Il y a, dans le paysage cinématographique français, de ces acteurs tellement populaires et familiers, si discrets et chers à nos cœurs qu'on en arrive à les oublier dans un coin de notre mémoire aimante. Rien ne peut leur arriver et ils y sont éternels. Victor Lanoux était de ceux-là. Son allure et sa célèbre démarche dégingandée faisaient partie de nos sourires coutumiers. Il jouait à la perfection ses fausses colères et ses vrais chagrins. Du Bouli volage d'Un éléphant ça trompe énormément, à l'ancien para des djebels de Dupont Lajoie en passant par le méfiant docteur Henri Ferret des chiens jusqu'au crasseux Horace de Canicule, il était une posture célèbre, une voix reconnaissable entre mille. Un bon artisan du cinéma populaire. Tellement apprécié, quels que soient les rôles qu'il endossait, qu'il finit par rentrer dans la peau d'un célèbre brocanteur adoré des Français. Comme une signature définitive au bas d'une carrière aussi sobre que magnifique. Il était célèbre parce que simplement talentueux et absent des journaux à scandales. Le cabaret, le théâtre, le cinéma, la télévision ont su reconnaître la valeur de ce merveilleux promoteur de l'art sous toutes ses formes. Et toujours si modestement…

Il s'en est allé notre Bouli… De sa grande démarche un peu désarticulée, il a pris le chemin du ciel. Il a fui la vie, ce grand Bal des casse-pieds. Un moment d'égarement sûrement… Il nous laisse bien tristes. Nadine Mouk