On réévaluera sûrement, à sa mort, qui ne saurait tarder (il a 86 ans), le cinéma de Georges Lautner qui eut un immense succès mais qui fut vilipendé, méprisé, insulté par tout ce que la production française compte de prescripteurs et de têtes pensantes. On rappellera les films avec Belmondo
(Flic ou voyou,
Le guignolo,
Le professionnel)
ou avec Delon
(Les seins de glace,
Mort d'un pourri)
et naturellement avec Mireille Darc,
qui, à elle seule aura symbolisé la liberté de la fin des années soixante (Galia,
La grande sauterelle,
Fleur d'oseille
et bien d'autres…).
Mais naturellement, on devra revenir au meilleur, ce pourquoi Lautner restera : l'introduction de l'insensé dans le cinéma français de comédie ; je n'écris pas le burlesque, le terme semblant réservé à ce genre bizarre imité du muet illustré (?) par le muet Pierre Etaix.
L'insensé, c'est l'alliance entre la folie des situations et la subtilité outrancière des dialogues ; ceux de Michel Audiard
dans Les tontons flingueurs
et Les barbouzes,
ceux de Jacques Robert dans la série engagée avec Le monocle noir,
qui s'achève, malheureusement, avec le chef-d'œuvre du genre, Le monocle rit jaune.
Situations délicieuses tournées avec des bouts de ficelle (Lautner raconte assez drôlement le tournage dans le supplément du DVD) et dialogues exceptionnels, dits par un Meurisse
sublime ; ainsi le propos du commandant Dromard avec cette fière allure parfaitement décalée, déjà rodée dans les deux premiers opus de la série, à l'arrivée dans la baie de Hong Kong, le propos qu'il tient à son fidèle compagnon, le sergent Poussin (Robert Dalban)
: Sentez-vous le parfum des alizés qui vous apportent les douces senteurs de l'Empire du Milieu ? Entendez-vous le tintinnabulement des porcelaines Ming dans des palais verdoyants où des mandarins laissent s'écouler le temps paisible en compagnie de concubines lascives ?. Comment résister ? Et comment résister au grand moment du discours funéraire déclamé par Meurisse
en imitation des vastes périodes de Bossuet ?
J'ai dit tout le bien que je pensais de Paul Meurisse, séduisant, délicieux, flegmatique, lunaire, irrésistible. Une mention à l'immortel Dalio
qui, en plus, interprète un personnage merveilleux de petit Juif de ghetto polonais qui a trouvé en France sa vraie patrie, l'a libérée, a traqué le Boche jusqu'à Berlin, s'est engagé et s'est battu à Dien-Bien-Phu, puis a servi son pays d'adoption en traficotant dans l'import-export aux portes de la vaste Chine. Belle émotion quand, tué dans un combat qu'on voyait bouffon, son camarade de combat Dalban
le salue d'un Au revoir, petit Normand qui touche vraiment juste.
La France décide, pour sauver le monde de l'emprise de pacifistes frénétiques, d'agir seule, sans la paralysante approbation de l'O.N.U. La Chine ressemble à ce qu'elle aurait dû rester : celle de Tintin et du Lotus bleu ; entrelacs des rues, des passages ombreux et des jonques ; celle des tandems, des pousse-pousse, des fumeries d'opium.
Bref, nous avons beaucoup perdu à la mondialisation
Dans la très excellente série "Empreintes" que diffuse France 5, le dernier opus était consacré, la semaine dernière, à Georges Lautner.
Audiard, en 1970 écrit :'- Dans l'aréopage de connards qui ont dressé la liste des meilleurs films Français, pas un n'a cité Lautner. Pourquoi ?-" Et Lautner
nous raconte que le premier Monocle, Le monocle noir,
faillit ne jamais voir le jour. En effet, une fois le tournage terminé, le distributeur trouva que bien des scènes devaient être refaites. Le producteur refusa par manque de moyens. Le film fut donc mis de côté et oublié. Un jour, un 15 Août très exactement, une salle manquant de film décida de le projeter. Ce fut un triomphe ! Lequel entraîna le tournage des deux autres Monocles
avec de larges moyens.
PS: Avoir 86 ans ne me parait pas être une raison suffisante pour mourir.
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