Les années n'ont fait que rendre ce polar encore plus bizarre et atypique. Sur un scénario de Sébastien Japrisot, à la fois simpliste et alambiqué, "Adieu l'ami
" trouve l'essentiel de son intérêt dans le huis-clos de 3/4 d'heures qui fait son originalité. Enfermés dans une salle de coffre sans air, un soir de Noël, deux anciens légionnaires vont s'affronter, puis s'allier pour en sortir. Le dialogue très abondant finit par nuire au film, d'autant qu'il est écrit dans un style littéraire qui sied mal à Bronson,
visiblement pas francophone. Il y a néanmoins dans ce film une ambiance particulière, une peur du modernisme désuète et touchante (les tours de la Défense, les employés de bureau déshumanisés, les flics robotisés, etc.) et surtout la confrontation de deux univers : le samouraï de Melville face à un des "Sept mercenaires
". Egalement félins, physiques, cyniques, les deux acteurs accusent une certaine parenté et créent un duo improbable mais intrigant, qui soutient le film, même s'ils sont séparés trop tôt par la construction scénaristique. De Delon,
Bronson passe ensuite à un face à face avec l'excellent Bernard Fresson,
remarquable en flic brutal et réglo. Les coiffures et tenues vestimentaires des vedettes féminines empêchent hélas, qu'on les prenne encore au sérieux.
Gros succès à sa sortie, "Adieu l'ami" est aujourd'hui un film longuet et bavard, témoin de l'évolution du décor parisien et permettant à un second couteau hollywoodien d'accéder au vedettariat, via l'Europe. Bronson devait enchaîner avec "Il était une fois dans l'Ouest
". Son incursion française suivante avec la même équipe de production ("Le passager de la pluie
") sera infiniment plus concluante. Mais aussi, Jean Herman – futur Goncourt sous le pseudo de Jean Vautrin – n'est pas René Clément.
A noter que la longue bagarre des deux acteurs, torse nu, en sueur, frappant jusqu'à épuisement, évoque celle de "Women in love" avec Alan Bates et Oliver Reed,
les sous-entendus homosexuels en moins. Quoique…
Ce ne sont donc pas les pantalons pattes d'eph', les rouflaquettes et les cravates larges qui démodent un film et le rendent quelquefois presque ridicule : c'est l'invraisemblance des caractères, la complexité chichiteuse de l'histoire, le jeu caricatural (parce que faux) des acteurs : autrement dit – et quel que soit le succès public immédiat de la production – ce sont des défauts intrinsèques, structurels et irrattrapables : le ver est largement dans le fruit dès l'écriture du scénario.
J'aurais naturellement tendance à mettre sur le dos de ma bête noire habituelle Sébastien Japrisot les travers ridicules du film de Jean Herman
; mais n'oublions pas que celui-ci – sous le nom de Jean Vautrin, comme il nous est rappelé opportunément, est également le scénariste de Rue barbare
et de Canicule,
c'est-à-dire deux des oeuvres les plus boursouflées qu'on ait jamais vues au cinéma (mais de temps en temps, comme ailleurs, la boursouflure, l'excès, la démesure aboutissent à l'art grotesque – au sens des décors extravagants inspirés de l'Antique que l'on trouve dans l'Italie renaissante – ce qui conduit à une sorte de beauté monstrueuse et bizarre).
Enfin ! C'est mal foutu, inutilement compliqué, avec des pistes qui se perdent dans les sables (qu'est-ce que c'est que cette camarilla de richards sadiques devant qui Bronson exhibe une de ses conquêtes ?), historiquement irréaliste (le débarquement des paras – aux cheveux bien trop longs, soit dit en passant :Il y avait encore alors une Armée française, Monsieur !!), tartignole et grand-guignolesque (le massacre final des deux femmes)…
Reste, outre le mythe, la superbe musique de François de Roubaix ; mais celui-là n'a jamais raté grand chose…
Assez amusant de reprendre la lecture des divers messages déposés par les uns et les autres sur le forum.
Depuis l'avènement du parlant, il serait intéressant de refaire une liste par genre et par origine des films qui ont marqué (ou n'ont pas marqué) une époque. Pour éviter les multiplications inutiles, disons 10 titres par année ce qui nous amène quand même à 100 titres par décennie, ce qui est beaucoup.
On serait surpris de l'évolution des crus… Et par le même temps, voir comment les nouvelles générations les reçoivent…
Cher Impétueux, vous avez raison sur tous vos points de critique concernant Adieu l'ami, et nous avions eu à peu de choses près la même discussion sur Le passager de la pluie
et La course du lièvre à travers les champs.
Oui, Japrisot
est bavard, illogique, alambiqué, parfois incompréhensible, mais je trouve touchant qu'il ait toujours cherché à élever son matériau de base (des bêtes polars des sixties) vers… autre chose. Quoi ? Telle est la question ! Mais quand on voit les films policiers lambda de l'époque (les films de Hossein
par exemple, les Eddie Constantine
pas si lointains, les nanars de Sergio Gobbi, etc.), on peut se montrer indulgent avec les tentatives plus ou moins avortées de Japrisot.
Il est vrai que concernant Adieu l'ami,
la BO de De Roubaix
est pour beaucoup dans le plaisir qu'on peut encore y prendre.
Vous n'avez pas tort, PMJarriq, d'insister sur l'ambition de Japrisot et c'est une discussion que nous reprenons toujours avec vigueur – mais connivence ! – et moins tort encore de dauber sur le paysage sinistré du polar français des années Soixante-Dix. Cela dit, il y avait beaucoup de films fauchés, tournés avec deux bouts de ficelle, alors que les adaptations de Japrisot
réunissaient ce qu'il y avait de mieux, et de mieux payé dans le cinéma de l'époque…
Il va aussi de soi que l'on peut évidemment n'être pas d'accord, vous et moi, sur le style des histoires japrisiennes qui me paraissent toujours, pour ma part, trop ingénieuses et trop bien huilées pour m'intéresser…
Film décevant malgré de bonnes séquences et des qualités indéniables.
Sur le plan esthétique le film apparaît assez vieillot notamment une photographie qui n'est pas aussi belle que l'image de Henri Decae pour les films de Melville ou de Clément.
Le choix des décors et des costumes laisse également à désirer. On voit que ce sont les années Courrèges jusqu'à l'excès.. Pas mal de couleurs roses, brunes abondent dans le film mais il faut dire, comme le dit Jean Herman
dans l'interview bonus du dvd que faire un film à petit budget avec deux grandes vedettes, c'est pas de la tarte.
Adieu l'ami est un film sur l'attente et de fait… le film paraît bien long; avec le Jacques Becker du Trou,
le résultat aurait sans doute été tout autre.
Si certains contributeurs ont mis en cause Sébastien Japrisot
pour le côté filandreux et invraisemblable de l'intrigue, il me semble que Compartiment tueurs,
écrit par le même Japrisot
trois ans auparavant était un film autrement mieux ficelé.
Et puis c'est vrai que les femmes ici sont impliquées dans des séquences ridicules comme le déshabillage de la blonde maîtresse de Franz Propp- Bronson
ou encore la fusillade finale.
Il eût été préférable que Adieu l'ami
reste un film d'hommes tant le personnage de Brigitte Fossey
est insignifiant.
Reste un duo d'acteur entre le nerveux Delon et le nonchalant Bronson
qui ne déçoit guère
Ce dernier vit même sa carrière propulsée par le succès du film alors que la production préférait engager Richard Widmark
et que Delon,
qui voulait une grande vedette à ses côtés, ne souhaitait pas partager l'affiche avec celui qui n'était encore qu'un second rôle.
A ce stade là, Bronson
aurait pu devenir un nouvel Eddie Constantine,
l'acteur américain vedette en France mais il sut gérer sa carrière bien autrement…
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