Tout cinéma de genre, aussi fertile en variations soit-il, finit par frapper son mur historique. Dans le cas de la comédie à l'italienne, il a fallu deux longues décennies (1958-1979), mais en 1980, ça y est, elle ne fonctionne plus, ne fait plus recette. Et comme le genre était en même temps l'épine dorsale économique (recettes fabuleuses du Pigeon aux Nouveaux monstres), c'est toute l'industrie du cinéma qui va piquer du nez dans la décennie 1980, n'ayant plus de rainmaker pour garnir ses coffres.
Ce que le spécialiste de la comédie populaire Dino Risi essaie de faire dans Je suis photogénique, c'est de changer de génération et même de changer de sorte d'humour. Sauf que ça ne marche pas.
«Il y a les films d'auteur et les films d'équipe. Moi, je fais des films d'équipe», disait monsieur Risi. Eh bien justement, l'équipe est différente ici. Il y a clairement changement de garde. Du ''pool' de scénaristes au monteur en passant par la trame sonore, monsieur Risi est allé chercher du nouveau personnel. Sauf que ça ne marche pas.
La première raison de ce fiasco, c'est que la comédie passe d'abord non par le metteur en scène, mais par le clown de service. Or handicap insurmontable, le "nouveau" Renato Pozzetto ne me fait pas rire DU TOUT! C'est un personnage de "gros con" joué sur une seule note, sans fibre humaine spécifique. Dans un sketch télé de trois minutes, il aurait pu me faire rire aux éclats («Ah quel con celui-là! Ha! Ha! Ha!»), mais pas pour un film d'une heure et demie.
Les prémisses ou prémices (je ne sais jamais lequel est lequel) étaient pourtant relativement prometteuses. Il s'agit de faire la satire des milieux du cinéma italien en pleine crise en racontant l'histoire d'un con de province (Pozzetto, donc) qui vient "tenter sa chance" à Cinecittà au pire moment possible. Et c'est plein de coups de griffe ici et là, d'ailleurs, vu qu'on est chez Risi. On a même droit à un tournage de Mario Monicelli dirigeant Vittorio Gassman, tournage que notre piètre trublion viendra perturber en mettant sa tête de con dans le champ au moment où Gassman s'apprête à embrasser Fenech. Mais même là, ce n'est pas drôle.
Sij'ai pu passer (deux fois!) à travers ce pénible soufflé qui ne monte pas, c'est grâce aux acteurs de soutien: Gassman et Monicelli dans leur propre rôle (et en passant il y a un figurant muet, dans la scène du tournage, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Gian Maria Volontè: c'est peut-être lui!), Julien Guiomar en roue libre dans le rôle d'un prof de théâtre d'avant-garde complètement givré, Michel Galabru dans une prestation fort amusante en producteur de films qui, coincé dans un ascenseur avec notre pénible héros, lui raconte sa vie amoureuse en pleurant. L'insupportable Aldo Maccione m'a même semblé moins insupportable que d'habitude, dans son rôle d'impresario-escroc "monstrueux". Le plus triste de tout est de constater qu'Edwige Fenech, échappant pour une rare fois au ghetto du porno soft, sait jouer la comédie, et qu'elle est loin d'être mauvaise: quel dommage pour elle que ça tombe justement dans un mauvais film. (Heureusement la même année elle fut aussi du Larron).
Bref, en voyant Je suis photogénique, on comprend mieux pourquoi Dino Risi, pour son film suivant, va pour la première fois complètement tourner le dos à la comédie satirique avec le très beau Fantôme d'amour.
Et Risi montrera aussi toute la qualité de son talent avec le déchirant Valse d'amour, n'est-ce pas…
Ah certes, mais dans Valse d'amour, Risi revient à son genre de prédilection, celui qui a fait sa marque : et donc il a besoin de Vittorio Gassman ! D'ailleurs 1989-91 montre un curieux surgeon tardif du genre, avec Joyeux Noël, bonne année, L'Oncle indigne, Valse d'amour et Parents serpents. Mais disons qu'entre ces deux points, Risi a tenté des choses pour secouer le cocotier. Comme L'inspecteur 'Le Chat' (1987, comédie policière jamais sortie en France…)
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