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Une île méditérranéenne


De vincentp, le 12 février 2018 à 23:39
Note du film : 5/6

15 ans ont passé depuis ces deux chroniques fort intéressantes. Nos deux chroniqueurs se sont depuis exilés sur cette ile de Lampedusa, et vivent de poissons fris péchés à l'épuisette. Mais moi, je veille derrière mon ordinateur ! Respiro est un film contemporain extrêmement original et réussi, sur le thème de la difficulté de mener une vie en société dans des milieux refermés sur eux-mêmes. Le scénario est non formaté, même si l'influence du cinéma de Kusturica se fait sentir. La mise en scène est brillante. A voir absolument.


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De Gaulhenrix, le 1er septembre 2003 à 23:51
Note du film : 5/6

Une bien belle critique. Quelques mots en complément…

Emanuele Crialese dépeint, dans son film, le vie immuable sur l'île de Lampedusa, au large de la Sicile : les enfants se distraient à travers des jeux humiliants, les hommes passent leur temps à leur métier de pêcheur, les femmes sont astreintes aux taches qui leur sont dévolues traditionnellement et leurs actes sont surveillés par le mari ou le frère, sourcilleux de leur « honneur ».

Le réalisateur sait montrer les charmes de cette vie simple et naturelle (les habitants vivent proches les uns des autres, les travaux des jours sont rythmés par la nature) mais il en montre aussi l'envers : la monotonie et le sentiment d'étouffement pour qui a dans les yeux et l'esprit le désir d'un « ailleurs », ou la « grâce ». Or, la femme de Pietro, prénommée – précisément – Grazia (Valeria Golino) est cette personne-là : tantôt gaie, joueuse, aimante et proche de sa famille, tantôt lointaine et mélancolique, elle porte en elle le rêve d'aller à Paris. Ce besoin d'évasion, de respirer (d'où le titre), le réalisateur le fait ressentir en montrant l'envers du décor : cette île n'est pas celle des dépliants touristiques, mais est présentée comme un bloc minéral nu de toute végétation, arborant de désolantes constructions inachevées en béton ; une île où les distractions pour les jeunes consistent en de répétitives balades en scooter, ou, à pied, à arpenter la même rue principale ; une île, enfin, où les habitants s'immiscent dans une vie privée réduite à sa plus simple expression et où le mari cède au jugement de la famille et des amis plutôt que de chercher à comprendre.

Bref, cette vie est étouffante et, de façon récurrente, un même plan revient dans le film pour le suggérer : Grazia nous est montrée s'enfonçant dans l'eau, comme étouffée par cette eau qui encercle l'île, qui l'enferme, à la recherche d'un souffle de vie. Un souffle qu'une musique de film haletante, obsédante, suspend à un saxo dont les sons brefs, retenus, comme assourdis, illustrent à leur tour les aspirations bridées de Grazia.

Plus généralement, le réalisateur met l'accent – comme en écho à la minéralité de l'île – sur l'animalité (nombreux chiens errants enfermés dans un chenil mais que l'on ne voit pas, poissons omniprésents mais morts, corps humains filmés sous l'eau mais semblables à des poissons). C'est d'ailleurs un étonnant plan des habitants nageant sous l'eau filmée par-dessous, en contre plongée, qui clôt le film et insiste sur cette idée d'une collectivité (ou d'une espèce) qui n'abandonne pas ses membres et à laquelle, quoi qu'on fasse, on appartient…

Un film à la fois simple et émouvant qui oppose réalité et rêve, espoir et désillusion, individu et collectivité et qui mérite d'être découvert.

      

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