Accueil
Voici les derniers messages de ce forum :

Archétypes renouvelés


De Impétueux, le 21 mars 2016 à 20:12
Note du film : 5/6

Comment écrire un message un peu original sur Impitoyable alors que Gaulhenrix, PMJarriq (l'un et l'autre disparus de DVDToile) et Steve McQueen (qui est trop rare sur ce site) ont dit avec subtilité et talent tant de choses pénétrantes ? Surtout pour quelqu'un qui ne connaît pas très bien le cinéma de Clint Eastwood et qui n'a pas pour le western un goût très profond ?

Impitoyable est, c'est vrai, un film très grand, très impressionnant ; un film noir, sali, pluvieux, dégorgeant l'amertume et le fiel. Il n'y a ni lumière, ni espérance et on ne voit pas comment il pourrait y en avoir. Comment d'ailleurs les choses pourraient-elles changer dans cette région hostile du monde où les cochons malades se roulent dans la boue et où seules les putains paraissent détenir deux doigts d'humanité ?

La putain scarifiée, Delilah (Anna Thomson) n'est, pour son tenancier, Skinny (Anthony James) qu'une propriété endommagée, dont il est précisément dédommagé par le tribut de six chevaux qui satisfait tout le monde. La virilité obsède les esprits : c'est pour avoir été moqué sur la mince dimension de son sexe que le balafreur défigure Delilah ; mais parallèlement, le shérif Little Bill Daggett (Gene Hackman) raconte d'une voix graisseuse les mésaventures d'une des légendes de l'Ouest, un tueur nommé Corky Corcoran, s'est fait descendre de façon ridicule parce qu'il était trop bien membré. Le Far-West est fait par et pour des bouseux (c'est ainsi que, dans les sous-titres, est traduit le mot cow-boy et le Kid Schofield (Jaimz Woolvett) tue de trois balles paniquées le tortionnaire de Delilah qui est en train de se soulager dans le chalet d'aisance.

Il n'y a pas un sourire qui passe sur le visage de William Munny (Clint Eastwood), las, dépressif, désabusé, inconsolable. Harassé par la vie, éloigné de tout, indifférent à tout, même à ses cochons malades, même à ses deux enfants… Qui peut croire, d'ailleurs, le carton final, qui a tout de la belle légende et qui indique que Munny est parti pour la Californie et y a fait fortune ?

Et tout cela posé, qui est plein d'admiration, je ne peux pas pour autant donner une note plus élevée. D'abord parce que le film ne décolle vraiment qu'à la moitié de sa durée et qu'il est trop lent, trop didactique, trop empesé à son début. Puis, sûrement, parce que je ne parviens pas à avoir la moindre empathie pour ces histoires trop lointaines pour me toucher. J'ai sûrement tort. Cela dit, Impitoyable est sans doute ce que j'ai vu de meilleur de Clint Eastwood.


Répondre

De Steve Mcqueen, le 31 mai 2014 à 14:23
Note du film : 6/6

Magistrale démythification de l'Ouest américain, de ses héros positifs tant vantés par le cinéma américain depuis des décennies. Ici il n'y pas de héros, seulement d'anciens tueurs repentis, des prostituées adeptes d'une justice expéditive, un shérif sadique et psychotique. Eastwood, touché par la grâce, déconstruit le mythe du cow-boy intrépide et valeureux, soucieux de défendre la veuve et l'opprimé. Au début du film, William Munny est un fantôme hanté par sa vie antérieure, une vie faite de meurtres gratuits, de violence incontrôlée, une vie de vapeurs éthyliques et de saloons enfumés.

Munny élève tant bien que mal ses deux enfants, fruit de l'amour d'une femme qu'il a perdue, une femme qui l'a remis dans le droit chemin. Oublié le cow-boy propret et bien sous tous rapports de Rawhide, envolé le héros cynique et plein de panache de la trilogie des dollars des Sergio Leone : Munny rampe dans la boue pour attraper ses cochons, tombe de cheval lorsqu'il monte en selle, abat un innocent de sang-froid, à distance, un innocent qui agonise dans les cris, le sang et la poussière.

Le shérif, longtemps montré comme un personnage intègre, garant de la loi arborant l'étoile à cinq branche, devient un psychopathe aux élans de violence inouïs, capable de rouer de coups un tueur à gage devant la foule de sa propre ville, Big Whiskey, avec un sadisme incroyable. Le film est d'ailleurs traversé d'éclairs de brutalité insoutenables, tel ce cow-boy qui taillade une prostituée parcequ'elle s'est moquée de sa virilité, tel cet anti-héros ( Munny) passif qui se fait rouer de coup dans un saloon que de faibles lueurs arrachent à l'obscurité, avant de ramper sur le sol sous les quolibets des "spectateurs".

Pas de manichéisme ici, même les femmes, dans leur désir de justice, se montrent cruelles et impitoyables. Les seuls personnages "positifs" sont sûrement Delila, la jeune femme tailladée, et Ned Logan ( Morgan Freeman), le comparse de Munny qui finit par se séparer de lui, lassé de d'une violence gratuite sur laquelle il tiré un trait définitif. Il sera tué par Little Bill, le shérif (éblouissante composition de Gene Hackman, dont le rôle n'est pas sans évoquer celui qu'il tenait dans un autre western magistral, Les Charognards de Don Medford) puis exposé dans un cercueil ouvert à l'entrée de la ville, l'éclat des torches trouant l'obscurité conférant à la scène une aura quasi-fantastique.

Eastwood règle aussi son compte à le légende de l'Ouest en montrant que sous les actes héroïques se cache souvent une réalité bien plus triviale, enjolivée et travestie par des biographes crédules qui créent ainsi un univers totalement factice, à grands coups de métaphores grandiloquentes et de superlatifs à foison.

Baignant dans la superbe photographie crépusculaire de Jack N. Green, rythmée par la musique discrète de Lennie Niehaus, Impitoyable constitue l'acmé de la carrière d'Eastwood. Sur un tempo lent, les personnages vivent et meurent dans de longs râles d'agonie, au milieu de paysages somptueux qui ne font que souligner la petitesse des hommes.

Magistral.


Répondre

Installez Firefox
Accueil - Version bas débit

Page générée en 0.0033 s. - 6 requêtes effectuées

Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter