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Sujet : Des hommes, des femmes et des dieux


De DelaNuit, le 14 septembre 2014 à 21:33
Note du film : 5/6

Economistes et politiques nous rabattent les oreilles avec la dette de la Grèce. Mais ils n’ont rien compris au film… Christophe Honoré, lui, tenait à rappeler la dette immense que nos sociétés occidentales doivent à la Grèce : notre philosophie, nos arts, nos institutions, nos mythes… Et l’envie lui a pris d’adapter les Métamorphoses d’Ovide. Avec légèreté, il nous parle de l’impermanence des choses, de nos êtres en mutation permanente, du divin présent partout autour de nous, y compris dans les lieux les plus prosaïques, aux franges et interzones de nos lieux dits civilisés, et pouvant prendre de multiples visages. A l’opposé des dogmes culpabilisants, il nous parle d’une spiritualité qui renvoie l’homme à l’animal qui se trouve en lui, tout autant qu’à l’étincelle divine qui l’habite. Un monde où le terrestre et le céleste ne sont pas en conflits mais complémentaires.

De jeunes acteurs enthousiastes et naturels incarnent ces dieux et héros subversifs dans un film étrange et rafraîchissant dont la narration s’éparpille au fil des récits imbriqués les uns dans les autres. Europe n’est plus une princesse phénicienne mais une beurette de banlieue et Jupiter ne l’enlève plus sur le dos d’un taureau mais en camion ! Il joue auprès d’elle l’initiateur autant que le séducteur, avant de la laisser prendre en main par son fils Bacchus puis suivre le poète Orphée. Certains choix sont discutables (pauvre Diane se douchant dans les bois avec un jerrican près de sa caravane comme une pute du bois de Boulogne !), d’autres intéressant (Narcisse renvoyé à la conscience de sa vacuité) ou d’une beauté émouvante (Junon semant sur les plumes du paon les yeux d’Argus, Orphée cherchant sous les eaux la porte des Enfers pour en ramener Eurydice, la transformation en arbres mêlés de Philémon et Baucis, unis pour l’éternité). La forme est bien loin des blockbusters américains tels que les récents Hercule ou Choc des titans, et ça fait plaisir que la mythologie inspire autre chose que des jeux vidéos géants bourrés d’effets spéciaux ! Ici, à travers un fantastique de proximité qui ré-enchante le quotidien, on pense parfois à Cocteau (Le testament d’Orphée) voire à Jacques Demy (son Orphée chanteur à Bercy cherchant l’entrée des Enfers au fond d’un parking) et pour la forme Pasolini (Théorème, Les contes de Canterbury, Decameron, Les mille et une nuits…), ou Rohmer

Bacchus nous rappelle au passage que les dieux ont besoin de la croyance et de l’amour des hommes pour exister (thème déjà abordé dans Malpertuis). Honoré nous montre ensuite un aspect rarement vu du personnage d’Orphée : celui du prêcheur illuminé d’une nouvelle secte ascétique qui inspira fortement le Christianisme… et n’élude pas la question toujours actuelle de la violence générée par le prosélytisme dogmatique.

Attention, il ne s’agit pas d’un chef d’œuvre mais d’un film sans autre prétention que de nous faire rêver et ouvrir notre esprit à un parcours initiatique, un retour aux sources, aux fondements méditerranéens de notre société, omniprésents dans notre culture pour qui ouvre les yeux. La tête coupée d’Orphée se change en livre – "Les Métamorphoses" d’Ovide évidemment – que se transmettront (comme la veste-relique de Brando dans L’homme à la peau de serpent) ceux qui chercheront à dépasser ce qui nous enferme pour cheminer vers plus de liberté (admirable image finale de cette liberté retrouvée par Europe loin des carcans familiaux et sociaux). On en ressort nous aussi changés avec un autre regard sur le monde et sur notre environnement quotidien…


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