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Une indiscrétion très indiscrète


De verdun, le 25 mai 2020 à 23:50
Note du film : 4/6

Voilà un film qui n'est pas un chef-d'oeuvre mais que je trouve suffisamment intéressant pour lui consacrer un texte un peu plus développé qu'à l'accoutumée.

L'Indiscrétion est la dernière des quatre réalisations pour le grand écran de Pierre Lary, plus connu pour avoir été l'assistant de Luis Bunuel sur pas moins de six films du maestro.

Sorti en 1982, ce film reste assez ignoré du grand public voire des cinéphiles, malgré un casting prestigieux qui réunit le tandem Jean RochefortJean-Pierre Marielle ainsi que Dominique Sanda, trop peu vue dans ce genre de production française « grand public ».

Pendant une heure et demie, nous suivons les mésaventures de Alain Tescique (Rochefort), technicien sur une plateforme pétrolière en mer du nord, venu se reposer quelques jours à Paris, dans un studio du 17e arrondissement que son fils (Jean-Hugues Anglade) lui a déniché. Pour agrémenter sa solitude, Tescique se met à écouter son poste radio mais au lieu de capter la FM, il se met à entendre des sons provenant de l'immeuble d'en face et écoute ainsi l'intimité du couple qui y habite, les Simoni. De toute évidence, M.Simoni se livre à des activités d'espionnage et des micros sont cachés chez lui. Tescique ne peut s'empêcher d'appeler Simoni pour le prévenir qu'il est mis sur écoute. Piqué au jeu, Tescique va à un rendez-vous où il se fait passer pour Simoni. A partir de ce moment là, de drôles de choses vont arriver à notre héros: l'amour en la personne de la jolie Béatrice (Sanda) et un nouveau voisin d'en face, Daniel Queresa (Marielle) avec qui il a de (trop) nombreux points communs. Tescique ne risque t-il pas de perdre la raison ?

J'ai souhaité résumer, sans « divulgâcher», les prémisses d'une intrigue plutôt complexe afin de mettre en évidence l'originalité de L'Indiscrétion, qui sous son aspect de film français classique -pour ne pas dire pépère- est un vrai thriller paranoïaque. Contrairement à I comme Icare, film par ailleurs passionnant, le film de Pierre Lary ne cherche pas à ressembler à un film d'action à l'américaine reprenant les recettes vues chez Pakula (Parallax view) ou chez Coppola (Conversation secrète).

C'est un vrai suspense psychologique à la française, qui par moments bascule dans le fantastique avec une légère touche de surréalisme : ne retrouve t-on pas au générique le fidèle assistant de Bunuel mais aussi son scénariste attitré, le grand Jean-Claude Carrière ?

On peut ranger L'Indiscrétion parmi ces quelques films hexagonaux de la fin des années 70/début des années 80, qui affichaient la volonté de semer le trouble et de sortir ainsi des sentiers battus du cinéma (commercial) de qualité: je pense à Un papillon sur l'épaule ou à Une étrange affaire. Le film de Lary n'est pas aussi abouti que le Deray et le Granier-Defferre mais ce n'était pas une raison suffisante pour le jeter aux oubliettes.

Car pendant un petit peu plus d'une heure, L'Indiscrétion instaure une ambiance assez envoûtante .Tout concourt à créer un climat attachant et mystérieux, du choix le décor principal (un appartement oriental plongé dans la pénombre) à la vivacité de la réalisation et du montage, en passant par la belle photo du talentueux William Lubtchansky, l'ambiance du Paris de 1982 sans oublier la belle partition de Eric Demarsan, sorte de valse orchestrée à la manière du « Chi Mai » de Morricone. Une très bonne idée de mise en scène renforce le caractère surnaturel de l'ensemble : des plans de la plateforme pétrolière où travaille Tescique viennent agrémenter le récit de temps à autre. La façon dont le thème du double est traitée, les vies de Tescique et de Queresa s'avérant étrangement proches, est assez originale et surprenante.

C'est aussi l'occasion de retrouver avec bonheur des petites choses qui ont marqué les années 80 de notre jeunesse : les téléviseurs à tube cathodique, les talkies-walkies, les annuaires papier, l'engouement des radios FM alors nouvelles, l'omniprésence du saxophone dans les musiques de cette époque là, les téléphones à cadran ou encore Patrick Poivre d'Arvor à la présentation du JT. Cela pourrait être ringard mais c'est un doux parfum de nostalgie qui émane de l'ensemble.

Le cinéaste peut s'appuyer avant tout sur d'excellents acteurs. Jean Rochefort retrouve un genre d'emploi qu'il avait tenu quelques mois auparavant dans Il faut tuer Birgitt Haas et dans lequel il excelle tout particulièrement : celui d'un monsieur « tout le monde » pris dans les mailles d'un complot. Dans Birgitt Haas, il était piégé par sa naïveté alors qu'ici, c'est par jeu et pour échapper à la solitude qu'il se précipite dans la gueule du loup.

Quant à Dominique Sanda, elle apporte sa beauté et surtout sa capacité à susciter le mystère. Elle retrouve elle aussi un type de rôle qui lui est familier, celui de la redoutable comploteuse, mais elle se révèle au bout du compte plus légère et plus attachante que ce à quoi on pouvait s'attendre. Marielle m'a semblé également très bien dans le rôle du voisin, qui lui pour le coup se révèle beaucoup moins sympa qu'il n'en avait l'air. L'alchimie entre lui et son ami Rochefort ne peut pas laisser indifférent.

On retrouve aussi une pléiade de bons seconds rôles : un jeune Jean-Hugues Anglade dans le rôle du fils Tescique, le regretté Benoit Régent incarnant le vendeur au rayon "TV" de la FNAC du centre commercial « Les quatre temps » à la Défense, Alexandre Rignault dans son emploi habituel de vieille baderne ou encore Roland Bertin en commissaire de police.

Toutes ces raisons font que l'Indiscrétion est un film dont j'aime visionner de temps à autre la première heure.

Mais hélas, trois fois hélas, force est de constater que le dernier tiers est assez peu réussi et clairement pas à la hauteur de ce qui précède.

Alors qu'on s'attendait à ce que tout s'éclaircisse, on ne peut qu'être déçu par la tournure que prend le scénario, qui apparaît alambiqué pour pas grand-chose, plus rationnel qu'attendu tout en laissant au final trop de zones d'ombres. Trop de mystère et d'obscurité tuent le suspens. Il est dommage que le point faible d'un film adapté et dialogué par une pointure comme Jean-Claude Carrière soit le script, ou du moins une partie de celui-ci.

En raison de cette faiblesse de construction, l'Indiscrétion demeure un film original, intriguant et attachant mais bancal et frustrant, ce qui explique sans doute l'échec qu'il récolta au box-office à sa sortie (moins de 300 000 entrées) , l'oubli dans lequel il est tombé et le fait que Pierre Lary n'ait plus tourné que pour la télévision par la suite.

Il quand même dommage qu'une telle œuvre aussi singulière et audacieuse, ayant de tels acteurs et une telle musique soit aussi négligée. l'Indiscrétion n'est pourtant pas un film invisible : il est facilement disponible en DVD, après être sorti en vhs dans les années 80, et passe régulièrement sur des chaînes payantes comme « Action ».

Il n'y a donc aucune excuse pour ne pas lui redonner une chance !

PS: A l'inverse, la première collaboration entre Pierre Lary et Jean Rochefort, Le diable dans la boite (1977) a complètement disparu des radars : pourra-ton revoir un jour ce premier film du tandem Lary-Rochefort ?


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De Pianiste, le 10 mai 2014 à 12:34

Si je me permets de reparler de L'indiscrétion, c'est que je viens de revoir ce film méconnu et qu'il m'a été aussi agréable que la première fois. Je ne reviendrai pas sur le jeu de l'excellent Jean Rochefort, ni sur celui de son ami Jean-Pierre Marielle, mais c'est un film qui vaut vraiment le détour. L'intrigue est palpitante et on se laisse prendre au jeu de cet homme qui, venant passer quelques semaines de vacances dans un modeste studio, est pris au jeu de l'espionnage. Par le biais d'une simple radio, il surveille les discussions d'un couple qui finit par se faire assassiner juste en-face de chez lui. Je ne veux rien dévoiler de l'intrigue vraiment palpitante, mais tout ne fera qu'empirer dans vie, aussi bien sociale qu'amoureuse. Son fils, interprété par Jean-Hugues Anglade, ne saura pas trop comment l'aider à résoudre cet imbroglio et ce n'est pas après avoir succombé au charme de la ravissante Dominique Sanda que cela risque de s'arranger pour lui.

Pour rappel, la musique signée Eric Demarsan laisse un arrière-goût de celle composée par Ennio Morricone pour Le professionnel avec Jean-Paul Belmondo. Une réussite totale pour un très bon film.


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