Forum - Le Rendez-vous des quais - "Ma blonde, entends-tu dans la ville ?"
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Sujet : "Ma blonde, entends-tu dans la ville ?"


De Impétueux, le 19 septembre 2013 à 23:08
Note du film : 4/6

Voilà un délicieux film très reposant parce que, même si on le prend en route, si on en a raté le début, comme ce fut mon cas, l'autre soir, sur la chaîne Histoire, même si on ne connaît pas d'emblée le nom des personnages, on saisit immédiatement le fil du récit et on s'installe dans une grande tranquillité de regard, ce qui est souvent bien agréable pour le spectateur un peu las.

Le rendez-vous des quais est un film absolument, naïvement, sculpturalement militant, du temps où le mot voulait encore dire quelque chose et où les Lendemains qui chantent étaient élevés au rang d'une foi religieuse, insusceptible de doutes, de nuances et de critiques. Même si, aujourd'hui, ce que Philippe Muray a appelé le Camp du Bien s'est constitué sur un socle de certitudes toutes issues du Politiquement correct, je doute qu'il y ait jamais, avant longtemps, la ferveur, le dévouement, l'exaltation que pouvaient ressentir les communistes occidentaux avant que le rapport Krouchtchev sur les crimes (pudiquement nommés excès) de Staline puis la répression de l'insurrection de Budapest, l'un et l'autre en 56 ne commencent à mettre la puce à l'oreille de certains.

Mais auparavant, donc, c'est la foi du charbonnier, que partage Paul Carpita, et qu'il exprime dans ce film, dont les protagonistes sont à la fois sympathiques par leur certitude d'être sur le chemin de la libération de l'Humanité et terrifiants par leur aveuglement. Ce qui est très bien, très reposant donc, c'est que tout est solidement simple : tous les ouvriers, dockers, syndicalistes, militants communistes ont de beaux visages francs ; tous les patrons, possédants, armateurs et leurs chiens de garde (policiers, gendarmes, militaires) ont de sales gueules torves. Suprême raffinement, le traître à la classe ouvrière, l'ami des patrons, le jaune a une physionomie ambiguë, une tête bizarre, qu'on identifiera vite comme celle du parfait faux jeton. Comme ça, au moins, on n'a pas à décrypter des structures alambiquées, et on sait tout de suite avec qui on se trouve.

Le cadre du film, c'est Marseille en 1950 et le mouvement des dockers contre la guerre d'Indochine, dockers qui en allaient jusqu'à saboter matériels et munitions destinés au corps expéditionnaire français en Extrême-Orient, c'est-à-dire à faire le jeu de l'ennemi. Tout cela est présenté avec une telle bonne conscience qu'on en est – sans jeu de mots – absolument désarmé. Les acteurs ne sont pas des professionnels, mais des militants et ont le jeu, les attitudes, les intonations des prédicateurs convaincus qu'ils sont, en fait. Mais c'est bien filmé, avec de larges perspectives d'esthétique industrielle sur le port de Marseille, la majesté des quais, des darses et des grues.

Interdit dès sa sortie, en 1955, le film sera sorti de l'oubli en 1990. C'est l'année où le communisme s'effondre avec la disparition de l'Union soviétique. Il n'y a pas de hasard.


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De Arca1943, le 20 septembre 2013 à 15:11

«Interdit dès sa sortie, en 1955…»

C'est un scandale ! Une honte ! Si jamais un député (sic) du Parti communiste français, à la suite de cette interdiction, s'est levé en Chambre pour dénoncer, euh, attendez voir, les "laquais du capital", ou "la dérive clérico-fasciste de la censure bourgeoise" ou enfin quelque chose du genre, il a – pour une fois – toute ma sympathie!

Un bon petit film communiste de temps en temps, pourquoi pas ? C'est un style, après tout. Dans le même ordre d'idées, mais plus proche de Sam Peckinpah – seventies obligent – je recommande chaudement à Impétueux un "film de grève" très rouge, Actes de Marusia, qui met aux prises d'innocents mineurs de salpêtre chiliens et les sbires patibulaires d'une compagnie minière (britannique!) des années vingt, film mettant en vedette nul autre que notre électrisant ennemi bolchévique Gian Maria Volontè dans le rôle du leader de la grève "sorti du rang" ! Réalisé par le communiste Miguel Littin, mis en musique par le communiste Mikis Theodorakis, c'est une sorte de ballet sanglant rouge de chez rouge !


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De Viator, le 23 janvier 2022 à 00:19

Sur la thématique de la grève également, et tout aussi percutant que "Actas de Marusia", le film "La Patagonia rebelde" (« La Patagonie rebelle ») du réalisateur argentin Héctor Olivera. Ce film remporta l’Ours d'argent à la Berlinale 1974. Il est basé sur des faits réels relatés dans un ouvrage qui fut le résultat d’une enquête minutieuse. Le combat syndical et le massacre qui a suivi furent ignorés d’une majorité de la population jusqu’à la sortie de ce drame tourné un peu plus de cinquante ans après les faits et interdit de salles jusqu’en 1984.

Synopsis : En 1920, des ouvriers de la Patagonie, groupés dans des sociétés anarchistes et socialistes, décident de faire une grève pour exiger des améliorations de salaires, ce qui constitua le commencement de leur prise de conscience en tant que classe opprimée. Parmi les travailleurs il y a de nombreux immigrants européens qui agissent comme ferment idéologique de leurs camarades. La situation devient insoutenable et le gouvernement du Président Yrigoyen envoie depuis Buenos Aires le lieutenant-colonel Varela pour imposer l’ordre. L’histoire commence lorsque, face à la situation économique, les sociétés ouvrières du port San Martín et Río Gallegos, affiliées à la Fora Communiste, dominée par les anarcho-syndicalistes, incitent à une campagne de syndicalisation des paysans, des tondeurs, et d’autres salariés. La réponse des propriétaires terriens a été extrêmement dure : licenciements, violence, menaces. Tout ceci conduisit à l’intensification du conflit, qui amènera la rébellion des travailleurs vers les patrons et les institutions de l’état.

Il est disponible en dvd mais sans les sous-titres en français.

https://dvdtoile.com/Film.php?id=109826

Une critique est disponible sur la toile: https://www.critique-film.fr/critique-la-patagonie-rebelle/


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De Impétueux, le 23 janvier 2022 à 12:51
Note du film : 4/6

Il y a un peu plus que le thème de la grêve, dans Le rendez-vous des quais : il y a celui du sabotage : un sabotage fait en pleine bonne conscience qui a sûrement abouti à faire plus facilement tuer beaucoup de nos compatriotes ; la même bonne conscience que celle des fameux porteurs de valise européens des tueurs du FLN algérien.


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