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La guerre en vérité


De Dantje, le 8 août 2010 à 22:50

Amoureux de l'Indochine j'ai tout particulièrement apprécié le film de P. Schoendorfer. La force des personnages rendait inutile l'engagement de gros moyens. Et comme disait Bruno Cremer: <Faut foutre le camp vite pendant qu'il est encore temps> et il a foutu le camp pour de bon. Pour moi, son meilleur role.


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De Impétueux, le 29 juillet 2009 à 18:44
Note du film : 6/6

Comme les choses sont bizarres et les clivages moins simples qu'on ne croit !

La 317e section, qui peut passer pour un film exaltant, schématiquement, des valeurs de droite (courage physique, vertu du sacrifice, dépassement de soi, sens de la discipline et de la hiérarchie) a été coproduit par Georges de Beauregard et photographié par Raoul Coutard, l'un et l'autre figures emblématiques, chacun dans sa partie, de ce que fut la Nouvelle vague, qu'on se figure habituellement comme de gauche. Mais rien n'est simple…

C'est évidemment le meilleur film qui se puisse sur la guerre lointaine de l'Indochine, cette nouvelle guerre perdue par la France, après la déroute de 40 et l'illusion de 45, guerre incomprise et mal supportée par des métropolitains qui songeaient avant tout à profiter de la prospérité retrouvée, à l'aube des Trente glorieuses, guerre menée au bout du monde par quelques officiers idéalistes et quelques soldats de fortune courageux jusqu'à la folie et amoureux d'un étrange pays…

Le meilleur film sur la guerre d'Indochine, davantage que Dien Bien Phu, du même Pierre Schœndœrffer, extrêmement fascinant, mais trop entrecoupé de lyrisme amer.

La 317e section commence d'ailleurs au lendemain du désastre, le 7 mai 1954, mais ne s'attarde pas un instant sur le panorama politique ou historique de la défaite. Ce qui fait la force du film, c'est sa noire dureté mais aussi l'acuité étouffante du récit, la vérité sèche et tendue des rapports humains, le courage sans ostentation de ce groupe d'hommes lancé dans la retraite au milieu de la jungle hostile, des partisans vietcongs, des populations inquiètes ou complices… Pas un iota de sentimentalisme, pas l'ombre d'un jugement : c'est l'exactitude froide du reportage, sans état d'âme et sans justifications.

Force du film qui a atteint sa cible et profondément impressionné les spectateurs, au delà des positions politiques violemment antagonistes que l'on pouvait alors avoir sur les guerres d'Asie. Car on n'imagine pas bien, aujourd'hui, combien la péninsule indochinoise a cristallisé de passions et de haines civiles : celles des dockers communistes de Marseille qui insultaient les troupes embarquées et sabotaient leur matériel ou celles des parachutistes désespérés par l'humiliation qui fourniront ensuite des troupes faciles pour les combats perdus de l'O.A.S. Et ça a continué, jusqu'en 1975, pour des combats qui n'étaient plus les nôtres, mais ceux des Américains… Singulière contrée, vraiment, dont le charme vénéneux rend fous ceux qui y touchent…

La 317e section n'a rien du baroque Apocalypse now, du sarcastique Mash, du désespérant Full metal jacket ; le film ne porte pas de réflexion sur le conflit, ne se demande pas pourquoi nous étions là-bas, ne suggère même pas qu'il n'aurait peut-être pas fallu y aller, mais que, puisque nous y étions, il fallait essayer d'y rester, parce qu'ensuite, le Cambodge des Khmers rouges, ça a été l'épouvante absolue (et d'ailleurs, parmi les coproducteurs du film, à côté de Georges de Beauregard, donc, il y a le roi Norodom Sihanouk, profond esprit politique, renversé par les Etats-Unis en 1970) ; le film ne montre qu'un groupe d'hommes qui tient debout et où, dans la pudeur absolue, se créent les plus belles fraternités qui se puissent.

Et c'est la guerre, pourtant, la guerre sauvage, la guerre révolutionnaire, la guerre loin des dentelles et des conventions civilisées : la guerre où l'on piège des cadavres, celle qui, quand on la fait, exige qu'on soit sûr d'une chose : c'est que l'objectif à atteindre justifie les pertes. C'est l'adjudant Willsdorf qui dit cela, une des figures les plus attachantes et les plus généreuses de guerrier que l'on puisse voir, un type créé pour la guerre, comme l'est le Capitaine Conan, mais avec une dimension humaine cent fois supérieure. Willsdorf, c'est Bruno Cremer, admirable de sobriété et de tenue qui touche à tout moment le spectateur, même quand il lance Viva la muerte ! ou laisse tomber Qu'est ce que ça veut dire dégueulasse ? C'est la guerre !.

Cremer trouve en Jacques Perrin, le jeune sous-lieutenant qui sort à peine de Saint-Cyr, une contre-figure étonnamment complémentaire et tout aussi attachante ; et pas de happy end : le sous-lieutenant Torrens, mortellement blessé, parce qu'il a peur d'être captivé et des bêtes sauvages se fait sauter avec la grenade que Willsdorf lui a laissée entre les mains ; la 317ème section est anéantie, et le carton de fin nous dit froidement que six ans plus tard, en Algérie, dans le djebel Amour, Willsdorf est tué.

La 317e section, c'est une épure ; sans doute pas sur la guerre, mais sûrement sur le guerrier…


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