Et Célestin Freinet, dont le film est la biographie romancée et qui est interprété par Bernard Blier (dont les options politiques me sont inconnues) ? Ah, Freinet, c'est un peu plus compliqué puisque le pédagogue, lui-même membre du Parti, qu'il ne quitta qu'en 1952, vit ses méthodes assez vite mises en question (dès avant L'école buissonnière par d'autres courants communistes pédagogistes puis désavouées avec une grande violence parce qu'elles pouvaient, de fait, paraître libertaires.
Tout cela étant exposé, on peut dire beaucoup de bien sur le film, un peu démonstratif et vertueux mais tout à fait charmant. Avec une certaine roublardise Jean-Paul Le Chanois, tout en demeurant rigoureusement conforme à l'esprit de Freinet, l'a émaillé de nombreuses provençalades où le public a retrouvé, à sa grande joie, les ingrédients habituels : accent sentant bon l'ail, flemme institutionnelle, faconde pleine de rondeur, indignations faciles, verve et mots drôles. Et pour bien faire il s'est entouré d'acteurs qui fleuraient bon l'huile d'olive et la lavande : Édouard Delmont (Arnaud, le vieil instituteur qui part en retraite), Edmond Ardisson (M. Pourpre, le coiffeur), Henri Arius (Hector Salicorne, le maire du village), Marcel Maupi (M. Alexandre, le pharmacien). Ceci pour ne citer que les plus notoires.Village perdu, enfants à réveiller, instituteur brûlant de ferveur pour sa mission, décidé à changer les choses pour éveiller les jeunes intelligences et les conduire à leur épanouissement. C'est un peu (j'exagère) comme La cage aux rossignols, Bernard Blier remplaçant Noël-Noël, l'un et l'autre dotés d'un physique rassurant et modeste mais capables l'un et l'autre de se faire brûler vifs pour l'idée qu'ils ont de leur mission éducative, ce qui est bien sympathique. Le film est naïf, donc, mais attendrissant, bien construit et l'on est tout à fait heureux, à la fin, de voir tous les enfants, même les cancres, rédimés, réussir leur certificat d'études, ce diplôme mythique, largement plus ardu que le baccalauréat à deux sous d'aujourd'hui.
Ah ! Cum grano salis, je me suis fait une remarque un peu narquoise et bien orientée : l'absence totale de la moindre soutane et même de la moindre allusion à une soutane, ce qui est absolument invraisemblable dans le cadre et les coutumes d'un petit village de Haute-Provence du lendemain de la Grande guerre. Si les communistes, de bouffeurs de curés qu'ils avaient été vers 1928, au moment de la tactique de Classe contre classe avaient prudemment évolué vers la politique de La main tendue aux catholiques aux environs de 1936, ils gardaient, après le deuxième conflit mondial un silence prudent sur le thème, en attendant les instructions de Moscou.Je dois dire que ce genre de petits détails me ravit.
Finalement l'échec est un faux problème, le nouveau maître le sait bien en analysant secrètement l'intérieur de tous ses élèves insoumis et rêveurs possédant tous une valeur qu'il faut formater.
Tout à fait d'accord avec vous, Jipi ! Mais comme dit la pub, ça, c'était avant . L'École d'aujourd'hui ne ressemble plus en rien avec l'esprit de celle qui animait Bernard Blier . Le cercle des poètes a bien disparu, emportant avec lui son sacerdoce royal, pour faire place à un laxisme, voire une désinvolture dans l'exercice de ce qui se voudrait une activité d'une noblesse hors-norme … une âme qu'il faut découvrir et encourager à se réaliser. Découvrir l'âme des enfants ? Mais qu'est-ce qu'ils en ont à foutre aujourd'hui, de l'âme des enfants . Ce qui importe c'est qu'ils n'aient pas un élève de plus, "en trop" dans leur classe. Ce qui leur procure une "charge" de travail supplémentaire . "-Faut vous dire, monsieur, que chez ces gens là, on n' pense pas, monsieur, on n' pense pas …. on compte !-"
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