A l'origine, en 1896, les quatre frères Pathé avaient mis en commun leurs économies (8 000 francs chacun) pour créer une société de vente d'appareils phonographiques. Deux des frères ayant abandonné, ce seront Charles et Emile Pathé qui vont promouvoir ce qui va devenir la plus grosse société de phonographie puis de cinéma du monde. Le principal artisan du succès de l'activité cinématographique est Charles Pathé qui avait aidé à l'ouverture d'un magasin de gramophones en 1894 et par la suite implanté une fabrique de phonographes à Chatou dans la banlieue ouest de Paris. Son succès industriel amorcé, il entrevoit les opportunités offertes par les nouveaux divertissements et tout particulièrement par l'industrie balbutiante du cinéma. Ayant pris la décision d'étendre les activités de son entreprise à la fabrication de matériel pour le cinéma, Charles Pathé préside à la croissance rapide de sa société. Il reçoit le concours décisif d'un investisseur, Grivolas, qui va apporter un capital d'un million de francs, ce qui permettra l'expansion de la société. A l'origine, simples revendeurs de matériels achetés en Grande-Bretagne, les deux frères vont construire un empire. Les studios de cinéma de Joinville-le-Pont et de Montreuil vont produire un très grand nombre de films sous le label Pathé ou celui de firmes associées (SCAGL, Film d'Art…) qui vont envahir le monde entier. Deux cents succursales ou filiales dans le monde entier sont tenues d'acheter l'intégralité de la production des films Pathé et de les diffuser. A titre d'exemple, la première succursale américaine est tenue d'acheter cent copies de chaque film, ce qui suffit à les amortir. La firme Pathé en France substituera à la vente des copies le système de location, malgré les protestations des forains, qui étaient à l'origine leurs principaux clients. Les frères Pathé vont également encourager la formation de quatre sociétés qui construiront des salles destinées uniquement à la projection de films cinématographiques. Ces salles, baptisées "Pathé", auront l'exclusivité de la production maison qu'elles seront tenues de programmer. Pathé participera au capital de l'une de ces sociétés mais, contrairement à la légende, elle n'acquérera aucune de ces salles. Associé à la société Continsouza, Pathé sera leader dans la production des appareils de projection professionnels, mais aussi dans une première mouture d'appareils de salon (au format réduit de 28 mm), baptisés "Pathé Kok", puis, grâce à la création à Vincennes d'une usine de fabrication de films vierges, il détrônera en Europe le monopole détenu par l'américain George Eastman. Vers 1904, Pathé distribue 30 à 50% des films projetées en Europe et aux Etats-Unis, mais la création de nombreuses firmes nationales en Suède, en Grande-Bretagne, en Italie et surtout aux Etats-Unis va entraîner un déclin relatif. Dans un premier temps, Charles Pathé va s'efforcer de développer ses affaires américaines, y aménager des studios dans le New-Jersey. Il va s'associer pour cela avec le milliardaire Hearst magré la réputation de germanophilie et de gallophobie de celui-ci. En 1918, les frères Pathé se sont convaincus de la suprématie de l'industrie cinématographique américaine et qu'il est illusoire de vouloir s'y opposer. Il s'agit alors de céder dans les meilleures conditions les différentes branches de leur trust. A cet effet, la branche phonographique et l'usine de Chatou sont détachées de l'ensemble et continueront à fonctionner sous la direction d'Emile Pathé, qui abandonne ainsi toute activité dans la branche cinéma. En 1924, Emile Pathé prendra sa retraite et cédera ses intérêts à Marconi : la société s'appellera désormais "Pathé Marconi" bien que Pathé n'ait plus de participation dans l'affaire. La branche cinématographique deviendra "Société Pathé Cinéma" et sera animée par Charles Pathé exclusivement. En 1920, Charles Pathé va céder à une nouvelle société baptisée "Pathé consortium cinéma", mais dans laquelle Pathé s'est gardé d'investir, les studios de Joinville et l'appareil de distibution. En contrepartie la nouvelle société devra verser une redevance de 10% de son chiffre d'affaires, ce qu'elle n'arrivera pas à assurer, d'où des litiges incessants. Charles Pathé va liquider à des conditions que nous connaisons mal les différentes succursales étrangères, notamment la branche américaine baptisée "Pathé Exchange". Il va céder à Eastman la prospère usine de films vierges de Vincennes pour la somme de 150 millions de francs. Cette cession sera présentée comme une collaboration entre Eastman et Pathé, puisque la nouvelle société s'appelle "Kodak-Pathé", mais en réalité la quasi totalité des actions (995.000 sur un milllion) et le pouvoir sont dévolus au trust américain. En même temps qu'il liquide les actifs principaux, Charles Pathé va cependant créer deux activités annexes intéressantes. Il crée en 1922, le Pathé Baby, appareil de format réduit (sur film 9,5 mm) pour les amateurs et qui connaîtra un succès tel que l'usine Continsouza aura du mal à fournir. Charles Pathé ne veut pas investir des fonds importants dans cette activité. Il va donc créer une "Société du Pathé Baby" au capital de 10 millions de francs dans laquelle il participe à hauteur de un million de francs. La nouvelle société est tenue d'acheter exclusivement les bandes positives de format réduit à Pathé Cinéma, ce qui représente des rentrées financières appréciables et sans risques. Dans le même ordre d'idées, Charles Pathé va s'efforcer dès 1923 de promouvoir le Pathé Rural, appareils de projection et films de format réduit (sur film de 17,5 mm) destinés à la petite exploitation rurale et aux salles de patronage et concurrent du film 16 mm qui vient d'apparaître aux États-Unis. Mais comme il n'arrive pas à trouver d'investisseurs, ce projet subit de grands retards. Finalement Charles Pathé se résigne à le lancer lui-même en 1928. En résumé, entre 1918 et 1928, l'Empire Pathé a été démantelé méthodiquement. Comme les différentes branches cédées continuent à s'appeler "Pathé", le public (et curieusement la plupart des historiens du cinéma) ne s'apercevra pas de cette liquidation. Charles Pathé était le "Directeur technique " et incontestablement l'animateur des activités prodigieuses de la firme, mais il ne possédait pas un nombre appréciable d'actions qu'il aurait pu céder. Désireux de se retirer, il fait créer en 1928 50.000 actions "à vote plural" (payées 25 francs) réservées aux cinq memebres du Conseil d'administration. Ces actions à vote plural permettent théoriquement le contrôle de la Société. En 1929, les cinq membres du Conseil d'administration vont vendre pour la somme de cinquante millions de francs les actions qu'ils ont payées un million deux cent cinquante mille francs l'année précédente. L'acquéreur, Bernard Tanenzapf dit Bernard Natan, est peu connu du grand public. Il avait fondé dès 1910 une société cinématographique "Cine-actualités" puis "Rapid-film",entreprise de tirages de films, qui vont connaître une expansion constante. Il avait fait construire dans les locaux de la rue Francoeur deux studios ultramodernes et s'était mis à produire des films sous le nom de "Productions Natan". Bernard Natan, manifestement passionné par le cinéma, va s'efforcer de reconstituer l'Empire Pathé démantelé. 1) Il va acquérir un circuit de plus de 60 salles en France et en Belgique auxquelles il va associer une centaine de salles "associées" qui, selon Charles Pathé, furent la source initiale de pertes importantes. 2) Il va racheter à Sapène la société "Cinéromans", ce qui lui apportera les 7 studios de Joinville et l'appareil de distribution de Pathé Consortium. Il va construire à Joinville deux nouveaux studios, ce qui, joint aux deux studios de la rue Francoeur, lui permet de reprendre la production et la distribution de films. 3) Il va relancer la production de films maintenant "parlants". Pour cela il acquérera le procédé de sonorisation de RKO dont il deviendra le distributeur en France. Il produira ou coproduira plus de cent films entre la fin 1929 et 1935 : Les Croix de bois, Les Misérables, Le Roi des resquilleurs, Amok, L'Équipage, la Croisière jaune (avec André Citroën) etc. 4) Il développera le Pathé Rural, qui deviendra également parlant, la production de films éducatifs et s'efforcera d'être présent dans tous les domaines de l'industrie cinématographique : il va acquérir les brevets "Baird" de télévision et ceux du professeur Henri Chrétien (l'hypergonar, futur cinémascope). Il acquérera la station de radio Vitus-Ile de France. Il va relancer le "Pathé Journal" , créé en 1908 par Pathé et abandonné en 1926 comme peu rentable. Pathé Journal deviendra parlant etc. En résumé en dix huit mois, "Pathé Cinéma", devenu "Pathé Natan" est devenu la plus importante firme cinématographique française, loin devant la GFFA (née de la fusion de Gaumont, Aubert Franco Film et Continsouza). Pour financer ces réalisations, Bernard Natan, va être amené à accepter le concours des banques Conti-Gancel et surtout Bauer & Marchal. Il sera amené à augmenter considérablement le capital de la Société qui passera de 54 millions à 160 millions (dont cinquante ne seront jamais souscrites malgré les promesses des banquiers). Il va créer pour financer l'acquisition des salles cent millions d'obligations (là aussi, il n'y aura que cinquante millions de souscrits). La crise économique, qui ne commencera en France qu'en 1932, et la suprématie des films américains entraîneront la déconfiture de la plupart des sociétés cinématographiques françaises, en premier lieu la GFFA, en faillite dès 1934 avec 300 millions de passif, mais aussi de Osso, Haïk etc. La société américaine Paramount qui avait créé à Saint-Maurice de splendides studios destinés à produire des films dans les différentes langues européennes va cesser son activité avec 200 millions de pertes. Pathé Natan résiste mais subit les contrecoups de la crise, aggravés par une campagne de presse qui débutera dès 1931, campagne de presse violemment xénophobe puis antisémite à partir de 1934. Certains prétendent que ces campagnes sont initiées par un "syndicat" de banquiers et industriels qui désirent acquérir les actifs de Pathé mais aussi de GFFA. Un "syndicat de défense des actionnaires de Pathé Cinéma" créé par un certain Dirler et relayé par le journal "Le Jour" (de Léon Bailby) va entretenir un climat délétère qui entraînera la chute du cours des actions. Finalement un expert est nommé en 1935 par le tribunal de Commerce de Paris. Celui-ci s'empressera de déclarer que la "Société de gérance des Établissements Pathé" (qui possède les salles de cinéma) ne peut pas régler les annuités des obligations, qu'elle est en conséquence déclarée en faillite et par extension la Société Pathé Cinéma qui est caution. Cette décision prononcée le 2 décembre 1935 sera confirmée en appel le 23 juillet 1936. L'arrêt précise que la société est hors d'état d'apurer son passif colossal. En réalité, l'activité de la Société se poursuit normalement (en dehors de la production de films qu'une société déclarée en faillite n'a pas le droit d'assumer). Au bout de deux ans, les syndics publient leur rapport d'activités : ils précisent qu'ils ont pu continuer l'activité sans aucun appel de fonds extérieurs et que les résultats des deux ans d'activités sont bénéficiaires. Les syndics se défaussent alors sur une "Société générale de cinématographie", créée en octobre 1939, qui deviendra le 28 novembre 1940 la "Société d'exploitation des Etablissements Pathé Cinéma". Cette Société qui reprend les actifs est animée par un syndicat de repreneurs constitué par la Société Thomson-Houston, la Compagnie des compteurs, le groupe électrique Mercier, la société Péchiney etc. Celui-ci va se trouver opposé au groupe constitué par Dirler qui a réussi à rassembler un grand nombre de pouvoirs de petits actionnaires. Le syndicat repreneur est soutenu par le gouvernement de Vichy qui craint la mainmise des occupants si le contentieux s'éternise. Le gouvernement de Vichy va même offrir sans aucune contrepartie 125.000 actions Pathé, extorqués au banquier suédois Aschberg au groupe qui a ses préférences. Finalement une solution est trouvée. Une nouvelle expertise indique que l'actif est supérieur au passif et que par conséquent la société se retrouve "in bonis" après avoir réglé le passif avec les indemnités de retard. Une nouvelle société baptisée "Société nouvelle Pathé Cinéma" est créée qui récupérera les actifs. Cette société est dirigée par Adrien Rémaugé, un employé de la Société Thomson-Houston, mais les autres membres du Conseil d'administration sont aussi des employés des différents repreneurs. Rappelons pour mémoire que Bernard Natan et son frère Émile Natan avaient repris dès 1936 sur des bases plus modestes leurs activités dans l'industrie cinématographique. Émile Natan a créé la "Société les Films modernes" qui produisent deux films par an en moyenne (Le Roi, Mayerling etc.). Bernard Natan a acquis la gérance des anciens studios Paramount de Saint-Maurice et assume la coproduction des films tournés dans ces studios. Fin décembre 1938, Bernard Natan est arrêté. Immédiatement une campagne de presse de la presse de droite, mais aussi d'information, stigmatise l'"évadé des ghettos" qui a ruiné l'entreprise initiée par de bons français. Il est condamné à quatre ans de prison, porté à cinq ans en appel, c'est à dire au maximum prévu par la loi. On annonce un nouveau procès qui pourra enfin révéler les détournements fantastiques efectués par lui et qui aurait ruiné une société prospère. Ce procès aura effectivement lieu sous l'Occupation et donnera lieu à une nouvelle campagne de calomnies et d'affiramtions que rien ne vient étayer. Bernard Natan sera déchu de la nationalité française, ce qui facilitera sa livraison aux allemands qui le déporteront à Auschwitz le 23 septembre 1942. Il y mourra, vraisemblablement en octobre 1942. Au fil des années, l'activité de la Société nouvelle connaît de nombreux changements dont la production de programmes pour l'industrie florissante de la télévision. Pendant les années 1970, l'exploitation des salles de cinéma remplace la production de films en tant que principale source de revenus. Lorsque l'activité tombe sous le contrôle de Giancarlo Paretti et Max Théret, celui-ci installe Pierre Vercel à la direction. Propriétaire des studios américains Cannon, il les renomme Pathé Communications Corporation (PCC) alors qu'il n'y a pas de lien entre ces deux sociétés. C'est via PCC et non Pathé qu'il achètera la Metro-Goldwyn-Mayer à Kirk Kerkorian, le tout entièrement financé par le Crédit Lyonnais de Rotterdam (CLBN), qu'il ne remboursera jamais. En 1990, Chargeurs, un conglomérat français dirigé par Jérôme Seydoux, prend le contrôle de la société. En conséquence de la libéralisation du marché des télécommunications en France, en juin 1999, Pathé fusionne avec Vivendi, le ratio d'échange pour la fusion étant fixé à trois actions Vivendi pour deux actions Pathé. Le Wall Street Journal estime alors la valeur de l'opération à 2,59 milliards de dollars. Suite à la conclusion de la fusion, Vivendi conserve les intérêts de Pathé dans British Sky Broadcasting (BSkyB) et CanalSat mais revend tous les actifs restants à Fornier SA, l'entreprise familiale de Jérôme Seydoux, qui change alors son nom pour Pathé. (source wikipédia) |
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