Il faut bien dire que Péril en la demeure est doté d'un scénario absolument invraisemblable, souvent exaspérant. Ce qui est bien, c'est que Michel Deville n'y attache aucune espèce d'importance, en quoi il a bien raison ; le scénario, dans ce genre d'oeuvres, c'est de l'eau qui coule et qu'il faut bien laisser couler pour faire avancer un tant soit peu le film et parce que le public exige qu'il y ait une histoire. Mais finalement si, dans ce film-là, il n'y en avait pas, qui en serait vraiment gêné ?
Bien voilà : un garçon séduisant, glandeur majuscule, David Aurphet (Christophe Malavoy) (Aurphet comme Orphée, vous voyez ce que je veux dire ?) va donner des cours de guitare à Viviane Tombsthay (Anaïs Jeanneret), fille d'un couple très aisé, Graham (Michel Piccoli) et Julia (Nicole Garcia). D'emblée on voit que Julia est séduite par David, beau garçon un peu perdu. Elle se jette à son cou, sans dissimuler beaucoup cette attirance à son mari. Celui-ci est-il indifférent, insouciant ? Ou bien peut-être complice des débauches de sa femme ou excité par elles comme l'est Jean-Louis Trintignant dans un autre film de Michel Deville, en 1981, Eaux profondes avec Isabelle Huppert ? Ou bien autre chose encore ?Des personnages connexes et assez fascinants : la voisine du couple Tombsthay, Edwige Ledieu (Anémone), qui a de la singularité et du vice en elle et qui joue on ne sait quel jeu ; et Daniel Forest (Richard Bohringer) qui est un nettoyeur, venu dans la ville pour éliminer quelqu'un et lui dérober de précieux microfilms. Voilà un bien grand entrelacs au milieu d'une histoire assez classique de coucherie d'une grande bourgeoise un peu nymphomane avec un beau garçon assez éberlué que tant de monde le désire et veuille lui donner du plaisir ?
On ne comprend pas toujours ce qui s'ensuit de ce sac de nœuds. Là encore voilà qui n'est pas un reproche fondamental et on trouve beaucoup plus compliqué chez David Lynch par exemple, mais avec un tout autre brio et bien plus d'inventivité dans le creusement des personnages et des situations ; on a l'impression que Michel Deville veut rincer l'œil du spectateur en lui montrant avec une certaine complaisance la nudité de Christophe Malavoy et de Nicole Garcia ; je n'ai rien contre, mais lorsque j'écris complaisance, il faut lire que ces nudités-là n'ont pas beaucoup de nécessité ni même d'utilité ; les conversations singulières entre David/Malavoy et Edwige/Anémone ont du point de vue érotique, beaucoup plus d'impact.Le film s'achève dans un chaos sanglant qui n'est pas intéressant parce qu'il ne correspond, lui non plus, à rien ; mais naturellement il faut bien terminer sur quelque chose. Pourquoi pas sur l'absurde explosion de la maison et le départ de David avec Viviane/Jeanneret qui arrive là comme un cheveu sur la soupe ?
Surprenant, en revoyant ce Péril en la demeure, combien le personnage de Christophe Malavoy est l'objet du désir de tous les autres personnages. De son élève et de la mère de celle-ci (Nicole Garcia) dont il devient l'amant, mais aussi de la voisine (Anémone) qui joue les voyeuses, et même du tueur à gages (Richard Bohringer) dont l'intérêt plus qu'amical, bien que jamais nommé, est pourtant clair.
Habituellement, dans les films noirs, c'est une jolie femme (fatale ou faussement telle) qui assume le rôle de point de mire… Etre désiré ne l'empêche cependant pas de se trouver instrumentalisé par chacun selon ses besoins : pour se débarrasser d'un mari encombrant, pour tromper son ennui, ou pour sortir avec élégance d'une vie devenue insupportable. Malavoy, amant troubadour de passage faisant résonner les accords de Granados dans de grands espaces vides, se trouve ici le révélateur de tout ce monde étrange et prédateur tapi dans la torpeur des maisons bourgeoises provinciales…
Si le scénario peut sembler difficilement crédible, l'atmosphère du film et cette originalité du positionnement des personnages valent, à mon avis, encore le détour plus de 35 ans après sa sortie.
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