. Et que Tina Louise est une fille superbe dont on comprend qu'elle enflamme tous ceux qui la rencontrent.


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De vincentp, le 1er août 2012 à 22:31
Note du film : 5/6

4,8/6. Un consensus sans doute pour louer les qualités formelles de cette œuvre de Anthony Mann, et observer un scénario non complètement abouti. Selon IMDB et selon les propos de Jean-Claude Missiaen en supplément du dvd, ce scénario serait l'œuvre de Ben Maddow, auquel Philip Yordan aurait prêté son nom.

Le cinéma américain, comme son homologue européen, est en voie de mutation à la fin des années 1950. Comme par exemple la forêt interdite de Nicholas Ray (réalisé la même année -1958-), God's Little Acre mêle à la fois les éléments d'un récit assez traditionnel des années cinquante et d'autres propres à la modernité –alors en cours d'émergence- des années 1960, ceci au cours de séquences facilement identifiables. L'ensemble ne prend pas très bien. Le thème de la famille se trouve par exemple écartelé entre deux modes de traitements assez dissemblables. Les pulsions muettes de Aldo Ray et Tina Louise face aux coups de colère répétitifs et assez typés années cinquante du fils aîné. Une séquence moderne de bout en bout, et logiquement très réussie : la visite de la famille décontenancée -voir les attitudes du groupe- au sein du domicile du fils qui a réussi socialement.

Très subjectivement, j'ai été surpris par l'interprétation de Tina Louise (actrice qu'il faudrait rajouter au générique de la fiche du film sur dvdtoile). Elle dégage en peu de gestes et de paroles beaucoup de présence, et confère par cette seule présence un caractère très moderne à ce récit. Anthony Mann savait sans aucun doute tirer le maximum du potentiel dramatique de ses actrices…

La forme de God's Little Acre m'a paru tout simplement grandiose. De bout en bout, une qualité des plans exceptionnelle (que la qualité de l'édition du dvd édité par Wild side met en évidence). J'ai par exemple été soufflé par le travelling de la 13° minute suivi à la 14° minute d'une contre-plongée de deux secondes sur deux des personnages principaux (Robert Ryan et Buddy Hackett), suivie d'une vue de dos d'une quinzaine de secondes de Robert Ryan (son champ troué en arrière-plan), suivie d'une plongée de cinq secondes sur les deux mêmes protagonistes. Les personnages sont examinés sous toutes les coutures, au sein de leur environnement. La mise en scène porte leurs faits et gestes, discours et idées, et propulse le récit en avant à la vitesse nécessaire, associant le spectateur au plus près de ses développements. Un côté magistral de mise en scène traverse cette œuvre, qui est à voir absolument, malgré son scénario en demi-teinte.


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