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Honnête film de pirates à l'italienne


De verdun, le 14 septembre 2020 à 22:51
Note du film : 4/6

Panama, seconde moitié du XVIIIè siècle. Le jeune Anglais Henry Morgan (Steve Reeves), vendu comme esclave, est condamné aux galères sous les yeux d'Inès (Valérie Lagrange), la fille du gouverneur, qu'il a essayé de séduire. Morgan organise une mutinerie, s'empare du navire et devient un pirate redouté. Il accepte de combattre au service des Anglais, en guerre contre l'Espagne, sans jamais oublier la belle Inès.

Le capitaine Morgan est sorti durant la saison cinématographique 1960-1961, époque de l'âge d'or du film de pirates italien, dans lequel se sont illustrés de bons artisans comme Domenico Paolella ou Luigi Capuano.

Le film qui nous intéresse aujourd'hui est co-réalisé par André De Toth, vieux routier hollywoodien parfois très inspiré, et Primo Zeglio, spécialiste de la série B transalpine. On peut donc se demander quelle est la part du travail attribuable à De Toth, cinéaste américain exilé en Europe, comme un bon nombre de ses confrères à la même époque.

Puisqu'il s'agit d'une coproduction italo-française, nous retrouvons nos compatriotes Valérie Lagrange, dans le rôle de l'amour impossible du capitaine, et Armand Mestral pour incarner l'Olonnais, pirate qui affronte Morgan lors d'une scène de duel à l'épée plutôt bien filmée.

Sans être comparable aux meilleurs classiques hollywoodiens, Le capitaine Morgan se laisse regarder grâce à des moyens plus importants que la plupart des autres films maritimes italiens, comme en témoigne une figuration conséquente, et grâce au travail d'excellents techniciens: la photo, signée du génial Tonino Delli Colli est très belle et la musique de Franco Mannino, futur compositeur fétiche de Visconti, vaut également le détour.

Le film est visuellement très attrayant. Les décors, le ciel bleu d'Italie et de beaux extérieurs transalpins, notamment la baie de Naples et l'île de Procida, réussissent à créer le dépaysement voulu; quant aux bateaux, des embarcations modernes grimées en caravelles, ils valent les maquettes de bien des classiques américains. Les prises de vue maritimes sont belles, les cadrages sont soignés, les scènes d'abordage sont bien réglées malgré un jeu trop théâtral des figurants et la reconstitution du XVIIe siècle est soignée, notamment les costumes.

Le scénario présente certains aspects intéressants, surtout l'histoire d'amour qui voit la belle Dona Inez attendre le dernier tiers du film avant de succomber au charme du pirate Morgan, cet être d'une classe sociale inférieure à la sienne, et le mène par le bout du nez jusqu'à la fin, assez amère. L'inexpressivité du couple Steve Reeves-Valérie Lagrange sert cette histoire d'amour étrangement distante. Signalons par ailleurs la présence de la volcanique danseuse et actrice cubaine Chelo Alonso, ex des "Folies Bergères", qui a le mérite de réchauffer l'atmosphère et a même le droit à une scène de danse.

Toutes ces qualités font de Capitaine Morgan un divertissement à l'ancienne agréable et joliment fait.

Néanmoins l'ensemble apparaît aujourd'hui comme quelque peu compassé et guindé.

A commencer par le jeu inexpressif de Steve Reeves, assez morne et beaucoup moins crédible en pirate qu'en héros antique. L'ancien culturiste tentait alors de tourner d'autres films que les peplums qui firent sa gloire mais on sent qu'il a des difficultés à sortir de son genre de prédilection: un rien est prétexte à montrer sa musculature imposante, quand bien même le film de pirates se prête moins à ce genre d'exhibition que le péplum. Il est également regrettable que le scénario présente une vision lisse jusqu'à l'invraisemblable de la vie de Henry Morgan qui, avant de devenir gouverneur de la Jamaïque, était un boucanier pillant et tuant sans scrupules. Même le médiocre Pirates of Tortuga dresse un portrait beaucoup plus intéressant du capitaine Morgan, campé par l'excellent Robert Stephens.

Par ailleurs, la dernière demi-heure empêche grandement Capitaine Morgan d'emporter l'adhésion. Alors que l'intensité aurait dû monter crescendo, l'intérêt retombe à cause d'un scénario qui devient confus et d'un montage qui se fait de plus en plus abrupt, notamment la scène finale, expédiée trop rapidement pour émouvoir le spectateur. Enfin, la reconstitution du sac de Panama (1671), qui aurait dû constituer le clou du film, est moins spectaculaire et sauvage que dans la réalité historique mais le budget et la censure de l'époque ne permettaient sans doute pas de restituer cet épisode de façon optimale.

Un peu plus de souffle et de punch comme dans les réalisations de Riccardo Freda, dont Filippo Sanjust scénariste de Capitaine Morgan est d'ailleurs est un fidèle collaborateur, un montage rigoureux et la présence d'un acteur principal moins monolithique auraient sans nul doute fait de ce titre un bijou du genre.

En l'état actuel, cet honnête film de série ne manque pas d'intérêt, comme en témoigne la longueur de la chronique que je lui consacre aujourd'hui  !

On peut remercier Gaumont de l'avoir édité dans son indispensable collection ce petit classique du cinéma de quartier.

Note artistique: 3/6. Note plaisir: 5/6.


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