Mais qui a tué Harry ? est adapté d'un roman d'un certain Jack Trevor Story, auteur de policiers d’humour noir, genre que je pratique peu, sûrement à tort. Un roman, donc, alors que j'aurais juré que le scénario était issu d'une pièce de théâtre parce que tous les procédés de la scène – ceux qui font crouler de rire les spectateurs bons enfants – s'y retrouvent : petit nombre de personnages, confinement dans un nombre limité de lieux, invraisemblances diverses, récurrence des situations comiques, procédés directement imités de Guignol (le policier qui, pourtant suspicieux, ne découvre pas ce que tout le monde craint qu'il voie : le cadavre allongé dans la baignoire).
C'est bien lié, bien mené, mais plein de personnages archétypiques et un peu falots, d'autant que les acteurs choisis sont de parfaits inconnus, sûrement de deuxième ou troisième plan (j’excepte naturellement de mon propos Shirley MacLaine, dont ce fut le premier rôle et qui est déjà agréablement acide) et que leurs interactions sont aussi prévisibles que Mars en Carême. Certes le tutoiement cynique avec la mort qui est la trame du film peut s’accommoder de ces figures sans épaisseur, chacune confinée dans son type romanesque (la vieille fille qui n'a pas l'intention de le rester, le (faux) loup de mer râleur, la jeune mère très disponible, le charmeur peintre désintéressé, l'épicière grognonne et maternelle). Mais on se lasse vite.Quelques dialogues sont amusants, d'autres graveleux, comme toujours chez Hitchcock : ainsi le peintre (John Forsythe) au capitaine (Edmund Gwenn) qui vient de lui indiquer qu'il a été invité à goûter chez la bréhaigne (Mildred Natwick) : Vous allez être le premier à franchir son seuil !. Mais au final, c'est tout de même une pochade qui aurait été depuis longtemps oubliée si elle n'avait été signée par Alfred Hitchcock.
Parmi l'essaim de métrages insignes, Mais qui a tué Harry ? reste une oeuvre à part dans la filmographie de sir Alfred car elle demeure la seconde et l'ultime incursion dans la comédie après Mr. & Mrs. Smith. Ici, Hitchcock s'intéresse davantage aux relations unissant les personnages, qu'aux individus eux-même. Dans cette farce macabre, le point focal de ce bijou humoristique so british est le cadavre encombrant de Harry. Autour du corps de ce pauvre hère, le cinéaste s'amuse à tisser un enchevêtrement surréaliste d'interrelations entre les présumés meurtriers et des tiers, orientant visiblement l'intrigue vers des rebondissements irréels.
Jamais, un macchabée n'aura connu de telles pérégrinations. De ce mouvement perpétuel naît une instabilité telle que chacun se croit coupable. Le tout repose sur un rythme indolent et des dialogues savoureux et caustiques. Mais, ce qui frappe le plus le spectateur est cette succession de tableaux des paysages automnaux de la Nouvelle-Angleterre.
D'ailleurs, sitôt après avoir achevé La main au collet, Hitchcock commence illico les premières prises de vue du long-métrage en question. Ainsi, "le gros homme" put profiter au maximum -et ce malgré un temps exécrable- des couleurs de l'automne des extérieurs du Vermont.
Sir Alfred laisse, comme de bien entendu, planer un suave parfum de mystère autour de ce cadavre encombrant. Néanmoins, ce métrage reste une récréation ludique et grinçante dans l'œuvre du maître.
Cette comédie pétillante se revoit toujours avec un même plaisir. Cette pépite macabre annonce une palanquée de métrages immarcescibles, comme dirait notre camarade impétueux, à savoir –par ordre chrnologique- L'homme qui en savait trop (1956), Le faux coupable (1957), Sueurs froides (1958), La mort aux trousses (1959), Psychose (1960), Les oiseaux (1963) et Pas de printemps pour Marnie (1964). Quel réalisateur peut se targuer d'une telle période bénie ?
Je repose la question initiale qui me paraît excellente : comment le peintre, qui n'a pas vu les différentes personnes qui passent devant le cadavre, peut-il en parler au capitaine comme s'il les avait vues (au début du film) ?
Ajoute-moi à la liste de ceux qui aiment ce film pour toutes les excellentes raisons que vous avez évoquées! Même si les films d'Hitchcock qui allient spectacle captivant et réflexion sur l'homme sont mes préférés, qu'il s'agisse de "Sueurs froides", de "Psychose", de "La Mort aux trousses" et "Les Oiseaux". Je sais bien que ce n'est pas très original…
Bizarrement, ce film me fait toujours penser aux Bijoux de la Castafiore de Hergé. Sans doute à cause d'un ton similaire et le fait de raconter – consciemment – à force de rebondissements une histoire finalement totalement vide.
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