Troisième et dernier volet de la trilogie consacrée, par les producteurs Charles H. Schneer et Ray Harryhausen, aux aventures de Sinbad le marin, Sinbad et l'oeil du tigre est sorti en 1977, après Le septième voyage de Sinbad (1957) et Le voyage fantastique de Sinbad (1973).

Du strict point de vue artistique, Sinbad et l'oeil du tigre n'est pas loin d'être un ratage complet. L'intrigue, dont la mise en place est particulièrement poussive, se contente de recopier celle de Le septième voyage de Sinbad: le célèbre marin doit voyager et affronter mille dangers afin d'aider une personne, ici le futur calife Kassim, victime de magie noire, à retrouver son aspect humain. La réalisation de Sam Wanamaker est dénuée de tout rythme et de tout style. L'image est d'une laideur parfois étonnante, comme en témoignent certaines transparences indignes d'un film paru la même année que Star Wars. L'interprétation sombre dans la médiocrité. Les producteurs ont confié le rôle de Sinbad à Patrick Wayne, fils du grand John, qui est loin d'avoir le charisme de son paternel. Taryn Power, fille de Tyrone, et même Jane Seymour, doivent se contenter de jouer les potiches. A l'inverse, Margaret Whiting, qui incarne la méchante sorcière Zenobia, cabotine à tout va. Même la musique de Roy Budd fait pâle figure par rapport aux partitions écrites par Bernard Herrmann et Miklos Rosza pour les précédents volets.

Seulement voilà, lorsque l'on visionne un film, il n'y a pas que sa valeur artistique qui compte. Il y a aussi le PLAISIR qu'il vous donne. Malgré ses énormes défauts, ce Sinbad et l'oeil du tigre, dépaysant et sans prétention, m'a davantage diverti que bien des oeuvres plus ambitieuses et plus abouties. Et les cinéphiles qui, comme moi, admirent le travail de Ray Harryhausen, le grand spécialiste des effets spéciaux old school, doivent absolument le visionner. Ce grand créateur de truquages s'en est donné ici à coeur joie tant ses créatures sont ici nombreuses: trois goules, un minotaures en acier, un moustique géant, un morse gigantesque, un troglodyte, et surtout un étonnant babouin entièrement animé image par image et plus sympa que les vrais. A lui tout seul Harryhausen arrive à insuffler la poésie et la magie qui manquaient à ses aventures n'ayant qu'un lointain rapport avec les 1001 nuits originelles.

Par conséquent, Sinbad et l'oeil du tigre est assez paradoxal: c'est sans doute le plus médiocre des films supervisées par Ray Harryhausen mais c'est l'un de ceux que ses fans se doivent absolument de visionner. C'est aussi son avant-dernière production avant Le choc des titans de 1981, ce qui témoigne d'une fin de cycle. En revanche, ceux qui voudraient découvrir le travail de l'un des grands créateurs d'effets spéciaux se rabattront sur Le septième voyage de Sinbad, petite merveille inégalée dans son genre.