Sorti en 1963, Carambolages est l'un des trois films réalisés pour le cinéma par le grand homme de télévision que fut Marcel Bluwal.
Dans son message précédent, le regretté (sur le forum) PM Jarriq parlait de "régal". Et c'est en grande partie vrai. La distribution est effectivement parfaite, de Brialy, cireur de pompes prêt à tout pour monter en grade, à Michel Serrault, flic nostalgique de Vichy, en passant par De Funès, remarquable dans le rôle du grand patron de l'agence de voyages. N'omettons pas les oubliés mais non moins excellents Henri Virlojeux, Jacques Dynam ou Alfred Adam. Et Sophie Daumier en ravissante blonde moins idiote qu'elle en a l'air. Tous ces comédiens servent à merveille les dialogues d'un Michel Audiard très inspiré. Autres éléments de qualité: la belle photo en noir et blanc de André Bac ainsi que la musique de Gérard Calvi.
A certains égards Carambolages est un film précieux puisqu'il développe un humour noir à l'anglaise peu fréquent dans le cinéma français. Le scénario, signé Pierre Tchernia, est beaucoup plus caustique que ne le sera celui du viager, qu'il réalisera dix ans plus tard. La satire du monde de l'entreprise vise juste et n'a guère pris de rides en soixante ans, sans doute parce qu'elle fustige des tares inhérentes à la nature humaine: l'hypocrisie, l'avidité, l'arrivisme entre autres.Hélas, malgré sa réjouissante acidité et sa durée inférieure à 90 minutes, Carambolages met beaucoup trop de temps à décoller. Différentes scènes exposent l'agence de voyages "321", le personnel qui la compose ainsi que la vie de Paul Martin qui se partage entre sa femme et sa maîtresse. Pour maintenir son train de vie, Paul Martin doit absolument devenir dans les meilleurs délais, un cadre de l'entreprise. D'où son arrivisme forcené. Mais il faut attendre 40 minutes pour que l'intrigue principale se mette en place: Paul Martin va essayer d'éliminer ceux qui le séparent du sommet à la manière du Louis d'Ascoyne Mazzini de Noblesse oblige. Et il faut attendre les vingt dernières minutes pour voir les cadres de l'agence "321" disparaître les uns après les autres… Il est dommage que les auteurs de Carambolages aient réussi l'essentiel, à savoir distiller une méchanceté inhabituelle mais n'aient pas pensé à renforcer la solidité de l'intrigue, trop désarticulée pour convaincre.
Au final, Carambolages n'atteint pas l'excellence des meilleures comédies anglaises des studios Ealing mais surpasse bien des De Funès à venir. C'est un film injustement méconnu: est-ce la faute à sa photo noir et blanc qui le date ? à son titre, qui se réfère au billard mais fait davantage penser aux embarras de la circulation ? En tous cas, il a bien vieilli et mériterait, à ce titre, qu'on en parle plus souvent. Idem pour le précédent long-métrage de Bluwal, Le monte-charges.Il est sorti en kiosque dans une collection De Funès, chez Atlas. Belle copie 16/9 et le film est toujours un régal : Serrault en flic nostalgique de la Gestapo, De Funès en patron irascible (bien sûr) et effectivement, Delon à la fin, dans un caméo amusant.
Il y a une réplique qui donne le vertige : Sophie Daumier parle à Brialy de ce qu'elle préfère dans la vie et cite Johnny Hallyday. 40 ans plus tard, Daumier et De Funès sont morts, Brialy a 75 ans et écrit ses mémoires à répétition, Tchernia passe sur TF1 avec Arthur… et Johnny Hallyday est toujours là, à la même place ! C'est un peu angoissant, quelque part.
A part ça, comment fait-on pour connaître les plannings de sortie de ces films (comme celui-ci ou "Hannie Caulder", par exemple) qui ne sortent pas en magasin ? On risque de passer à côté de quelques perles.
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