Je ne suis pas un fervent amateur des films de Martin Scorsese. Je n’ai pas totalement adhéré à ses dernières réalisations, que ce soit l’adaptation ratée de Shutter Island,
le très fade Aviator,
ou encore le tout dernier Hugo Cabret
(allez je mets de côté Les Infiltrés,
porté par le grand Jack Nicholson)
Je ne suis pas non plus un grand fan de Leonardo DiCaprio. A vrai dire, je n’ai jamais trouvé chez lui un grand talent d’acteur ; j’ai souvent trouvé qu’il « surjouait », dans Gangs of New York
par exemple, en froissant les sourcils pour se donner l’air d’un méchant et se départir de son joli minois (il ne fait pas le poids face au monstre Daniel Day-Lewis,
contraste saisissant, et raison principale pour laquelle ce film reste moyen). Au rang des jeunes et beaux acteurs américains, je place Brad Pitt,
pour qui je voue une admiration sans faille, largement devant. Mais c’est une autre histoire.
Et pourtant, j’ai beaucoup aimé et je pense que ce Le Loup de Wall Street est un grand film. Son seul défaut vient finalement de son titre (et de son affiche), très médiocre. Scorsese
se lâche comme peut-être il ne l’a jamais fait. Il s’agit là d’un véritable défouloir, le cinéma « total », pour reprendre une expression tirée du football, car tout y passe : les excès de la golden génération, assoiffée d’argent, de sexe, de drogues, les limites de la dépravation, de l’immoralité, du cynisme sans cesse repoussées. Voilà ce que veut montrer Scorcese. N’est-ce pas non plus là un des aspects de la dérive de notre société contemporaine en totale perte de repères, de valeurs ? (un peu facile mais c'est mon côté réac et donneur de leçons)
C’est un film fleuve, dont l’objet est limité (on n’y parle que de magouilles crapuleuses, de tirer son coup, de «shoot express », et de dollars, beaucoup de dollars) et pourtant jamais l’ennui ne vient poindre. Car c’est un film intelligent : sa vulgarité ne choque pas, les dialogues sont percutants, les images captivantes, les acteurs au meilleur de leur forme (ah cette magnifique scène du début : Matthew McConaughey, interprétant le premier employeur de Jordan Belfort, qui entame le chant de gorille et initie Leonardo aux vices du parfait courtier…)
Et DiCaprio m’a convaincu comme il ne l’avait jamais fait jusqu’à présent. Et oui, je m’avance, mais je mettrais bien un billet sur un futur oscar attribué à Léo pour sa performance. On en reparle bientôt.
Revenons à ce Loup de Wall street qui montre l'ascension fabuleuse d'un petit courtier en bourse, Jordan Belfort (Di Caprio), doté d'un invraisemblable talent de conviction et qui parviendrait à vendre n'importe quoi à n'importe qui : expressions originales, modulations de la voix, idées séduisantes et, au dessus de tout, cette faculté si choquante aux yeux des gens bien élevés (c'est-à-dire coincés par leur bonne éducation) de ne jamais laisser tomber l'affaire, de ne jamais raccrocher le téléphone tant que le pigeon, excédé, séduit, impressionné, lassé, admiratif, terrifié de laisser passer l'occasion de toucher la grosse galette n'a pas cédé pour aller vider les économies de son petit bas de laine.
Alors je reviens à mon paragraphe initial. En fait, un film n'est jamais trop long ; on peut s'ennuyer pendant 90 minutes et vibrer pendant 240. Grand mystère ! À force d'y réfléchir je me dis qu'il faut qu'un film soit maigre, quelle que soit sa stature, c'est-à-dire que – mesurant deux mètres ou la moitié moins – il ne soit pas gras. C'est-à-dire encore qu'il ne comporte pas, ou le moins possible, d'excroissances, de bouffissures, de débordements, d'enflures malsaines. C'est-à-dire enfin que les digressions autour du sujet puissent se justifier, avoir une forme de pertinence, trouvent une sorte de raison d'être. En d'autres termes, il faut élaguer, élaguer sans cesse le récit pour le rendre sec et brutal. Mais, dans Le loup de Wall street, on a le sentiment que Martin Scorsese
suit pied à pied, mois après mois, année après année tout ce qui se passe dans la vie de Jordan Belfort et qu'il se noie dans les détails ; ou, en tout cas, dans une multitude d'anecdotes parallèles dont beaucoup ne sont pas inintéressantes, mais dont la plupart sont inutiles à l'intelligence du récit.
Et de cette façon on obtient un film qui paradoxalement est plein de péripéties mais qui demeure absolument lisse. Et souvent ennuyeux.
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