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Guerre d'Afghanistan


De Steve Mcqueen, le 10 avril 2011 à 09:00
Note du film : 5/6

Dans les entrailles d'un tank russe perdu en plein désert afghan, monstres de tôles et d'acier, se joue un duel psychologique intense entre Koverchenko, jeune soldat idéaliste et Daskal, moderne Achab, l'intellectuel contre le pragmatique, la Raison conte la Folie meurtrière…

La première qualité du film est de déstabiliser le spectateur, en empêchant tout d'abord son désir d'identification à un héros "positif". Tout commence par un générique somptueux qui donne à voir le quotidien paisible d'un petit village afghan (qui, au passage, donne un aperçu dix fois plus crédible de l'Afghanistan en quelques secondes que Rambo 3 dans sa totalité). Puis on entend un sifflement, et deux explosions emplissent l'écran. Plusieurs chars russes apparaissent sur l'écran tandis qu'on lit au bas de l'écran "Afghanistan, 1981". La séquence de la razzia sur le village qui suit montre la folie et la barbarie qui d'habitude concluent un film de guerre. La violence est d'autant plus choquante que, dissimulée derrière l'alibi de la vengeance, elle montre que la guerre transforme des hommes ordinaires en "bêtes de guerre". Suit une scène qui vaut tous les réquisitoires contre la barbarie : un résistant afghan est lentement écrasé sous la chenille du char (notons au passage que c'est Koverchenko, le futur "identifiant" du spectateur, qui est "obligé" d'accomplir cet acte de cruauté).

Dès le début, Reynolds fait confiance aux images pour défendre sa thèse (la guerre transforme en machine des hommes ordinaires). Dès lors, il peut filmer une épopée dérisoire, la poursuite d'un char en plein désert par une poignée d'Afghans armés d'un lance-roquette qu'ils ne savent pas utiliser.

Après le sac du village par les Russes, on a droit à une séquence magnifique : Taj (le jeune héros) découvre le charnier. Reynolds, sur les ruines encore fumantes d'une Humanité déclinante, enregistre alors un désir de vengeance placé sous le signe d'Allah.

Car il s'agit bien d'une longue traque métaphorique : Taj est un nouveau David qui lutte contre un Goliath fait de tôles, de boulons et qui donne la mort. Kevin Reynolds filme son Goliath sous toutes les coutures (la caméra fixe le canon en gros plan, multiplie les contre-plongées, se place sous le char) et l'enrichi de multiples connotations, le plus souvent sexuelles (le russe qui crie, à califourchon sur le canon du char : "Je veux une femme !")

Le cinéaste excelle à enregistrer l'angoisse d'hommes confinés dans un espace clos (la séquence du "long-feu"). Il traduit la désolation à coup d'images fortes qui impriment durablement la rétine du spectateur : "Le Russe tue pour tuer" dit un Afghan, avant que la caméra ne s'élève pour embrasser un immense cercle de terre brûlée jonché de cadavres de cerfs carbonisés (massacrés par erreur par les Russes). La fin renforce le côté déséquilibré d'une guerre où deux hommes armés de fusils traquent un tank, filant la métaphore de David et Goliath.

Que dire d'autre ? George Dzunda trouve son meilleur rôle, en fou de guerre implacable mû par une logique déraisonnable (la séquence où, alors que lui et ses deux hommes peuvent être sauvés par un hélicoptère, il décide de repartir en char : "on est venu en char, on repartira en char" est saisissante). Jason Patrick (acteur sous-estimé) excelle dans son rôle d'intellectuel qui se découvre une conscience politique et morale. Patrick à Dzunda :" comment ça se fait que ça soit nous les Nazis, cette fois, chef ?"). Enfin Steven Bauer interprète un Taj émouvant dans ses faiblesses ("- est-ce que je suis apte à devenir le nouveau khan ?" – Poser cette question montre que tu en es apte").

Reynolds privilégie le côté afghan sans rien cacher des dissensions qui le déchirent. As t-on déjà vu le désert mieux filmé que dans la "bête de guerre?" Musique plus minérale que celle de Mark Isham ?

Le sang, la sueur et la poudre… Avec une économie de moyens remarquable (un tank, une poignée d'acteurs en état de grâce et le désert) Reynolds réalise l'un des plus grands films de guerre de de ces 30 dernières années, un film qui dépasse le cadre étriqué de la simple série B. A mi-chemin entre l'Enfer et le Purgatoire, La Bête de guerre est un film de guerre magistral, halluciné et d'une profondeur insoupçonnée, à la fois huis-clos étouffant et film d'aventures aéré.

Éblouissant.


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De droudrou, le 3 juillet 2007 à 21:20
Note du film : 5/6

Je me range à l'avis général. Je ne connaissais pas. Je viens de découvrir. Il n'y a rien à ajouter aux divers commentaires des uns et des autres. Très particulier. Dur. Violent. C'est une oeuvre certainement mésestimée et donc méconnue.


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