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"C'est le bel esprit qui ouvre les portes !"


De Impétueux, le 4 juillet 2013 à 17:55
Note du film : 5/6

Il y a plusieurs sujets fort différents dans Ridicule, et c'est peut-être pour cela que le film de Patrice Leconte est si intéressant mais aussi, d'une certaine façon, si frustrant.

Plusieurs sujets, donc. D'abord, assez banalement, une histoire galante, faite d'attirances et de jalousies, de séductions et d'antipathies qui mettent en présence, en un carrousel venimeux, deux libertins, l'abbé de Vilecourt (Bernard Giraudeau) et la comtesse de Blayac (Fanny Ardant) et deux jeunes gens idéalistes, Malavoy (Charles Berling) et Mathilde de Bellegarde (Judith Godrèche) ; au siècle des Liaisons dangereuses, rien que de très normal. Puis une sorte de reportage, plein de brio et d'éclat, sur la vie des salons de la bonne société, sur le plaisir aristocratique et cruel du mot, qui frappe, éclabousse, stupéfie, crucifie, désarçonne, sur les jeux d'esprit, sur la virtuosité du langage, sur l'extrême degré de raffinement et de méchanceté de ce monde finissant, si délicieux pour ceux qui sont du bon côté, si dur pour ceux qui sont du mauvais (on se croirait en 2013, non ?)…

Aussi une étude sociale ; les paysans de la Dombes vivent dans des terres liquides, prolifiques en carpes, mais infestées de moustiques et de germes ; Malavoy, seigneur du lieu, féru d'hydrologie et animé d'idées généreuses, nourri sûrement des pages de Rousseau et des physiocrates, entend assainir les marais et en chasser les miasmes assassins. Il vient à Versailles et fait le siège des ministères afin d'obtenir des subsides pour son projet. Il se heurte à la routine des administrations et aux déjà éternels problèmes budgétaires de la France (dont les sous ont toujours été dans des bas de laine, jadis sous les matelas, aujourd'hui dans les caisses d'épargne, plutôt que dans les caisses d'un État immémorialement impécunieux). Mais il rencontre tout de même Maurepas, qui est une sorte de Premier ministre de l'époque (fort mauvais, soit dit en passant : c'est lui qui rappellera les Parlements, pires ennemis du Pouvoir royal et de l'égalité fiscale, suspendus par Maupéou en 1771). Rencontrer Maurepas, ce n'est déjà pas mal. Imaginerait-on aujourd'hui qu'un obscur élu de province puisse obtenir une audience de M. Jean-Marc Ayrault ? Naturellement, ça ne marche pas, pour de bonnes ou de mauvaises raisons (Maurepas lui dit : La vie humaine passe après le destin de la France ; voilà une jolie question pour une prochaine session du baccalauréat).

Enfin il y a un regard un peu léger mais très sensible sur une époque où les fondements du monde moderne, dans ce qu'il a de plus quotidien se mettent en place : les Sciences ne sont plus seulement des spéculations intellectuelles, de brillants exercices de style, mathématiques ou astronomiques : elles entrent, bien avant l'Encyclopédie, dans la vie quotidienne ; Denis Papin, à la fin du siècle précédent a jeté les prémisses en utilisant la vapeur, mais tout le 18ème abonde de ces inventions et découvertes qui font aujourd'hui notre quotidien et qui fourmillent désormais, dans le textile ou la métallurgie. Ridicule survole sans doute un peu trop ce bouillonnement intellectuel en présentant le scaphandre autonome qu'expérimente Mathilde ou l'invention du langage des signes par l'admirable Abbé de l'Épée.

On le voit, le programme était vaste. Patrice Leconte le couvre comme il sait le faire en artisan attachant du cinéma ; impeccable reconstitution des décors de la fin de l'Ancien Régime, distribution parfaitement réussie ; Giraudeau, qui n'a jamais vraiment bien trouvé sa place dans le cinéma français, est admirable et le phrasé de Fanny Ardant, si souvent agaçant, s'insère à merveille dans les atours de Versailles. Les seconds rôles sont excellents (une note spéciale pour Bernard Dhéran, qu'on n'avait plus vu depuis si longtemps, parfait en vieille ganache poudrée…).

Mais pourquoi, mon Dieu, s'obstiner à représenter Louis XVI sous les traits d'un polichinelle (en l'espèce Urbain Cancelier) ? Louis XVI était un géant (1,92 mètre) timide et passionné de sciences… Sait-on assez que parmi ses dernières paroles avant son assassinat il y a A-t-on des nouvelles de M. de La Pérouse ?, l'explorateur des confins du monde…

La Révolution française a passé sur cela, a cru pouvoir l'effacer. On cherche encore ce qu'elle a pu changer à la sauvagerie des hommes.


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De Jipi, le 28 septembre 2006 à 17:20
Note du film : 6/6

Le baron Grégoire Ponceludon de Malavoy excédé de voir ses paysans ne pas dépassé la trentaine à cause de la prolifération des fièvres dans les marais non asséchés de la Dombes monte à Versailles pour obtenir du roi (Louis XVI) des fonds monétaires nécessaires à la réalisation de travaux d'assèchement.

Les arguments humains de Grégoire sont largement insuffisants, pour être reçu par le roi, il faut remonter toute la hiérarchie, briller par l'esprit dans les salons, réussir de bon mots qui arrivent jusqu'à l'oreille du monarque et surtout éviter le ridicule par un mauvais jeu de mots ou calembour qui ruinent à jamais tous les espoirs.

Aidé par le marquis de Bellegarde, Grégoire fait ses classes. Peu à peu il se prend au jeu. Il se grise de son pouvoir de destruction par le verbe.

Mathilde de Bellegarde (Judith Godrèche) le met en garde : Attention vous deviendrez comme eux » Un loup parmi les loups.

Le bon mot est la survie du courtisan.

Le système est implacable à la moindre erreur on disparaît. C'est le cas de la remarquable scène de l'autodestruction de l'abbé de Vilecourt qui s'exécute maladroitement par deux théories antinomiques sur Dieu devant l'église et le roi.

Grégoire revenu à lui retournera accompagné de Mathilde dans sa région. La révolution française arrivera à point nommé pour déclencher les travaux d'assèchements tant espérés.

Ridicule est un chef d'œuvre, une performance somptueuse d'images digne de Barry Lindon. L'éclairage accentue la pâleur terrifiée des visages.

Cette société par certains points est plus cruelle que la notre.

C'est le règne de l'esprit. Les courtisans sont constamment fragilisés par l'anéantissement soudain si le bon mot sollicité ne surgit pas sur commande.

Il faut être acerbe et conforté par la lignée.

La révolution française changera toute la donne.


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Le ridicule ne tue pas, il peut même faire vivre !


De littlecat, le 16 mai 2008 à 08:11

Très touchée par le message de Torgnole qui fait état des goûts de sa grand-mère. Je ne sais si c'est une question de photographie, j'ai plutôt l'impression que c'est une question de dialogues, de choix des acteurs dont les personnalités sont si importantes pour émouvoir un spectateur, de maquillage des actrices, de paysages aussi, de façon de vivre, qui fait que je regarde les séries allemandes avec plaisir, alors que je déteste les séries américaines qui abondent, soir après soir, sur le petit écran.


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De Torgnole, le 15 mai 2008 à 23:41

Lagardère, que craignez vous au juste en parlant de graphisme, le terme ne s'applique pas seulement aux jeux video et quand bien même, car je suis un grand admirateur de certains jeux video (encore un art sous estimé), votre remarque tient la route, sauf qu'il est question ici de photographie et de lumière, de couleurs, de contraste. Mais désormais, beaucoup de méthodes permettent de retoucher numériquement les images et je ne crois pas que la technique soit si coûteuse, c'est plutôt un travail informatique fastidieux, donc oui, le travail se rapproche du graphisme de jeux vidéo.

Impétueux, vous dites que vous ne faites pas la différence et que votre poste date de 2000. Le mien est encore plus vieux mais ça ne m'empêche pas de remarquer que la lumière, la couleur et les éléments du décor d'"Eyes Wide Shut", par exemple, sont beaucoup plus efficaces que ceux de "Ridicule". Si on prend la scène où Tom Cruise s'incruste dans cette orgie de friqués masqués. Mis à part ce qu'il s'y passe (ce qui est très difficile j'en conviens), vous n'allez pas me faire croire que vous n'en n'avez pas eu plein les yeux, vieille autruche! Il y a quelque chose qui fait que l'image a sa propre dynamique, que rien n'a été laissé au hasard, que le grain, la couleur ou je ne sais quoi a été travaillé pour donner quelque chose de cohérent, qui suggère une ambiance particulière qui sonne vrai. Alors que dans "Ridicule", une scène qui s'en rapproche, comme le bal final, il n' y a qu'un beau décors et des costumes, mais la couleur, la teinte ou je ne sais quoi manque de panache, comme si rien n'avait été travaillé ou pensé, qu'on avait laissé le hasard s'occuper du reste. Je ne sais pas si vous comprenez, la comparaison est maladroite mais j'ai beaucoup de mal à définir et illustrer ce que je veux dire… C'est pourtant si simple et clair dans mon esprit.

Jarriq, talent ou pas talent, certaines séries B américaines consternantes ont quand même ce petit truc dans l'image qui fait qu'on sent que la photo a été travaillée. C'est peut-être une question d'argent mais je flaire autre chose et je n'arrive pas à trouver quoi. Peut être suis-je plus habitué au hasard photographique des Américains que celui des Français et que tout cela n'a rien à voir avec un quelconque travail sur l'image. Mais même pour les séries, mettons "Les Experts" ou "Docteur House", la qualité photographique de ces deux là me séduit plus que des films comme "Roman de Gare" de Lelouch. D'ailleurs, dans mon cas, je sais instinctivement quand une série est allemande, française ou américaine. Comme si il y avait une identité photographique selon les pays et je crois être plus facilement séduit par l'identité photographique américaine à l'inverse de ma grand mère qui pour les mêmes raisons photographiques, raffole des séries allemandes et déteste les séries américaines, mon problème vient peut-être de là… Pfou! Chiant ce message! Vous avez bien du courage si vous lisez jusqu'ici.


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