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Forum : Le Narcisse noir

Sujet : Narcisse noir


De vincentp, le 12 mai 2006 à 21:46
Note du film : Chef-d'Oeuvre

"Narcisse noir" est un film magnifique et hautement sensuel. Il faut beaucoup de courage à Deborah Kerr, Mère supérieure d'une communauté religieuse, pour résister aux charmes virils de l'excellent acteur anglais David Farrar. Commentant son film, William Powell explique à ce sujet avoir voulu charger d'érotisme le moindre des plans.

Ce film est étonnant, car surfant sur plusieurs vagues en même temps : la fresque d'aventure exotique, le drame psychologique typiquement européen, voire le film d'horreur. Il nous plonge dans les sombres méandres de l'âme humaine, développant un maelstrom étonnant de passions et de sentiments exacerbés. Très belle intégration dans ce film des possibilités offertes par la bande sonore (bruit du vent, respirations, palpitations du coeur). Magnifiques compositions visuelles (décors, costumes, acteurs) à dominantes bleues, vertes, rouges ou brunes, en phase avec les thèmes abordés.

De plus, certains moments sont de toute beauté, en particulier les visions de Deborah Kerr, qui se remémore son passé. La caméra est ici un instrument qui produit de l'émotion à l'état brut, faisant corps avec l'héroïne, virevoltant avec elle ou au contraire l'accompagnant avec délicatesse dans de subtils déplacements. Du grand art !

Complexe et subtil, ce film ouvre la voie à de multiples interprétations. Nombre d'images renvoyant à plusieurs idées possibles, l'assemblage de ces idées (qui donne de fait le sens du film) est fonction de la sensibilité de chacun. Peut-être convient-il de se référer au titre du film pour en dégager le sens qu'a voulu lui donner son auteur : "Narcisse noir", nom du parfum du prince qui séduit la jolie et pauvre indienne, mais aussi élément métaphorique d'une histoire qui tend à démontrer que le ressort absolu et ultime de l'activité humaine est celui des sens et des passions. Allié à une bonne dose d'irrationalité, cet élément tend à submerger par sa force, toute tentative de quête spirituelle ainsi que sa traduction matérielle possible, l'aide en faveur des plus démunis.


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De Gaulhenrix, le 19 octobre 2007 à 23:15

Décidément, vincentp, votre façon exemplaire (12 mai 2006) d'évoquer les films donne une furieuse envie de les voir !


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De DelaNuit, le 21 octobre 2007 à 18:00
Note du film : Chef-d'Oeuvre

A noter : le roman de Mme Rumer Godden (1908-1998)"Narcisse Noir" ayant inspiré le film (lequel s'en montre très proche) a été édité en 2006 par "actes sud / aventures".

Une autre façon d'approcher "ce lieu perdu à ras de falaise, ces murs entre lesquels le vent d'altitude gémit, et des terrasses d'où l'on voit l'Himalaya dans le déploiement de ses chaînes enneigées.

Sous un arbre proche, un vieux sage hindouiste immobile médite sur l'intemporalité des choses et ajoute une part de trouble dans les âmes chrétiennes pour le moins perplexes. On leur a prédit qu'elles ne résisteraient pas un an à l'atmosphère permanente de paganisme, de sensualité et d'inquiétude. Leur foi ardente paraît bien mince face à des montagnes trop grandes pour une religion occidentale."

Soulignons au passage le superbe travail de restauration du film pour son édition dvd, et le livret fort intéressant. En revanche, quel dommage dans cette collection de snober la VF, qui existe pourtant, et de ne fournir qu'une VO ST.

Ainsi, les personnes (âgées pas exemple) qui auraient aimé (re)voir le film mais dont les yeux se fatiguent à regarder les sous-titre et l'image en même temps y renoncent, et ceux qui ne sont habitués qu'à des films récents et commerciaux, mais qui, sur le conseil d'amis, se seraient laissés tentés à regarder un "vieux film" déclarent forfait.

C'est ainsi qu'au lieu de diffuser la culture petit à petit en se mettant à portée des gens, on la cantonne à un cénacle de cinéphiles déjà acquis. Dommage vraiment ! Il faut croire que certains éditeurs sont tellement riches qu'ils ne se préoccupent guère de vendre ! ?


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De droudrou, le 21 octobre 2007 à 20:01

On revient au problème déjà cité sur ce même sujet, Laurent. Qui décide de transférer un film sur un support DVD et comment se préparent et se déroulent les informations ? Je me pose de plus en plus la question de savoir si, sur ce type de sujet, DVD Toile n'aurait un rôle consultatif à jouer… J'en parle par rapport à mon expérience professionnelle que j'élargis là à la notion de loisirs.


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De PM Jarriq, le 23 avril 2009 à 10:10

Jack Cardiff, génial directeur de la photo du Narcisse noir, de African Queen, La comtesse aux pieds nus, jusqu'à Rambo, vient de mourir, à l'âge de 94 ans. Beau parcours.


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De DelaNuit, le 23 avril 2009 à 18:29
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Et aussi Les chaussons rouges, Les amants du Capricorne, La rose noire, Les drakkars

Ava Gardner adorait Jack Cardiff, qui savait la magnifier mieux que tout autre, notamment dans La comtesse aux pieds nus et Pandora. Il raconte lui même à propos de sa rencontre avec Ava pour ce film :

"Ava Gardner m'a accueilli chaleureusement lors de notre première rencontre dans sa suite de l'hôtel Savoy. Et ses premiers mots ont été : "Jack, je me fais une joie de travailler avec vous – il faut faire très attention à la façon dont vous m'éclairez quand j'ai mes règles." Je l'ai assurée avec gravité de ma vigilance dans ces circonstances particulières. On a parlé maquillage, et puis elle m'a montré des croquis de costumes pour le film. Comme la presse ne cessait de le répéter, elle était en effet l'une des plus belles femmes du monde. Elle se déplaçait avec une souplesse féline, faisant jouer chaque parcelle de son superbe corp, ainsi que Hollywood lui avait appris à le faire ; elle avait la voix basse et rauque qui sied à un sex-symbol. Mais au-delà de cette façade, c'était une femme ordinaire, gentille, qui sans la poseuse majesté hollywoodienne des stars, aurait été une ménagère américaine comme une autre, faisant juste se retourner quelques têtes en se promenant dans la rue principale de quelque ville du Midle West."

Puis il se souvient des difficulté à tourner les scènes de Pandora sur la plage à Tossa del Mar, sur la côte est de l'Espagne, où la lumière aveuglante du soleil faisait pleurer Ava et son partenaire James Mason. Dur dur de tourner en "nuit américaine" c'est à dire en plein jour une scène d'amour nocturne au clair de lune ! Utilisation de lampes et réflecteurs ainsi que d'immense dais de tulle noir au dessus des acteurs, et même pulvérisation de peinture sur le sable ! Sans parler du grondement des vagues rendant inaudibles les paroles des acteurs… "Pour finir, on a limité le tournage aux plans larges et réservé les gros plans pour le studio."


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De florianep, le 19 juin 2009 à 09:19
Note du film : 6/6

Sublime film, l'édition dvd zone 2 existante du film est de grande qualité. Seul problême, aucune version française. J'attend donc une prochaine édition en espérent que les éditeurs y ajouterons une version Française.


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De vincentp, le 19 juin 2009 à 21:52
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Il manque une piste sonore française ? Souvent cette absence s'explique par le fait que le film n'a pas été distribué en France lors de sa sortie en salles.

Si vous avez aimé ce film, effectivement magnifique (et très moderne), vous aimerez également Gone to earth des mêmes auteurs, dans la version qui est ressortie en 2005, et que j'avais eu la chance de voir en marge du festival d'Amiens (qui suivait, je crois, une ressortie en salles lors du festival de La Rochelle).

Editeur Carlotta : vite une réédition de la renarde !


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De DelaNuit, le 20 juin 2009 à 20:50
Note du film : Chef-d'Oeuvre

La piste française existe, le film est passé à plusieurs reprises à la télévision en VF d'époque. Quant à La Renarde, elle mérite aussi un dvd, sans conteste !


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De Impétueux, le 8 août 2011 à 15:53
Note du film : 3/6

Comment se fait-il qu'on puisse avoir un tel talent de prise de vue, utiliser une photographie aussi somptueuse, réaliser un film dont bon nombre d'images sont aussi magnifiques et les apposer sur des personnages aussi creux et une histoire aussi simpliste ?

En deçà du fameux Colonel Blimp, à qui j'avais trouvé assez de mérites pour lui donner un 4 qui est au dessus de la moyenne, je n'ai pas pour Le narcisse noir plus d'intérêt que pour Les chaussons rouges : les mondes décrits me paraissent totalement artificiels et complètement dénués d'épaisseur et les scénarios me semblent d'un baroque excentrique, à la limite du burlesque, voire du grotesque (limite quelquefois inférieure – les comportements de la servante-concierge Ayah – May Hallatt). On a l'impression que les religieuses ne savent pas ce qu'elles font sur ces terres désolées de l'Himalaya, que les Hindous errent comme des yacks ahuris sur le toit du monde, et que Mr. Dean (David Farrar) – homme d'affaire ? régisseur ? factotum ? de qui et de quoi ? – signe une publicité pour un magazine culturiste des années Cinquante.

Il n'y a pas la moindre goutte d'émotion, de sensibilité, de gaité ou de tristesse ; il y a des images magnifiquement léchées, tellement bien léchées, d'ailleurs, avec leurs à-pics vertigineux et leur côté de carte postale touristique, qu'elles finissent par ne plus susciter que l'ennui poli qu'on ressent devant les documentaires de Connaissance du Monde ; il y a une perpétuelle recherche de l'image rare, composée, raffinée au delà du raisonnable et qui sonne creux, tant on n'arrive pas une seule seconde à s'intéresser aux états d'âme de personnages en carton peint.

J'exagère : il y a une fort jolie scène, assez sensuelle et bien venue, celle où la petite gourgandine Kanchi (Jean Simmons), au sourire qui devrait bien damner le Saint Homme qui prend racine, tel le lotus odoriférant, au beau milieu de la propriété, celle où la drôlesse, donc, engage une danse rituelle au demeurant bien courte ; mais ça ne vaut tout de même pas, loin de là, les voluptés données par Debra Paget dans Le tigre du Bengale et Le tombeau hindou.

Le narcisse noir, s'il ne prétendait être autre chose qu'un roman-photo à situations mélodramatiques et n'envisageait de se hausser ainsi du col pourrait apparaître comme une de ces raretés un peu désuètes du cinéma britannique d'antan. L'Himalaya, l'Inde fascinante, les nonnes et les précipices qu'elles côtoient au propre comme au figuré, le bel aventurier au cœur sensible et à l'apparence brutale (curieusement juché assez souvent sur un poney tressautant qui le rend parfaitement ridicule, et en tout cas lui ôte tout caractère vénéneux), le combat de deux femmes, dont l'une renonce à sa vocation, pour l'amour du Mâle dominant, et la mort atroce de la vilaine, le départ résigné sous la pluie de mousson qui éclate pile-poil comme il fallait, tout cela fait partie des ingrédients des romans à l'eau de rose dont raffolent nos amis d'Outre-Manche.

Mais de là à lui donner tant d'importance ! Bon ; il me reste à voir 49e parallèle qui est le quatrième et dernier film du coffret que j'ai hérité. Après quoi je prendrai congé, sans doute définitivement, avec ce farceur de Michael Powell.


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De vincentp, le 11 mars 2012 à 20:12
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Celle de la difficulté à (ré)concilier le corps et l'âme, de l'existence d'une puissance inexprimable à laquelle on ne peut résister.

Thème également traversant Gone to earth ou d'autres films du duo Pressburger-Powell. Contrairement à Alholg, je pense que l'intérêt majeur de ce film réside au moins autant dans son fond que sa forme. Ce film est ambitieux, et traite tout un tas de sujets, en suggérant des idées, lesquelles émergeront de chaque spectateur, selon sa sensibilité, sa culture. Beaucoup de plans sur des regards muets, susceptibles d'être interprétés par le spectateur à sa guise. Chacun verra le film d'une façon différente, un peu comme pour les derniers films de David Lynch. Mais la forme de Black narcissus est grandiose également (les plans, le rythme, la gestion de la couleur). De mon point de vue (non-partagé semble-t-il sur ce forum) l'archétype du chef d'œuvre, qu'il faut avoir vu, si possible maintenant en blu-ray (qui doit magnifier la forme de l'œuvre).

Je précise que j'ai eu la chance de découvrir en partie l'œuvre de Powell-Pressburger lors d'une rétro qui leur était consacré à Lille fin 2005 ou début 2006. Ceci permet de rentrer en douceur dans une œuvre, certes magnifique mais qui n'est pas facile d'accès. Certains cinéastes comme Hawks sont très faciles d'accès, d'autres non. Il faut donc être vigilant sur ce point, et être prudent avant de formuler un jugement de valeur concernant les films du duo Powell-Pressburger.


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De JIPI, le 23 juillet 2014 à 09:20
Note du film : 6/6

Certaines images de cet opus sensuel et procédurier sont d'un esthétisme magnifique.

Des couleurs grandioses tissées dans des perspectives vertigineuses sur un site isolé, froid et venteux domicile temporaire de toute une évacuation sensorielle impossible à comprimer malgré la parole donnée.


Être religieuse et investie ne peut empêcher un esprit d'endormir un sensitif virulent.

L'isolement et l'attrait de la mission s'évapore vite devant un besoin d'exister basé sur la dominance, la jalousie, la volupté et la convoitise.

Un film étrange et surprenant sur la solitude, mère d'un désir menant vers la folie ou la réminiscence des souvenirs des esprits privés d'indépendances pensives.

Le rejet ou l'énorme difficulté de porter un uniforme thématique consumant par ses contraintes toutes les passions interdites.



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