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Forum : 8 femmes

Sujet : Critique


De dumbledore

Quand un réalisateur décide de s'attaquer à une pièce de théâtre, une frousse apparaît toujours, celle de faire du « théâtre filmé ». Le spectre de « Au théâtre, ce soir » plane, et l'on essaye d'aérer, de changer les décors, de jouer sur le temps et le montage parallèle se révèle souvent comme la solution idéale. L'intelligence d'Ozon est de se dire « Finalement, on s'en fout ! » et là résident la force et l'intérêt de son film. Ce théâtre à fuir au cinéma, il l'assume, et s'en amuse nous offrant ainsi 20 minutes sublimes de film. Car loin de « dé-théatraliser » la pièce, Ozon, au contraire joue encore plus le théâtre. Il « sur théâtralise », par sa mise en scène, son cadre. Ainsi, le plus souvent, on a droit à des plans larges faisant « scène », avec ses comédiennes qui sur-jouent, affichant des expressions dignes de la commedia dell'arte. Ludivine dans la petite peste, Catherine la poseuse, Isabelle la névrosée, Fanny la liberée, etc. Les mouvements des personnages sont lourds et artificiels (la manière dont Ledoyen bouge, à petits pas). C'est drôle, c'est efficace, on sourit, on s'amuse, on est au spectacle où le vaudeville est assumé et on se prend à rêver que tout le film sera de ce niveau …

Malheureusement, Ozon cède à la tentation du sérieux. A mesure que l'on entre dans l'intrigue, le réalisateur échoue contre un écueil, contre un dilemne en fait. Il tente d'un côté de sortir une critique de la société bourgeoise (un des personnage est frigide, l'autre névrosée, l'autre assassin, l'autre homosexuelle refoulée, etc) et en même temps de donner leurs raisons à ses personnages. Du coup, cela devient un peu lourd et même si on reste dans la comédie, cela n'a pas la fraîcheur du début.

Se dire que le film a pour but finalement de critiquer la société bourgeoise est un peu fatiguant ! Il serait tout de même bon que les réalisateurs « pseudo-canal » notamment, se rendent compte que cette dénonciation est inutile depuis longtemps. Depuis les années 60. Si sous De Gaulle, Pompidou, ou bien Giscard, tenir un discours anti-bourgeois avait un sens, le tenir maintenant, c'est enfoncer des portes ouvertes. Le problème n'est plus là, loin de là…

D'autant qu'Ozon n'en est pas à sa première tentative. Sitcom reprenait cette critique basique et simpliste avec quasiment le même principe (une famille bourgeoise sombre peu à peu alors que la haine, les frustrations, les a priori réapparaissent). Il y avait alors moins d'humour et plus de perversité, mais le discours était déjà le même, vieillot.

L'autre petit défaut de ce film est qu'au sortir de la projection, on a l'impression d'avoir vu plein d'éléments venus d'ailleurs, dans d'autres films : le générique sur les fleurs rappelle celui de Women de Cukor, la musique est celle des films d'Hitchcock, le principe de l'histoire vient de Mankiewicz (Guêpier pour trois abeilles, sauf qu'ici, les abeilles sont huit !), les intermèdes des chansons viennent de On connaît la chanson, etc. Seulement, et à la décharge d'Ozon, ces références sont reconnues et assimilées à l'humour du récit, à l'inverse d'un film sans âme comme Le Pacte des Loups

On décernera au passage un chapeau bas pour la performance d'Isabelle Huppert et de Ludivine Sagnier. On pourrait parier que cette dernière aura droit à une éblouissante carrière, mais de telles prédictions seraient là aussi enfoncer des portes ouvertes…


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De Patrice Dargenton, le 14 juin 2003 à 23:18
Note du film : 5/6

Ce huis-clos n'est pas excessivement passionnant, mais il est esthétique et poétique, particulièrement Isabelle Huppert qui, comme chacune des 8 femmes, offre une brève prestation de chanteuse en ajoutant, grâce à une émouvante chorégraphie, la dimension artistique d'actrice à la simple interprétation musicale. S'il devait y avoir une raison d'être de ce film, ce serait ce seul passage, qui finalement est assez représentatif, je pense, de l'ambition artistique du film.Patrice Dargenton (Mon site)


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De Impétueux, le 7 juin 2008 à 17:35
Note du film : 4/6

Ludivine Sagnier : Papa, t'es plus dans le coup, que chantait Sheila
Virginie Ledoyen : Mon amour, mon ami, que chantait Marie Laforêt
Emmanuelle Béart : Pile ou face, que chantait Corinne Charby
Fanny Ardant : A quoi sert de vivre libre, que chantait Nicoletta
Catherine Deneuve : Toi jamais, que chantait Sylvie Vartan
Firmine Richard : Pour ne pas vivre seule, que chantait Dalida
Danielle Darrieux : Il n'y a pas d'amour heureux, poème de Louis Aragon, mis en musique par Georges Brassens.

Et, bien sûr, Message personnel de Françoise Hardy, chanté dans le film par Isabelle Huppert.


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De Impétueux, le 22 octobre 2011 à 17:56
Note du film : 4/6

Dix ans après qu'est ce qui reste de 8 femmes, qui a connu un grand succès, qui a ouvert des controverses, que j'avais beaucoup aimé à l'époque et que j'aime plutôt moins aujourd'hui ? Qu'est-ce qui reste de cet habile rassemblement de huit actrices, d'une théâtralité éprouvée, aux images colorées, aux rebondissements invraisemblables ?

Qu'est-ce qui reste, d'ailleurs de François Ozon, à qui l'on a cru un temps, que l'on a pris pour un esprit original et talentueux, et qui l'est peut-être, d'ailleurs ? En quatre ans Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, Sous le sable, 8 femmes, Swimming pool, tous films qui, à des degrés divers, sont intéressants et davantage.

Puis plus rien. En tout cas rien qui accroche. En ce moment passe et repasse sur les multiples diffusions de Canal+ et de ses annexes Potiche, qui a eu, je crois, en salle, un certain succès, paraît assez bien fonctionner, grâce à Catherine Deneuve et Fabrice Luchini et qui est l'adaptation d'une pièce de boulevard de Barillet et Grédy.

De la même façon que 8 femmes était une adaptation de Robert Thomas ; c'est peut-être là un truc qui fonctionne, et Ozon devrait aller revisiter les comédies des années 50 et 60, Boeing-Boeing ou Noix de coco, qui ont fait l'objet de films souvent affligeants. Je ne plaisante qu'à demi : après tout les recettes éprouvées donnent de la cuisine consommable.

Mais il me semble qu'il y avait un peu plus d'ambition narquoise, à un degré supérieur, dans 8 femmes, avec une distance bienvenue, remarquablement bien évoquée ci-dessus par Dumbledore : puisqu'on filme une pièce du théâtre le plus ringard, le plus prévisible, le plus appuyé, le plus empli d'audaces sociétales qui devaient faire frissonner le spectateur de 1958, date où fut créée la pièce (homosexualité féminine, inceste), le plus caricatural qui se puisse, autant y aller jusqu'au bout !

Il y a tout de même de drôles de crapauds dans le chaudron de la sorcière, dit quelque part l'excellent Léon Daudet ; les crapauds femelles de 8 femmes représentent une telle collection de haines recuites, d'hypocrisies mauvaises, de frustrations lourdes, de manigances rancies. Au point que, comme le souligne notre distingué (tout autant que regretté Dumbledore), on se lasse du film avant d'en avoir atteint la moitié ; la révélation finale ainsi que la sorte de ballet dansé par les quatre couples féminins avant qu'ils se présentent alignés sur le devant de la scène, comme au théâtre, confinent même au peu supportable.

Le film a fait une partie de sa notoriété sur l'insertion de chansons, qui arrivent sans queue ni tête, mais avec une bien plus grande pertinence que dans le médiocrissime On connaît la chanson du médiocrissime Alain Resnais ; toutes ne sont pas idéalement chantées, ou idéalement choisies ; il me coûte beaucoup de devoir avouer que ma chère, si chère Danielle Darrieux est assez ridicule, malgré sa belle voix juste ; mais aussi, quelle idée idiote a eue Ozon de faire intervenir le beau texte grave d'Aragon, Il n'y a pas d'amour heureux dans un film qui aurait dû rester dans le registre de la comédie de mœurs, même s'il se termine par un suicide !

J'ai à nouveau apprécié les prestations vocales et la mise en situation de Mmes Isabelle Huppert, Fanny Ardant, Emmanuelle Béart ; davantage encore celle de Ludivine Sagnier (scène irrésistible où elle est entourée de Catherine Deneuve et de Virginie Ledoyen swingueuses).


Mais bon ; au fur et à mesure qu'elle avance, la machine s'embourbe.


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