C'est curieux, comme le temps passe… En 1978, lorsque j'ai vu La Petite, à sa sortie sur les écrans, ni le cadre d'un bordel confortable de la Nouvelle Orléans en 1917, ni la juvénilité de Violet (Brooke Shields)
, La Petite, ne m'avaient particulièrement choqué. J'avais simplement été un peu déçu par la lenteur et la minceur de l'intrigue du film de Louis Malle,
dont la dernière œuvre, Lacombe Lucien
avait été un formidable coup de fouet dans un paysage endormi et qui commençait avec ce film, d'un autre genre de venin, une nouvelle carrière Outre-Atlantique.
Mais j'ai tout de même été plutôt interloqué par la complaisance mise par Louis Malle à montrer le très jeune corps dénudé de Brooke Shields,
qui avait 12 ans à l'époque. Je doute que si le réalisateur n'avait pas une grande stature dans le cinéma d'aujourd'hui et s'il n'était pas mort, stature et situation qui font qu'on n'ose pas trop y toucher, si le film n'était pas, d'autre part, un peu oublié, on ferait des gorges chaudes contre ce qui apparaîtrait maintenant comme un large clin d’œil pédophile.
C'est curieux, la morale, c'est curieux, la vertu, c'est curieux, la pudeur, comme ça ondoie selon les époques. En ces années-là, l'excellent écrivain Gabriel Matzneff pouvait (à Apostrophes, devant Bernard Pivot, je crois) venir en prime time célébrer son goût pour les fruits très verts qu'il allait cueillir indifféremment à la sortie des collèges de filles ou de garçons. Et Roger Peyrefitte se faisait un plaisir de conter comment, en compagnie de Montherlant
il allait draguer l'adolescent dans les fêtes foraines.
Tout ça a beaucoup changé, n'est-ce pas ?
Qu'on ne voie pas là un discours grave et moraliste : il y a, dans la correspondance ou le Journal de Flaubert, dans celui des Goncourt, dans les textes de Gide des tas de pages qui nous interloquent et qui racontent avec ce qui peut nous paraître une invraisemblable bonne conscience des séances orgiaques avec des enfants, des pré-adolescents, en tout cas. Notre façon de voir les choses s'en effare, mais ne peut pas faire l'impasse là-dessus.
Mais le film de Louis Malle, qui essaye de temps à autre de jouer sur la distance entre l'âge de Violet et ce qu'elle voit, sans dégoût et sans gêne, tout autour d'elle, n'est pas très réussi, d'autant qu'il met en scène, sans en creuser le personnage, un grand escogriffe photographe, Bellocq (Keith Carradine)
, amoureux de Violet, puis son époux, à qui on ne croit pas une seconde.
Tout au moins se sera-t-on rendu compte de la relativité des indignations.
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